Liliane Laviron
De la lune de miel à la lune de fiel La relation amoureuse avec un pervers narcissique Essai
© Lys Bleu Éditions – Liliane Laviron ISBN : 979-10-377-3508-9 Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Avertissement
Toute ressemblance… ne serait absolument pas fortuite.
Préambule
Que les choses soient claires : il s’agit d’un essai, établi à partir de documentations diverses, de témoignages publiés ou de témoignages recueillis auprès de mon entourage et d’observations personnelles, mais en aucune manière d’une étude clinique. Je ne suis pas psy : je n’en ai ni la formation, ni la compétence, ni l’expérience. Je suis parfaitement informée que seul un professionnel de la santé dûment formé à cet effet est habilité à établir un diagnostic médical.
Je n’avais jamais envisagé d’écrire sur un sujet aussi particulier : la relation amoureuse avec un pervers narcissique. Il aura fallu une coïncidence pour que je me lance dans ce projet. En effet, à quelques jours d’intervalle, deux femmes, d’âge et de milieu différents, m’avaient fait part de leurs déboires sentimentaux. L’une et l’autre évoquaient les vexations en tout genre qu’elles subissaient au quotidien et qui confinaient à la persécution morale. Toutes deux se perdaient en conjectures et ne comprenaient pas leurs soudaines difficultés à s’expliquer avec un partenaire quelque peu particulier qui non seulement avait beaucoup changé, mais refusait le dialogue.
Plus tard, en réfléchissant à leurs déclarations, une question m’a traversé l’esprit : si le harcèlement moral est fréquemment la signature du pervers narcissique en milieu professionnel, en est-il de même dans une relation sentimentale ? Plutôt que de tirer des conclusions hâtives et voir le mal là où il n’est pas, j’ai d’abord voulu en apprendre davantage sur cette étrange personnalité. Il est si facile de se tromper : j’ai trop souvent entendu « quel pervers celui-là ! » quand il ne s’agissait que d’un comportement ponctuel lié à une situation particulière et exceptionnelle.
Dans le langage courant, un homme atteint d’un trouble de la personnalité
narcissique est communément nommé « pervers narcissique ». C’est le terme que j’ai retenu (plutôt que « pervers narcissique manipulateur » qui serait pourtant plus proche de la réalité), bien que certains médecins spécialistes réfutent cette appellation.
J’ai donc recherché des informations et documentations (articles, ouvrages, interviews) émanant de thérapeutes et traitant du sujet. Je me suis bien gardée de tout a priori, afin de n’être pas tentée de ne retenir que les éléments soutenant une éventuelle idée préconçue. Gros travail de compilation des données pour tenter de dresser le profil du pervers narcissique manipulateur, qui sera identifié tout au long de cet essai sous l’abréviation « PN ».
Parallèlement, durant la phase de mes investigations, j’ai parlé de ce projet autour de moi. Il ne se ait pas une semaine sans qu’un nouveau témoignage direct ou indirect vienne s’ajouter à ceux que j’avais pu lire dans la presse ou dans des récits autobiographiques. Qu’il s’agisse d’elles-mêmes ou d’un membre proche (sœur, cousine, nièce, fille, amie…), toutes les personnes approchées m’apportaient du grain à moudre.
Je leur demandais de me raconter les faits marquants, de la rencontre à la rupture, qui leur revenaient en mémoire. Même si elles s’en étaient plutôt bien sorties, certaines d’entre elles se reprochaient leur aveuglement : elles avaient occulté les évidences et négligé les signaux. Pour d’autres, en revanche, on sentait bien que la blessure était encore sensible et profonde.
Je me suis abstenue de poser le moindre diagnostic sur les hommes dont on me parlait. J’ai préféré lister les comportements les plus fréquemment rapportés par les thérapeutes et les comparer aux déclarations de celles qui étaient tombées dans les filets d’un être nuisible, en veillant à séparer le bon grain de l’ivraie. Les nombreuses similitudes et leurs enchaînements ne laissaient – bien souvent – guère de place au doute : pour la plupart, le démon se cache derrière le sourire angélique.
Bien que les cibles des pervers narcissiques ne soient pas systématiquement les conts, j’ai délibérément axé mon enquête sur la relation de couple. Je me suis uniquement attachée à la liaison sentimentale qu’une femme entretient avec un homme pervers narcissique, parce qu’il m’a été plus facile de recevoir des témoignages féminins. Néanmoins, il ne faudrait pas oublier que les victimes se comptent aussi parmi les hommes. Qu’ils soient masculins ou féminins, hétérosexuels ou homosexuels, les prédateurs produisent les mêmes dégâts.
Quoi qu’il en soit, peut-on encore parler d’amour dès lors que l’un des deux partenaires est un pervers narcissique ? Oui, bien sûr. Parce que pour l’autre, en l’occurrence, la relation amoureuse a bel et bien existé ; c’est sous cette appellation qu’elle l’a ressentie, qu’elle l’a exprimée. Je suis amoureuse, j’aime, j’ai aimé… Les souvenirs qu’elle en conserve peuvent même parfois être empreints de cette tendresse qu’on éprouve en se remémorant les bons moments vécus et en oubliant tout ce qui pouvait les assombrir.
Plus j’avançais dans l’étude de la documentation nécessaire à l’élaboration de cet essai, plus il était évident que, moi aussi, j’avais croisé des manipulateurs, des narcissiques et des pervers tant dans ma vie professionnelle que personnelle. Au moment où j’écris ces mots, je ne saurais expliquer à partir de quels comportements particuliers je me suis éloignée à grands pas de ceux qui, aujourd’hui, pourraient être classés dans la catégorie des pervers narcissiques manipulateurs. À l’époque, était-ce de l’instinct ? de la prémonition ? de l’intuition ? Je l’ignore encore en cet instant précis, mais une chose est sûre : nous sommes cernés !
Cet essai n’est pas celui d’une victime ni d’un thérapeute, mais celui d’une observatrice lambda qui ne voudrait surtout pas se trouver dans la position de témoin if. Mon propos n’a pas d’autre ambition que de sensibiliser chacun(e) aux signes à reconnaître, tant en ce qui concerne le prédateur (à fuir) que sa proie (à aider, à protéger). Un danger identifié est toujours plus facile à éviter, un ennemi identifié est toujours plus facile à combattre. C’est d’ailleurs à
dessein que je me répète dans les descriptions que je dresse, dans les exemples que je cite, afin d’alerter toute personne, qui serait la cible ou le témoin d’agissements curieux, sur l’enfer que vivent de (trop) nombreuses victimes.
Parfois, il m’est arrivé de penser que je forçais peut-être un peu le trait quant aux défauts du pervers narcissique. Pourtant, d’après celles qui, un jour, en ont fait les frais, il paraît que je suis encore loin de la vérité…
1
Manipulation, narcissisme, perversion
En psychanalyse, la perversion narcissique constitue à la fois une pathologie relationnelle et un mécanisme de défense qui consiste en une survalorisation de soi-même aux dépens d’autrui¹.
C’est ainsi que « Le mouvement pervers narcissique se définit essentiellement comme une façon organisée de se défendre de toutes les douleurs et contradictions internes et de les expulser pour les faire couver ailleurs, tout en se survalorisant, tout cela aux dépens d’autrui. »²
On pourrait également dire que « le pervers narcissique est un sociopathe qui agit comme un prédateur ; par la manipulation mentale, il va chercher à détruire l’identité de sa proie. »³
Les parts de perversion, de narcissisme et de manipulation du PN ne sont ni fixes ni d’égales proportions, et peuvent fluctuer selon le moment, les circonstances, l’interlocuteur. Chacun des comportements du PN relèvera tantôt de la perversion, tantôt du narcissisme, tantôt de la manipulation.
Les manipulateurs, les narcissiques et les pervers ont pour point commun de n’accepter qu’à grand-peine, voire jamais, de reconnaître qu’ils le sont. C’est pourquoi ils n’éprouvent aucune culpabilité quant à leurs travers.
Pris isolément, chacune de ces pathologies ne produit pas systématiquement un PN. C’est d’ailleurs une source de confusion pour de nombreuses personnes. Certaines d’entre elles pensent avoir eu affaire à un pervers narcissique, parce
qu’elles ont été confrontées à la manipulation, ou au narcissisme ou à la perversion, et qu’elles découvrent ces caractéristiques dans le profil du PN.
Je me permets donc d’insister sur le fait que c’est l’association de ces trois travers, en des proportions plus ou moins variables, qui constitue la personnalité du pervers narcissique manipulateur. À cela s’ajoute un quatrième élément, et pas des moindres : le besoin de détruire, qu’on ne retrouve que chez le PN.
Quel que soit le milieu social ou professionnel dans lequel ils évoluent, quelle que soit leur apparence physique, les pervers narcissiques se ressemblent tous dans leur mode de fonctionnement, ou plus exactement dans leur mode de dysfonctionnement. Si l’extérieur est différent, l’intérieur, quant à lui, est identique.
Il n’est pas rare de rencontrer des narcissiques dans les professions où l’image revêt une grande importance, comme il est courant de trouver nombre de manipulateurs dans les métiers liés à l’exercice du pouvoir « les hommes de l’ombre ». Ce ne sont pas pour autant des pervers narcissiques (enfin, pas tous !). Ces derniers, quant à eux, se côtoient dans tous les secteurs, toutes les tranches d’âge et toutes les couches sociales.
1.1
La manipulation
Selon l’une des définitions du Petit Robert, la manipulation est « l’emprise occulte exercée sur un groupe ou un individu ».
Cette proposition ret celle présentée en psychologie : une méthode délibérée pour contrôler ou influencer la pensée d’autrui. La manipulation conduira à la soumission de la personne qui la subit.
Il existe toutes sortes de manipulations. Les médias, les publicités… n’influencent-ils pas nos avis, nos opinions, nos choix, tous les jours ? Est-ce de l’information ou de la manipulation ? Je n’entrerai pas dans ce débat ici. Ce qui m’intéresse, en la circonstance, c’est le pouvoir qu’exerce un manipulateur dans une relation amoureuse.
La manipulation, exceptionnelle ou compulsive, revêt plusieurs formes, de la plus anodine à la plus perfide, dans le seul but d’obtenir un avantage. Ne sommes-nous pas toutes et tous des manipulateurs occasionnels ? Plutôt que d’avouer : « J’ai soif, mais j’ai la flemme de me lever », on trouvera un subterfuge (flatterie, lamentations, chantage, voire menaces) pour se faire servir un verre d’eau, sans fournir le moindre effort, quitte à obliger l’autre à interrompre son activité du moment.
Nous avons toutes et tous expérimenté cette forme de manipulation. Un collègue qui nous refile son travail, un ami qui veut nous emprunter quelque chose : chacun trouvera les arguments plus ou moins subtils pour nous faire accepter de rendre service, même si cela nous ennuie.
Tant que ces agissements ne cherchent pas à contrôler systématiquement la pensée, le désir, le choix, l’opinion, la vie de l’autre, ils sont acceptables et, le plus souvent, acceptés, parce qu’ils ne touchent pas à l’identité, à la liberté de celui ou celle qu’on manipule ponctuellement. Et gardons à l’esprit que nous serons à notre tour, à un moment donné, le « manipulé » : c’est nous qui irons chercher le verre d’eau.
En revanche, la manipulation devient perverse quand elle prend un tour systématique, quand elle cherche à tromper l’autre, à le contraindre à agir ou à penser comme on veut qu’il agisse ou qu’il pense, en orientant sa perception par toute une panoplie de procédés corrompus. C’est une violence morale, d’autant plus destructrice qu’elle est masquée, et qu’elle n’est jamais – ou pratiquement jamais – perçue par la victime comme une intrusion dans son esprit. En effet, la frontière est mince entre se ranger aux arguments présentés⁴, parce qu’ils sont cohérents, et les épo aveuglément par l’unique jeu de l’influence subie.
Si certaines manœuvres sont parfois grossières, et vite repérées (« toi qui sais tout », « toi qui es la meilleure »…), d’autres sont beaucoup plus affinées et raffinées. Quelle jouissance extrême pour certains que de faire faire ce qui leur répugne, ou de diriger la pensée d’autrui !
Qu’il agisse par la douceur, par les jérémiades, par les compliments, ou d’une manière plus agressive, dans tous les cas, le manipulateur veut atteindre son objectif. Il se voit comme un génial stratège. Pour lui, seul le résultat compte : qu’importe la tactique employée pour arriver à ses fins. L’exemple le plus célèbre est celui du renard qui n’a reculé devant aucune flatterie pour s’emparer sans effort du fromage convoité. Il est dommage que la morale de cette fable, si connue pourtant, nous échappe trop souvent : « Apprenez que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute. »⁵
Quant au marionnettiste, celui qui dénie toute existence propre à celles et à ceux qu’il considère comme ses pantins, en les empêchant d’exprimer une opinion différente de la sienne, en les menant là où il veut les conduire, il devient incapable d’obtenir quoi que ce soit autrement que par la manipulation. C’est devenu une drogue, une addiction, un besoin viscéral et irrépressible.
Vivre aux côtés d’un manipulateur est épuisant ; cela demande une attention de tous les instants, pour préserver son intégrité et son libre arbitre. Il faut décortiquer chacun de ses propos, en rechercher le sens caché, s’interroger sans cesse (« Je le fais parce qu’il me le demande ou parce que j’en ai envie ? ») et ne jamais baisser la garde.
1.2
Le narcissisme
Selon la définition du Petit Robert, le narcissisme est « l’iration de soimême, l’attention exclusive portée à soi ».
J’ai trouvé de nombreux ouvrages traitant ce sujet ; ouvrages qui, parfois, se contredisent entre eux quant aux causes et aux processus. Comme je l’ai écrit en préambule, mon propos n’est pas une analyse clinique. Je ne m’avancerai donc pas à chercher qui a raison, qui a tort. Je me contente de comparer les caractéristiques couramment présentées comme relevant du comportement narcissique.
Le narcissisme est une phase normale de développement chez le petit enfant ; il ne prête pas ses jouets, il refuse de partager sa maman… Avec l’âge, le narcissisme va évoluer. Au fond, rien de plus naturel que de s’irer… de temps en temps, ou d’être égoïste… de temps en temps. Après tout, l’autosatisfaction contribue à nous rassurer quand les compliments espérés tardent à venir, ou n’arrivent jamais. Tant que tout cela reste dans la limite du raisonnable, et ne perturbe pas nos relations avec autrui, il n’y a pas à s’inquiéter. Là où ça devient un trouble, c’est quand cette estime de soi devient obsessionnelle, pathologique : soif d’être reconnu, iré, adulé. « Miroir, mon beau miroir… » interrogeait la marâtre narcissique de Blanche-Neige.
Comme pour la manipulation, il existe des degrés dans le narcissisme : cela va du nombrilisme modéré à l’individualisme enragé. En effet, le narcissique aimable, gentil, serviable, joyeux luron disposé à faire rire par ses pitreries et son sens de l’humour aiguisé, n’est pas rare. Au fond, celui-là voudrait tellement retrouver dans les yeux de son entourage le regard éperdu d’amour que sa mère portait sur lui ! Néanmoins, enfant gâté égocentrique, il veut rester le point de mire et ne e pas de er au second plan ; il peut se montrer jaloux de sa
propre progéniture.
On rencontre également le narcissique arrogant, méprisant, hautain, égotiste, celui qui surestime son importance, celui qui considère que ses désirs sont une priorité pour lui et pour les autres envers lesquels il n’éprouve aucune considération et qui devront se soumettre à sa volonté. Il déclare se suffire à luimême, mais est incapable, en vérité, de vivre seul.
Agréable ou dédaigneux, le narcissique recherche avant tout la lumière, l’attention, la popularité, et manifeste une certaine soif de pouvoir et de succès. Il veut qu’on le remarque, qu’on le regarde comme un héros, comme une élite, comme un modèle à imiter. Quel que soit le domaine (professionnel, sportif, amical ou familial) où il peut exprimer son savoir-faire, il saura bien le faire savoir.
Il peut être tenté de prendre ou de faire prendre des risques inconsidérés si cela lui confère le prestige auquel il aspire. Entre emmener son fils se faire vacciner chez le médecin et aller réparer la fuite d’eau chez le voisin, il est fort à parier qu’il penchera plutôt du côté où il retirera une enthousiaste gratitude.
Gare à celle qui se montrerait plus brillante que lui, particulièrement en public. Le narcissique s’en offense. Il lui coupe la parole, impose son point de vue, parfois dénué de toute compétence ou complètement hors sujet, pour reprendre le contrôle sur un auditoire qui ne saurait être captivé que par lui-même ! Parmi les témoignages qui m’ont été rapportés, je retiens : « Quand j’émettais la moindre suggestion sur un problème particulier, il la rejetait immédiatement, sans vérifier si elle était frappée au coin du bon sens. En revanche, il n’hésitait jamais à épo l’avis, pas toujours bien fondé, d’un tiers en qui il voyait un potentiel irateur ou une forte personnalité dont il voulait se rapprocher. »
Les réseaux sociaux sont pain bénit pour lui. Sans aucun complexe, et souvent sans aucune pudeur, il peut y étaler sa vie, en publiant ses photos et ses commentaires : moi (ou tout ce qui contribue à son narcissisme) en vacances, moi au travail, moi en voyage, moi à la piscine, moi en promenade, moi, moi, moi… « La dictature de l’ego ».⁷ Bonheur suprême pour ce collectionneur du virtuel : comptabiliser le plus grand nombre de « followers » ou « d’amis » ! Ceux-là mêmes qui, ingratitude oblige, lui tourneront le dos dès qu’il aura cessé de plaire.
Pour séduire celle qu’il convoite, le narcissique – noble gentilhomme – est prêt à lui offrir de somptueux cadeaux, au moins dans un premier temps, quitte à mettre sa situation financière en difficulté. Il attend en retour des remerciements et une dévotion au minimum proportionnels à son investissement. En aucun cas, il ne saurait se contenter d’un modeste « merci ». Bien entendu, il fera en sorte que ça se sache, comme tout ce qu’il fait : la discrétion n’est pas son fort.
Avec lui, aucun acte gratuit : toute manifestation de sa part, qui pourrait sembler altruiste, n’est entreprise, en réalité, que dans le but d’obtenir une approbation empressée, voire un renvoi d’ascenseur : « je te donne mais tu dois me donner aussi. »
Il répugne à reconnaître ses torts, préférant se dire et se croire incompris plutôt que d’ettre qu’il a mal agi. Il ne se sent jamais ni coupable ni responsable de ses échecs : il prétend toujours que la faute incombe à l’autre, aux autres. Il rejette toute critique et ne e pas la moindre contradiction : pas question de heurter l’image qu’il a de lui-même. Il ne tolère aucune réflexion qu’il verrait comme une humiliation, alors qu’il n’éprouve nul scrupule à l’infliger à autrui. Il n’hésitera jamais à dénigrer pour mieux se valoriser.
Le narcissique a des buts élevés, à la hauteur de sa supériorité et de sa perfection qui, somme toute, ne sont qu’illusoires. Il voudrait ne fréquenter que des personnalités dont l’aura, ou la célébrité ou la valeur, aurait quelque chance de
rejaillir sur lui. C’est important pour lui de posséder davantage et mieux que quiconque ; il aime en faire étalage, pour susciter l’envie ou l’iration, quitte à enjoliver la vérité avec un certain aplomb. C’est ainsi que, par ses propos, il va promouvoir sa sœur, aide-soignante en pédiatrie, en éminente pédiatre !
En outre, comme le narcissique ne maîtrise pas forcément tous les sujets de réflexion de l’existence, loin s’en faut, et n’est pas non plus arrivé tout en haut de l’échelle sociale, il aura plaisir à vanter les qualités ou la réussite d’un membre de sa sphère professionnelle, amicale, familiale, si cela lui permet de s’en enorgueillir ou de croire que le mérite lui en revient, au moins en partie. C’est ce que j’appelle « le narcissisme par procuration ». Après tout, c’est bien parce qu’il est exceptionnel lui-même qu’il est entouré de gens d’exception !
Cependant, peu enclin à l’empathie, il ne s’intéressera ni aux besoins ni aux sentiments des gens, renommés ou inconnus, qui l’entourent. La seule priorité, c’est lui ! Tout lui est dû. N’est-il pas une sorte de demi-dieu ? Infatué de luimême, il fait le paon, ses plumes chatoyantes déployées en roue, et se présume irrésistible.
Partager le quotidien d’un narcissique est possible si l’on accepte de : vivre dans son ombre, tout en contribuant à flatter son ego auprès de son entourage, ne jamais le provoquer frontalement pour lui démontrer qu’il a tort, ne pas être avare de compliments et de remerciements pour chacune de ses actions (formidable, il a pensé à acheter le pain !), l’assurer de notre iration, et lui faire croire que toutes nos bonnes idées viennent de lui, n’attendre aucune reconnaissance,
cultiver notre sens de l’humour et notre infinie patience.
Inutile de préciser que c’est fatigant…
1.3
La perversion
Les ouvrages consacrés à la perversion ne sont pas rares, mais ils ne sont pas tous accessibles aux non-spécialistes. Le vocabulaire employé est parfois hermétique pour les néophytes que nous sommes.
Selon la définition du Petit Robert, la perversion est une « déviation des tendances, des instincts, due à des troubles psychiques. »
C’est aussi un mécanisme de défense, c’est-à-dire un processus mental servant à se protéger de pensées ou de sentiments douloureux. Pour se prémunir contre toute souf d’ordre psychique, qu’il considère comme insoutenable et qu’il ne veut surtout pas ressentir, le pervers va mettre en place un fonctionnement défensif en utilisant l’autre comme un objet, un instrument, sur lequel il projette ses contradictions. Ainsi, le pervers n’affrontera aucun de ses difficiles problèmes, et n’aura donc pas à se remettre en question. Pour la plupart, cela devient l’unique mode de fonctionnement.
La quête du pouvoir est essentielle chez le pervers qui « préférera toujours remporter une victoire en enfer que d’être battu au ciel. »⁸ Il fait feu de tout bois pour atteindre son but. Quiconque se mettrait en travers de son chemin se verrait aussitôt écarté et déconsidéré par une succession de manœuvres plus ou moins démoniaques, qui seront ises par des spectateurs indifférents, moutonniers, voire complices. La lâcheté et la complaisance de certains d’entre eux ne connaissent pas de limites. Soit par crainte de devenir à leur tour la cible du pervers, soit par pur sadisme, les témoins laissent faire quand ils ne deviennent pas eux-mêmes de diaboliques auxiliaires. Parfois, il s’agit juste de soumission à l’autorité détenue et/ou affichée par le prédateur. À ce propos, l’expérience de Milgram est assez révélatrice.
Dans un premier temps, parmi les vils agissements du pervers, on observe le refus de communiquer, les critiques indirectes, les sarcasmes, les vexations, les railleries proférées sous couvert d’une plaisanterie. C’est tellement drôle de se moquer devant les autres d’un défaut physique d’une personne, par exemple. Toute protestation de la part de cette dernière serait jugée comme un manque certain d’humour !
Plus tard, le pervers fera douter, rabaissera, discréditera, isolera, brimera sa victime avant de la pousser à la faute, la faisant vivre dans une « psychoterreur » permanente. Il lui nie toute identité, tout sentiment ; il n’a aucun respect pour elle. Il la réduit à l’impuissance pour mieux la faire souffrir. La jouissance extrême qu’il en ressentira sera proportionnelle à la résistance qui lui a été opposée, résistance qu’il a combattue par la ruse, la perfidie, la malhonnêteté.
Il se distrait en contemplant le désarroi de sa cible, et se repaît des soufs qu’il lui inflige. En aucun cas, le pervers ne se sent fautif, puisque ses cruelles manœuvres lui paraissent tout à fait légitimes. Dépourvu du moindre scrupule, il rejette la faute sur l’autre qu’il accuse de tous les maux. Il ne tente surtout pas de réfréner ses pulsions corrompues et destructrices. Il joue sur la peur qu’il fait régner autour de lui, alors qu’il n’est – en fait – qu’une pitoyable baudruche prête à se dégonfler, dès lors qu’on le remet fermement à sa place.
Pour résumer, je définirai la perversion comme une tendance naturelle à faire le mal et à s’en réjouir. Cette interprétation peut paraître simpliste, mais elle est suffisante pour comprendre qu’on n’est pas face à un enfant de chœur. Et je ne peux m’empêcher de faire le parallèle avec ces assassins et meurtriers qui se dédouanent de toute culpabilité en rendant leurs victimes responsables du crime qu’ils ont commis.
Un domaine dans lequel la perversion prend toute sa mesure est celui de la sexualité. Un sous-chapitre sera d’ailleurs consacré à cet aspect particulier de la relation amoureuse avec un pervers narcissique.
Vivre aux côtés d’un pervers, c’est s’assurer à tous les coups une non-existence, une succession de désillusions, de soufs et de larmes. C’est aussi la garantie de lendemains qui déchantent et la promesse de jours sans joie. Il n’y a aucun espoir, aussi infime soit-il, de voir les choses s’améliorer. Et à moins d’être une masochiste au plus haut degré, la seule solution à envisager est de détaler au plus vite.
2
Pervers narcissique : qui es-tu ?
Le mal n’a pas le visage monstrueux qui le désignerait immanquablement au regard de tous. Ce visage peut être ordinaire ou extraordinaire, quelconque ou magnifique. La monstruosité est à l’intérieur et se dissimule derrière une façade de normalité. Tel un agent dormant terroriste, le monstre attend l’occasion idéale, l’élément déclencheur, pour agir et détruire.
Tout être humain normalement constitué est fait de nuances, parfois de contradictions, de forces et de faiblesses, de qualités et de défauts, d’émotions positives et négatives qui évoluent, se transforment, au fil des ans. Seul le pervers narcissique est constitué d’un seul bloc psychorigide, monomaniaque. Il rejette tout ce qui pourrait perturber son organisation et ses habitudes confortables. Il demeurera toute sa vie durant un petit garçon incapable de s’adapter au moindre bouleversement de ses rituels. « Le psychorigide craint la nouveauté. L’imprévu lui donne des boutons. Il est tragiquement prévisible. »¹
Selon la majorité des articles consultés, les pervers narcissiques représenteraient 2 à 3 % de la population¹¹ (entre 1,35 et 2,02 millions en janvier 2021, rien que pour la ) ce qui – en bonne logique – signifie que nous en côtoyons au moins un dans notre environnement familial, professionnel, amical… Et, si nous pensons n’en avoir jamais rencontré un seul, c’est parce que nous ne représentons pas une cible potentielle pour ce prédateur, ou parce que nous l’avons repoussé de notre cercle relationnel sans trop savoir pourquoi on ne l’appréciait pas, ou tout simplement parce que nous n’avons pas su l’identifier comme tel.
Néanmoins, je m’interroge : comment est-il possible de déterminer le pourcentage de la population perverse narcissique, puisque les PN, ne se sentant pas « malades », ne consultent pas ? Est-ce une extrapolation faite à partir du
témoignage des victimes ? OU à partir d’expertises psychologiques pratiquées sur des accusés ? Or, les victimes ne se font pas toutes entendre et les PN ne ent pas tous par la case prison¹².
***
Comme je l’ai écrit précédemment, il existe des pervers narcissiques hommes comme des perverses narcissiques femmes. Leur besoin de domination s’exerce sur leur(s) enfant(s), leur cont, leur(s) collègue(s), leur(s) parent(s), leur fratrie…
Nul n’est à l’abri de ces prédateurs masculins ou féminins. Les victimes, fragilisées par un événement fâcheux et récent ou par une faille plus ancienne, tombent sous leur coupe de la même façon : elles ne voient rien venir.
C’est démoralisant de découvrir qu’on a aimé un être qui ne possède aucune humanité, un être qui n’est pas dans le réel, un être imaginaire en vérité. Alors, il faut accepter de faire face et se confronter au minable portrait qui se dessine peu à peu, effaçant et remplaçant la belle image à laquelle on s’accrochait.
Si la désignation « pervers narcissique manipulateur » est récente, le profil, lui, ne l’est pas. Et il est assez troublant de le retrouver dans, au moins, deux romans de la littérature anglaise : George Wickham dans « Orgueil et préjugés » de Jane Austen, publié en 1813, et James Brodie dans « Le chapelier et son château » d’Archibald Joseph Cronin, publié en 1931. Ces deux personnages présentent des ressemblances très frappantes avec les caractéristiques propres aux PN : la manipulation, l’emprise, la destruction. On peut donc supposer que les auteurs se sont inspirés de personnalités qu’ils ont rencontrées ou dont ils ont entendu parler.
Après avoir lu et écouté tout ce que j’ai pu trouver sur le profil du pervers narcissique, un constat s’impose : le PN est présenté comme un homme qui n’a que des défauts. Pourtant, je suis sûre qu’on doit pouvoir lui trouver des qualités à ce pervers narcissique. En cherchant bien… Et quand on cherche, on trouve ! En effet, le pervers narcissique a de nombreuses qualités : il sait jouer la comédie auprès d’un entourage qui le verra toujours comme un charmant camarade ou parent, ou auprès de tous ceux qui peuvent lui être utiles ; il sait comment se sortir de toute situation, au besoin en inversant les rôles ou en se dérobant. Toutes ces « qualités » ne servent que son intérêt, bien entendu. Néanmoins, « le singe est toujours singe, fût-il vêtu de pourpre. »¹³
Avant toute chose, il faut retenir que le pervers narcissique ne peut fonctionner seul. Sans victime, il n’existe pas. Il lui vole sa force vitale, comme un « Détraqueur » du monde d’Harry Potter¹⁴ : « Les Détraqueurs comptent parmi les plus répugnantes créatures qu’on puisse trouver à la surface de la terre. […] ils jouissent de la pourriture et du désespoir, ils vident de toute paix, de tout espoir, de tout bonheur, l’air qui les entoure. […] Quand on s’approche trop près d’un Détraqueur, toute sensation de plaisir et tout souvenir heureux disparaissent. Si on lui en donne le temps, le Détraqueur se nourrit des autres jusqu’à les réduire à quelque chose qui lui ressemble – des êtres maléfiques, dépourvus d’âme. Celui qui subit son pouvoir ne garde plus en mémoire que les pires moments de sa vie. »
En outre, le pervers narcissique cumule les paradoxes. Il ne détient aucune conscience morale, mais attache de l’importance à la morale des autres. Il attend loyauté et déférence quand lui-même est malhonnête et méprisant. Il balance continuellement entre l’amour extrême qu’il se porte et l’image dévalorisante qu’il a de lui-même, image qu’il n’accepte pas et qui le dégoûte. Alors, pour se donner l’apparence d’un être supérieur et parfait, il éprouve le besoin immodéré de se faire irer. Pour se valoriser, il rabaisse les autres et n’en ressent aucune culpabilité. Le PN ne se sent d’ailleurs jamais ni redevable ni responsable. Et, puisqu’il ne peut s’imprégner des émotions humaines positives qu’il guigne, il s’acharnera à les détruire chez l’autre.
Tout au long de sa vie, le PN manifestera son narcissisme en toute occasion et sur tous les publics, exercera son pouvoir de manipulation et de soumission sur plusieurs individus en même temps, mais ne fixera généralement toute son attention destructrice que sur une seule personne à la fois. Et ce n’est pas forcément l’épouse légitime. Ainsi, une femme n’a-t-elle pas découvert que son mari était un monstre, dont elle n’avait jamais soupçonné la violence, quand il a été condamné pour avoir assassiné sa jeune maîtresse ? Machiavélique jusqu’au bout, il avait d’abord essayé de faire porter les soupçons sur une autre de ses amantes !¹⁵
Ne sommes-nous pas toutes et tous potentiellement des pervers narcissiques ? Certaines personnes, en effet, présentent parfois des caractéristiques propres aux PN : manipulation, narcissisme, perversion. Tant que ces phénomènes restent exceptionnels, indépendants les uns des autres, et non pas systématiques et associés, et – surtout – s’ils conduisent à une prise de conscience « J’ai mal agi. Je n’aurais pas dû… », nous pouvons nous rassurer : nous ne sommes pas des pervers narcissiques ! Oui, c’est vrai, il nous arrive de faire du mal aux gens qu’on aime, par des paroles ou par des actes (qu’on va regretter), parce qu’on est en colère, parce qu’on est déçu(e)… Néanmoins, pour limiter, voire faire cesser ces « épisodes », il serait peut-être judicieux d’en connaître la cause pour mieux s’en défaire. Et présenter des excuses sincères ne saurait être considéré comme un signe de faiblesse, bien au contraire.
2.1
La naissance du mal
D’après ce qu’il ressort de mes lectures, on ne naît pas pervers narcissique : on le devient. Hélas, on le reste. Le trouble psychique commencerait dans la plus tendre enfance, sans doute avant l’âge de cinq ans, et serait lié à un traumatisme. Les thérapeutes ne semblent pas unanimes quant à l’origine (qu’il s’agisse d’un drame survenu dans la famille, ou d’abus, de surprotection, de survalorisation, de négligence, de manipulation, de pression excessive, de la part des parents). Elle est sans aucun doute différente d’un cas à l’autre. Le résultat, c’est un dysfonctionnement qui va perdurer.
Parfois issu d’un parent lui-même pervers narcissique (qui espère peut-être en faire un affidé, un adepte à sa cause), parfois né dans une famille en apparence équilibrée, l’enfant est un objet : l’objet de l’adulte qui le domine ; il se confond avec lui n’ayant droit à aucun désir personnel. Alors, ce gosse va er son temps à s’adapter à cet adulte, à se soumettre à lui, à tenter de correspondre à ses attentes, pour finir peut-être par le haïr.
Généralement, le très jeune enfant se voit aimé dans le regard, les mots, les caresses de sa mère (ou de tout substitut maternel). C’est une phase qui lui permet d’apprendre à s’aimer lui-même, à aimer les autres dans l’avenir, à affirmer sa propre identité. Il a besoin de stimulations et d’encouragements de la part de ses parents pour se développer. C’est fondamental, parce que c’est de cette façon qu’il construit son « moi ».
Quand l’enfant ne reçoit pas la bonne mesure d’attentions nécessaires (l’excès nuit tout autant que l’insuffisance), quand l’enfant n’est pas considéré comme un individu à part entière, quand l’enfant est victime d’abus (de quelque ordre qu’ils soient), de violences physiques ou psychologiques, quand l’enfant n’est rien d’autre qu’un objet en fait, il n’accédera pas à la notion du « moi » et à la notion
de « l’autre ». Il n’est pas difficile d’imaginer le chaos engendré et les conséquences qui en découleront.
Le pervers narcissique a peut-être eu un parent aimant, mais si l’autre n’a manifesté aucun signe d’amour, de tendresse, de compréhension, de confiance à son égard, l’enfant qu’il était souffrira toute sa vie durant d’un manque, d’une carence, d’un vide qu’il cherchera à combler. Sans repères auxquels se référer, le pervers narcissique en devenir se construira un monde où il régnera en maître.
« Tu es un raté ! Tu es nul ! Tu es bête ! » Combien de fois a-t-il entendu ces mots, ou pis encore ? Le père hurle, l’enfant maltraité, humilié, non reconnu, baisse le nez. Sa mère, terrorisée, ne réagit pas, ne s’oppose pas. Elle ne défend pas son enfant, elle ne le protège pas. Songe-t-elle seulement à le réconforter ensuite ? Sans qu’elle en ait peut-être conscience, ou parce qu’elle est elle-même sous influence, la maman deviendra la complice de son cont, en quelque sorte.
Tout enfant engendré par un parent PN ne le deviendra pas forcément à son tour, surtout s’il a la possibilité d’observer ailleurs (chez ses cousins ou camarades d’école, par exemple) un schéma traditionnel. Cela lui permettra de comprendre que ce qu’il vit chez lui n’est pas « normal ». Parfois, le seul fait de se confier à un membre de sa famille, un professeur, une infirmière ou un médecin scolaire, un(e) ami(e)… lui évitera de reproduire plus tard le comportement pervers du parent criminel.
Si c’est par mimétisme, par identification au modèle parental (père ou mère qui voudrait en faire son disciple, peut-être), plutôt que par réelle pathologie, que l’enfant présente des troubles de la personnalité narcissique, il est encore possible pour lui de s’en échapper. Il n’est pas condamné à calquer. Encore fautil qu’il soit pris en charge par une psychothérapie adaptée. Et pour l’envisager, le comportement doit bien évidemment alerter un adulte.
Tous les parents qui se respectent, et c’est bien naturel, s’émerveillent des progrès de leur progéniture. Leur enfant est toujours le plus beau, le plus intelligent, le plus doué. Là où le bât blesse, c’est quand l’iration devient la règle, qu’on encense l’enfant pour le moindre de ses actes ou de ses mimiques, qu’on s’extasie plus que nécessaire, en occultant les domaines où il ne brille pas. A-t-il joué trois notes sur le piano, qu’on voit en lui un futur Mozart ; ses premiers gribouillis deviennent des chefs-d’œuvre dignes d’être encadrés, voire exposés ; sa jolie frimousse sera photographiée, filmée, et envahira les réseaux sociaux (il aura même droit à son blog). Et le danger est encore plus grand quand la dévotion déborde du strict cercle familial. Dans le meilleur des cas, l’enfant se « contentera » de devenir narcissique ; dans le pire des cas, c’est dans la peau d’un pervers narcissique qu’il se réveillera un beau matin, parce qu’il niera ses désirs personnels, pour ne pas décevoir et pour correspondre à l’image que ses référents ont de lui.
En général, tout rentre dans l’ordre à l’entrée en école maternelle : les enfants prennent alors conscience qu’ils ne sont pas plus extraordinaires que les autres élèves aux yeux de leur professeur ou de leurs camarades. Mais, parfois, cela ne suffit pas…
C’est le cas de l’enfant sur lequel l’un des deux ou les deux parents projettent leurs ambitions déçues, et dont ils attendent toutes les réussites là où eux-mêmes ont échoué.¹ Parce qu’il ne se sent pas à la hauteur des espoirs qu’on a placés en lui ou des exigences qui ne sont pas les siennes, cet enfant vivra dans une insécurité permanente. Le poids que ses parents font peser sur lui est trop lourd à porter pour ses frêles épaules.
Quant à l’enfant-roi, petit dictateur tyrannique en puissance, il n’est pas mieux loti, en fait, que l’enfant négligé. On cède à ses moindres caprices. Parfois, on les devance même. Il décide, il commande, il ordonne, en bon despote qu’il se sent. Livré à lui-même en vérité, il mène ses parents par le bout du nez et impose sa loi. Il n’est donc pas davantage considéré comme un enfant censé apprendre
des adultes. Le rôle qui lui est attribué n’est pas propre à l’aider à se construire correctement.
On peut supposer que les parents n’ont a priori aucune intention malveillante quand ils élèvent leur enfant en n’imposant aucune règle, aucune limite, quand ils le portent au pinacle ou quand ils le poussent inconsidérément. Néanmoins, par leur laxisme, leur iration sans bornes, ou leurs attentes disproportionnées, ils étouffent leur gosse et contribuent aux dysfonctionnements dont celui-ci souffrira toute sa vie. Ils le condamnent à une vie intérieure misérable. Quelle mère, quel père, aurait envie de prendre le risque d’un tel avenir pour son enfant ?
Qu’il soit abusé, ou surprotégé, ou survalorisé, ou négligé, ou manipulé, l’enfant est maltraité, mal traité : il ne se sent pas aimé pour lui-même, d’où un trouble identitaire. Il grandit dans un environnement qui ne le rassure pas. Par exemple, celui où les critiques ne sont jamais, ou très rarement, contrebalancées par des félicitations ; par exemple, celui où les éloges sont excessifs et les attentes démesurées ; par exemple, quand un parent le met en souf et que l’autre ne le soutient pas.
Pour se protéger d’une situation qu’il associe à un supplice extrême, l’enfant va se réfugier dans ce qui lui paraît être le seul abri possible : l’absence d’affect. En ne ressentant plus rien, il veut se préserver. La douleur disparaît sous l’effet de l’anesthésie. Parallèlement, ce petit enfant éprouve une telle haine de lui-même qu’il va tenter de la compenser par un narcissisme exacerbé. Il se sait et se sent vide, construit sur du vide. Il n’a pas de personnalité distincte, alors il va très rapidement apprendre à s’adapter pour ne pas avoir à affronter sa propre souf qui lui paraît insurmontable.
Il a grandi dans un climat délétère. Il a manqué d’amour vrai et désintéressé, de reconnaissance pour l’être humain qu’il était. Il ne possède aucune richesse interne. Il ne connaît que la colère et le ressentiment. Il ne peut pas aimer, il est
incapable d’aimer : il ne sait pas aimer. Il ignore ce qu’est l’altérité. L’autre n’existe pas à ses yeux : il le voit également comme un objet. Il devient une machine à reproduire des sentiments, pas à les éprouver. Il n’apprendra jamais de ses erreurs, parce qu’il rejette tout ce qui pourrait lui rappeler sa propre fragilité. Devenu adulte, la vérité sur ce qu’il est lui fait si peur qu’il refuse de la regarder en face et ne cherche surtout pas à la combattre, préférant l’enterrer dans le « cimetière des souvenirs douloureux ».
Bien évidemment, et fort heureusement, les enfants confrontés à des situations dramatiques, ou élevés dans un cadre imparfait, peuvent quand même se développer normalement et mener une vie heureuse plus tard. Le risque de les voir se transformer en pervers narcissiques n’est pas inéluctable.
Hélas, ceux qui le deviendront le seront définitivement. Il n’y a ni rémission ni guérison à espérer. Sans être responsables du traumatisme qui les a conduits à cette déviance, ils seront néanmoins coupables de tout ce qu’ils mettront en œuvre pour nuire à leur prochain.
Pour résumer, le PN est un combiné de perversion, de narcissisme et de manipulation. Arrogant, égoïste et escamoteur, il se réjouit du mal qu’il fait à l’autre.
Le pervers narcissique, on l’a compris, a manqué d’amour sincère et constructif, de valorisation équilibrée, par insuffisance ou excès, dans un environnement qu’on peut qualifier de violent. C’est là qu’est le danger pour la femme qui en est éprise : elle pense qu’elle va pouvoir l’aider à aller mieux, en déployant des trésors d’amour, d’écoute, de tendresse et de patience. Non seulement elle ne parviendra jamais à le soigner, encore moins à le guérir, mais elle sera détruite par celui qu’elle voulait reconstruire.
2.2
Côté face
Le pervers narcissique avance masqué : le masque social et son sourire de façade. C’est un caméléon. D’humeur souvent égale, il se fond dans la masse, il ne se distingue pas précisément tant qu’on ne le côtoie pas régulièrement. Quand, enfin, on réussit à mettre un mot (deux, en l’occurrence) sur son comportement, c’est presque déjà trop tard : le piège est en place.
Tant dans les ouvrages que j’ai lus, que par les témoignages reçus et mes propres observations, on peut décrire le PN comme un homme séducteur : séduction physique et/ou intellectuelle. Il est bien intégré socialement et semble sûr de lui. Charmant, charmeur, il établit le très facilement. Même s’il se prétend timide, il aborde aisément les gens qu’il rencontre. Il est poli, bien élevé dironsnous. Compatissant, généreux, attentif aux besoins de ses interlocuteurs, il semble toujours prêt à leur rendre service. Il sait les écouter et les mettre en valeur : il ne lésine pas sur les compliments. Doté d’un bon sens de l’humour, il les fera rire. Bref, c’est un gentil et sympathique camarade. Il est populaire. Alors, il n’est pas étonnant qu’il dispose d’un carnet d’adresses digne d’une rock star.
Parfois, le pervers narcissique se présente en victime : souffre-douleur d’une ex qui l’a spolié ou qui lui mène la vie dure, d’un patron ingrat, d’un environnement odieux et cruel. S’il le faut, il ajoutera à la panoplie de ce « Calimero »¹⁷, une grave maladie qu’il s’inventera. À l’occasion, sous une humilité d’apparence, il évoquera quelques pans de son enfance pas très joyeuse. Son fonds de commerce, ne l’oublions pas, est constitué de ses plaintes et lamentations. Il a la larme facile, et n’hésite pas à parler de son hypersensibilité. Pauvre petit être tourmenté qu’on a tellement envie de protéger !
Tout le monde l’adore ! Trop beau pour être vrai ? Justement, c’est trop beau
pour être vrai !
En vérité, le PN joue la comédie. S’il fait montre d’autant de vertus, c’est dans le seul but d’être apprécié de son entourage en se faisant er pour ce qu’il n’est pas, justement. C’est ce que j’appelle le côté face de sa personnalité, la face qu’il veut bien nous montrer, mais qui n’est qu’une apparence,¹⁸ car le PN est tout à fait incapable d’éprouver le moindre sentiment généreux et désintéressé envers quiconque.
2.3
Côté pile
Le côté pile, quant à lui, est nettement moins glorieux. Derrière le portrait courtois, prévenant, se dissimulent la voracité, la vanité et le désir de pulvériser.
Nanti d’un ego surdimensionné, le PN s’accroche à son image et aux apparences, mais il a un besoin viscéral de reconnaissance extérieure. Souvent excessif dans ses faits et gestes, surtout quand il n’a pas encore appris à doser des réactions qu’il reproduit sans les ressentir, il est rarement « tiède » : il se fait remarquer par son rire tonitruant, ses attentions exagérées, son empressement démesuré, ses cadeaux disproportionnés…
Il sait s’adapter à son environnement, mais n’éprouve aucune empathie envers quiconque, pas même envers sa propre famille. Son seuil de tolérance avoisine le zéro. Très susceptible, il trouvera toujours la parade pour contrer une remarque qu’il juge désobligeante à son égard. C’est l’un des rares cas où le PN risque de se départir de son flegme de surface pour piquer une vraie colère, lui qui est toujours dans le contrôle de toute expression négative (fureur, rage, violence…), lui qui n’aime que la « grandiose sobriété ».
Il attache une grande importance aux marques de respect, de déférence et de politesse qu’on lui doit ; en revanche, il considère que nul n’en mérite autant de sa part, sauf si ça sert ses intérêts. Quand il se sent en danger face à quelqu’un de plus fort, ou prêt à le démasquer, il fuit.
La chanson de Jean Schultheis¹ « Confidence pour confidence » aurait pu être écrite par un pervers narcissique : « Si vous voulez des caresses, restez pas, pas chez moi… J’aime sans sentiment… Sans moi vous n’êtes rien du tout… C’est
moi que j’aime à travers vous… »
En effet, le PN n’aime que lui, si aimer signifie quelque chose pour lui. Il s’ire, il se trouve beau et élégant. S’il a les moyens, il investira dans tous les signes extérieurs propres au statut qu’il s’octroie. Il se photographie, se filme, en toute circonstance : c’est le roi du « selfie » ! Toute trace de mauvaise humeur s’efface dès lors qu’un objectif est pointé dans sa direction. Il ne saurait être question de ne pas sourire sur la photo. Le paraître revêt tellement d’importance pour lui ! Il faut dire que l’être n’existe pas…
Jamais il ne se remet en question : persuadé d’être le seul à détenir la vérité, son point de vue prévaut sur celui des autres. Les forums sur Internet sont une véritable aubaine : il peut y déverser sa haine, son fiel et ses opinions péremptoires qui ne tolèrent aucune contradiction. Quel que soit le thème abordé, il a un avis tranché. Même s’il est loin de maîtriser le sujet, il sait… Peu importe que ses messages soient truffés de fautes d’orthographe et de syntaxe, d’informations erronées, voire inventées : le PN n’a aucun sens du ridicule.
Il recherche celle qui lui offrira allégeance et ne le contredira pas, celle à qui faire du mal. Il faut que quelqu’un paie ! Et comme il se trompe d’ennemi, il s’écrase devant celui/celle qui le méprise, mais mord la main qu’on lui tend. Il croit surtout qu’il souffrira moins de sa propre douleur s’il peut rendre l’autre plus misérable que lui-même.
En rabaissant l’autre, le pervers narcissique se croit plus grand. En fait, il n’a aucune notion de ce qui fait la grandeur d’un homme. Le PN est convaincu de n’être pas responsable de ses malheurs. S’il réussit ce qu’il entreprend, c’est grâce à son génie ; s’il rate, la faute en incombe toujours à autrui. Il se croit supérieurement intelligent, car il n’a aucune idée en réalité de ce qu’est l’intelligence.
Qu’est-ce que l’intelligence ? Le Petit Robert donne pour définitions, entre autres : « Faculté de connaître et de comprendre ». C’est un ensemble, fait de perspicacité, de réflexion, de fonctions mentales. C’est l’aptitude à s’adapter à des situations nouvelles, à découvrir des solutions aux difficultés rencontrées. C’est la qualité de l’esprit qui comprend et s’accommode facilement, qui cherche à se perfectionner en permanence en acceptant l’autocritique et les échecs. Comme toute faculté, l’intelligence a des pouvoirs mais aussi des limites. Elle n’est pas uniforme. L’intelligence de l’esprit, l’intelligence du cœur…
Et le contraire de l’intelligence ? C’est l’aveuglement, la bêtise, la stupidité, l’incompréhension, la mésintelligence, l’entêtement, l’obstination, le jugement péremptoire, la négation de toute introspection, le refus de reconnaître ses torts, le rejet du dialogue.
Dans le portrait qui se dessine, le PN apparaît comme une personne qui ne sait ni évoluer ni s’adapter, puisqu’il déteste toute nouvelle situation qui l’obligerait à trouver la riposte correspondante. Le propre des gens intelligents, c’est d’accepter de se remettre en question. Or, le pervers narcissique ne saurait l’envisager s’il en était seulement capable.
Parallèlement, le PN est également présenté comme très doué pour repérer les failles et les faiblesses de sa proie, pour ajuster son masque selon les besoins. Or, ces deux dernières caractéristiques, repérer et ajuster, ne sont-elles pas synonymes de comprendre et s’adapter ? En outre, il n’est pas rare que des scientifiques, très doués dans une profession qui nécessite une grande ouverture d’esprit, s’avèrent être des pervers narcissiques. On peut donc en conclure que le PN peut se montrer intelligent dans certains domaines, mais jamais dans sa relation à l’autre du fait de l’absence de toute intelligence émotionnelle.
Dans une interview accordée au journal Marie-Claire, Marie- Hirigoyen déclare : « On craint leur malveillance, pourtant c’est de leur intelligence qu’il faut se méfier. Le pervers narcissique est un tueur subtil, fin stratège, séducteur
et surtout sans états d’âme. »²
En effet, je pense que, plus il est rusé, plus le PN est dangereux, parce qu’il va se servir de toutes les facettes de l’intelligence pour nuire. Mais tous les pervers narcissiques ne sont pas égaux dans ce domaine. Dans les témoignages qui m’ont été rapportés, j’ai découvert des exemples qui laissent à penser que certains PN n’étaient pas très malins !
Qu’il soit intelligent… ou pas, le pervers narcissique aime le pouvoir, en use et en abuse. C’est un sadique qui jouit à faire souffrir. Il ment perpétuellement sans jamais éprouver la moindre honte. Si vous lui faites remarquer une contradiction, et même pris la main dans le sac, il saura bien retourner la situation à son avantage, et vous culpabilisera par la même occasion. Il n’accepte pas la moindre tache sur son vernis.
Construit sur un vide abyssal, le pervers narcissique n’éprouve aucune émotion réelle : regrets, culpabilité, tristesse, sensibilité, gentillesse, ce ne sont que des mots pour lui. Des mots creux, comme lui. Tous les sentiments sont contrefaits : ils ne sont jamais sincères. Il a appris à les simuler en les observant auprès de son entourage. Il se sert de ce qu’il voit, de ce qu’il entend, de ce qu’on lui raconte pour imiter (à la perfection !) des sentiments. On peut dire que le PN est le spécialiste du plagiat. En vérité, rien de rien, aucune émotion, aucun sentiment, ne vient de son cœur, de son cerveau, de son âme.
En revanche, la jalousie, l’envie, elles, sont bien réelles chez lui, même s’il s’acharne à prétendre le contraire. Le PN ne se remet jamais en question. Surtout pas ! Il vit dans un déni total de son comportement dysfonctionnel. Il lui est donc impossible de reconnaître son problème, ses motivations inconscientes. Il se voit comme un parangon de perfection et exige des autres l’excellence, sans être capable, pour autant, d’en présenter une définition très claire.
On l’a compris, le pervers narcissique n’existe pas par lui-même. Il n’a pas d’identité propre. Alors, pour survivre, il va chercher à s’accaparer ce qui lui fait envie, ce qu’il jalouse chez l’autre : l’amour de la vie, les sentiments, les émotions. Comme il ne parviendra jamais à se les approprier, il va s’acharner à détruire celle qui les possède. Le seul but à atteindre est de dominer, d’exercer son plein pouvoir, de jouer au « marionnettiste » avec sa victime. Pour le pervers narcissique, il n’existe pas d’autre issue, d’autre possibilité mise à sa portée pour ne pas avoir à affronter ses tourments. Sa perversité sera directement proportionnelle à ses soufs.
Comme tout bon narcissique qui se respecte, et en digne monarque qu’il se voit, le PN aime être entouré. Il a besoin d’une cour qui lui renvoie une image très positive de lui-même ; c’est cette image, créée à l’origine de toute pièce, qui deviendra SA réalité, SA vérité. Si on l’aime, c’est qu’il est aimable ; si on lui attribue des qualités, c’est qu’il les a ! Tous ceux qui pourraient, ou oseraient, émettre une opinion différente seraient immédiatement éjectés.
Au début de toute relation amicale ou professionnelle, le PN semble se dévouer corps et âme à l’autre : il distribue généreusement sa mansuétude, ses attentions et ses services, sans avouer que c’est uniquement en fonction de ce qu’il pourra obtenir en échange. Son téléphone portable déborde de s. Plus il en détient, plus il se croit important. Le nombre l’emporte sur la qualité. Le PN est un collectionneur du virtuel : des photos, des messages, de ses anciennes conquêtes, réelles ou supposées, qu’il conserve près de lui et regarde inlassablement, comme autant de trophées. Il refuse d’ettre qu’il n’a jamais rien possédé en vérité. Au fond, il n’a jamais cessé d’être un miséreux. Miséreux des sentiments…
Évidemment, son cercle se renouvelle souvent puisqu’il est incapable de conserver des relations très longtemps. J’insiste sur le mot « relations », car je suis convaincue que le pervers narcissique ne peut pas avoir d’amis. Incapable de reconnaître ses torts et de présenter des excuses sincères, n’acceptant aucune contradiction, ne vivant que de mystifications, de manipulations et de trahisons,
le PN est condamné à changer régulièrement de compagnie. L’opinion d’autrui ne l’intéresse pas ; la vie d’autrui l’indiffère. D’où des dissensions avec ceux dont il se sert et qu’il jette après usage. À quelques très rares exceptions près, ses relations ne seront pas pérennes. Je vois ce renouvellement comme une tâche qui ne prendra jamais fin. En ce sens, il me fait penser à Sisyphe qui a été « condamné à rouler éternellement un rocher sur une pente ; parvenu au sommet, le rocher retombe et il doit recommencer sans fin. »²¹
Le pervers narcissique peut er par des moments d’euphorie suivis de moments d’abattement, comme chez le bipolaire. Les victimes citent des épisodes de paranoïa, aussi. Mais, si l’on en croit les articles que j’ai lus, le pervers narcissique n’est pas atteint de ces pathologies bien définies (donc, qu’on peut soigner). Il en a « juste » parfois les symptômes.
D’ailleurs, Anne-Laure Buffet déclare²² : « Maladie… le terme de maladie n’est déjà pas adapté, puisqu’aucune pathologie ne peut être liée directement au trouble de la perversion narcissique. C’est une déviance, une structure de l’ego et de l’estime de soi déformées, et sans aucun doute avec un lien à un traumatisme. Pour qu’une analyse puisse avoir lieu, avant même de se demander si elle peut être efficace, encore faudrait-il que le ou la PN accepte de se faire aider et de ce fait de souffrir d’un trouble. Or, l’idée même leur est impossible. On ne peut aider un PN. On ne peut pas le soigner. On ne peut que se protéger. »
De l’interview accordée à RFI par Yvonne Poncet-Bonissol²³, je retiens : « Ce sont des êtres qui ont une forme de “psychose blanche” ; ce sont des autistes de l’affect, mais ça ne se voit pas. La “psychose blanche”, celle qui n’apparaît pas. Ils ont des émotions pour EUX. Ils sont hypersensibles pour EUX. Face aux pleurs, ils ne réagissent pas. Ils se mettent même, en général, très en colère. Concernant l’empathie, ils ont une forme d’immaturité. Et on a parfois envie de les protéger. Ce qui crée d’ailleurs un des éléments de l’emprise. »
Quant à Geneviève Schmit
²⁴ , elle précise : « Il est aisé de comprendre, sans pour autant chercher à l’exc, que le pervers narcissique patauge dans la souf qu’il génère pour survivre à lui-même. »
Ces trois déclarations sont suffisamment explicites pour que nous comprenions que le PN n’est pas un individu qu’il convient de fréquenter et encore moins celui dont on doit partager la vie.
3
Victime : qui es-tu ?
La victime, c’est celle « qui subit la haine, les tourments, les injustices de quelqu’un ; celle qui souffre, qui pâtit des agissements d’autrui »²⁵, celle qui aurait toutes les raisons de se plaindre, de se faire plaindre, ou de s’apitoyer sur elle-même.
Pas plus que le pervers narcissique n’est systématiquement un homme beau, élégant, riche, cultivé et éloquent, sa cible n’est invariablement une femme faible, soumise, masochiste ou qui lui serait intellectuellement inférieure.
La victime peut éventuellement se montrer fragile, mais la fragilité n’a jamais été synonyme de personnalité sans relief. Et ce n’est pas non plus parce qu’elle a peut-être une image altérée d’elle-même qu’elle n’est pas brillante dans de nombreux domaines.
On le sait maintenant, elle n’est jamais choisie au hasard. En général, c’est une personne plutôt jolie et élégante (le narcissique ne pourrait se promener aux bras d’un laideron qui nuirait à son image), pourvue d’un fort quotient émotionnel : sensible, généreuse, indulgente, dévouée, honnête, énergique, aimant la vie, une vraie gentille qui cherche sincèrement à consoler et à réparer, mais peut-être aussi un peu naïve, dénuée de toute perversité justement.² Son niveau de tolérance et d’empathie est généralement plus élevé que la moyenne. Elle pense, à juste raison, qu’en semant de l’amour on récolte de la tendresse ; ce qui est le plus souvent vrai… sauf avec un PN !
Comme tout prédateur, le pervers narcissique sévit de préférence sur le terrain qu’il connaît le mieux : son milieu socio-culturel. Cependant, il n’est pas rare de
le voir aussi chasser sur un territoire différent : le premier, dont les ressources financières et/ou intellectuelles sont importantes, pourra s’intéresser à une proie moins favorisée ; le deuxième, aux revenus et/ou capacités intellectuelles plus modestes, pourra viser une proie mieux établie que lui-même ; le troisième, sûr de lui, fixera son attention sur celle qu’il sent timide et introvertie.
Dans la première occurrence, la femme se sentira flattée d’avoir été remarquée par un homme si aisé et/ou si brillant ; dans la deuxième occurrence, la femme trouvera là un moyen de réparer une injustice sociale, en quelque sorte ; et, dans la troisième occurrence, la jeune fille sage et raisonnable, subjuguée par le mauvais garçon qui roule des mécaniques, éprouvera un délicieux frisson à sortir de sa zone de confort, à s’encanailler quelque peu. À travers les témoignages que j’ai lus ou entendus, tous les milieux sociaux et culturels sont concernés, toutes les tranches d’âge sont représentées, d’un côté comme de l’autre.
Bien souvent, ces femmes sont attirées par les personnalités charismatiques, sécurisantes. Comme c’est justement ce que le vilain monsieur montre de lui, il a déjà parcouru la moitié du chemin pour atteindre son but.
Le pervers narcissique a bien repéré les qualités de sa cible. C’est parce qu’il la sent forte qu’il veut lui voler son énergie, c’est parce qu’il la sent vulnérable qu’il veut l’assujettir. Il lui faut donc, maintenant, découvrir la faille dans laquelle il va pouvoir s’engouffrer, parce que sans cette faille, il n’y aura pas de victime possible. Une femme, dont le point faible est parfaitement assumé, même bardée de toutes les qualités convoitées, ne peut pas intéresser le prédateur : « Une femme qui n’a pas peur des hommes leur fait peur. »²⁷ Il sait qu’il n’a aucune chance, ou si peu, de la manipuler, de la soumettre, encore moins de la détruire. Malgré tout, il peut être tenté d’essayer quand même. « À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire… »²⁸
Quant à la victime, elle s’activera à être digne des sentiments qu’elle croit susciter. Elle soignera davantage son apparence physique et vestimentaire ; elle
se documentera sur les centres d’intérêt de son « amoureux », alors que ces domaines ne l’ont jamais ionnée auparavant. Rien de plus normal quand une relation amoureuse débute. En revanche, ce qui ne l’est pas, c’est que, peu à peu, elle négligera ce qui lui plaisait. Elle ne lit plus devant lui, ou pratiquement plus, parce qu’il a déclaré que les écrivains sont soumis aux diktats du marketing (Hugo, Balzac, Mauant, Zola…, ne vous retournez pas dans vos tombes !) ; elle n’ira plus au cinéma, parce que les films le font dormir ; elle n’allumera plus la télévision, parce qu’il a décrété que tous les programmes sont débiles ; elle s’éloignera de ses amis, parce qu’il n’a aucun feeling avec eux ; elle coupera les ponts avec les membres de sa famille, parce qu’une réflexion anodine de l’un d’entre eux envers le PN aura été perçue par ce dernier comme une agression et engendrera immanquablement des scènes épouvantables et éprouvantes… Elle délaissera ses propres loisirs au profit de ceux de son cont ; elle s’oubliera complètement en chemin.
En attendant, la proie n’a pas encore découvert la perversité de son interlocuteur. Pour elle, c’est un homme forcément merveilleux sur lequel elle pourra compter dans l’avenir. Il sait flatter son ego et se rendre indispensable. Elle se sent importante et rassurée. Elle n’a pas vu le piège, et si les petites sonneries (dringdring) tintent de temps en temps, elle ne prend pas le temps de les écouter. Elle n’est pas masochiste, elle ne recherche et n’apprécie pas la douleur. Elle n’est pas non plus exempte de défauts. Elle veut juste vivre une belle histoire d’amour. Pour cela, elle est prête à s’investir pour répondre aux besoins de son « amoureux ». Elle l’imagine au bord d’un abîme intérieur, sombre et profond, et décide de le tirer en arrière. Et si elle le sent en souf, elle s’impliquera encore davantage. N’y a-t-il pas une infirmière qui sommeille au fond d’elle ?
C’est pourquoi le pervers narcissique se croit supérieur à sa victime. Et c’est vrai dans un sens. Tant que sa compagne n’aura pas compris à qui elle a affaire, le PN aura une bonne longueur d’avance. Chacun des deux a une conviction : pour lui, c’est de savoir qu’il va la rendre dépendante ; pour elle, c’est de croire qu’elle peut le sauver. On pourrait résumer le décalage dans cette relation par : il est tout pour elle, elle n’est rien pour lui.
3.1
Faille(s)
Une chose est sûre : toute femme, quels que soient son âge et son statut (social, intellectuel, financier, professionnel), peut se faire manipuler dès lors qu’elle n’a pas réussi à composer avec sa faille. Le pervers narcissique est habile…
Les failles sont de toutes sortes ; elles peuvent être récentes ou plus anciennes, mais elles induisent un manque (ponctuel ou permanent) qui n’est, d’ailleurs, pas identique chez le prédateur et chez sa victime. L’un et l’autre chercheront à le combler. Pour le premier, en détruisant sa proie ; pour la seconde, en tentant de venir en aide à celui qu’elle ne voit pas encore comme un bourreau.
Dans le premier cas de figure (chômage, divorce, agression, deuil, séparation douloureuse, soucis familiaux ou financiers…), faille récente et ponctuelle, le pervers narcissique se présentera comme le sauveur qui comprend le bouleversement de sa bien-aimée et qui l’aidera à y faire face. Dans le second cas de figure (insécurité affective, manque de confiance en soi, dévalorisation, peur de l’abandon…), faille ancienne et permanente qui a bien souvent pris racine dans l’enfance, il sera le protecteur qui saura la flatter, la rasséréner et la valoriser. Mais, dans l’un ou l’autre des cas, si la victime est prise entre ses griffes, il lui sera difficile d’en sortir.
Le manque de confiance en soi La dévalorisation systématique, qu’elle soit exercée par un parent, ou par un référent (une institutrice qui l’aura prise en grippe, par exemple), donne à la victime l’impression qu’elle n’a pas de valeur, qu’elle n’éveille aucun intérêt pour personne. Pour le PN, rien de plus facile que de repérer celle à qui l’on n’a jamais dit qu’elle était belle. Devenu le « sauveur », il lui apportera la glace magique qu’elle attend depuis si longtemps. Elle s’y voit valorisée, irée,
rassurée. Elle devient dépendante de ses flatteries et vit dans la peur constante de décevoir et/ou d’être critiquée.
L’insécurité affective La peur de la solitude, née du syndrome d’abandon² ; l’abandon lui-même, réel ou ressenti³ ; les abus, quels qu’ils soient, qu’a subis la victime ; la maltraitance contre laquelle elle n’a pas pu lutter… Et voilà notre pervers narcissique transformé en « Chevalier blanc » qui, non seulement protégera sa conquête, mais qui lui assurera une fidélité éternelle. Il ne l’abandonnera jamais, lui ! Il ne la trompera jamais, lui ! Il a très vite perçu l’immaturité affective et/ou émotionnelle de sa proie et sait comment s’en servir.
Récentes ou anciennes, les failles sont cernées. Le pervers narcissique a revêtu le costume qui convient. Il peut maintenant poser ses conditions, imposer ses règles du jeu. La victime, pour ne pas perdre ce qu’elle croit avoir trouvé, acceptera qu’il distribue les cartes, même si elle a conscience qu’il triche en se servant plus avantageusement. C’est le premier pas vers la dépendance affective, c’est le premier pas vers l’acceptation de l’inacceptable. Sans s’en rendre compte, elle participe à sa propre perte.
Sensibilité, empathie, comion, générosité, enthousiasme… sont des qualités, certes, mais peuvent aussi devenir des points faibles face à un prédateur. Il faut donc apprendre à s’en faire des alliées et pas des ennemies, et apprendre à les canaliser pour ne pas se faire dévorer.
3.2
Aimants
Nous courons toutes et tous le risque de rencontrer au moins un pervers narcissique dans notre vie. Nous courons également le risque de tomber dans son piège, si nous ne disposons pas des bonnes armes pour le contrer : la plus évidente étant la fuite. Si ce n’est pas faisable, il est toujours possible de ref de souscrire aux manigances de ce PN.
Certaines victimes se feront piéger une fois, mais pas deux. D’autres, hélas, retomberont inévitablement. On les appelle « les aimants ». Elles vont devoir apprendre à éliminer ou – au moins – à masquer les signaux qu’elles émettent, signaux que le pervers narcissique a appris à reconnaître rapidement. Ce ne sera pas toujours facile, bien évidemment, mais c’est le seul moyen de ne pas reproduire une situation dans laquelle elles ne peuvent être que malheureuses.
L’aide d’un thérapeute est souvent nécessaire. Néanmoins, la victime peut déjà commencer le travail seule. D’abord, elle doit se concentrer sur sa façon de se présenter à autrui. Trop souriante ? Trop volubile ? Trop empathique ? Trop confiante ?
Sans pour autant afficher un air revêche ou se montrer systématiquement désagréable devant l’inconnu qui se présente à elle, elle peut néanmoins réprimer le grand sourire qui lui vient naturellement aux lèvres, comme elle peut aussi attendre avant de raconter sa vie (donc, ses failles) ou de parler de ses difficultés actuelles. Il faut qu’elle apprenne à se prendre en charge, seule, et ne pas attendre l’intervention d’un « Superman ».
Elle doit fixer ses limites et borner son espace, celui dans lequel elle n’acceptera
personne, et s’y tenir. Elle doit également attendre qu’on la sollicite, et non pas proposer d’emblée ses services. Ces derniers devront se cantonner à ceux qui sont à sa portée et qui n’exigent pas un investissement déraisonnable. Son premier devoir est de se protéger.
Parce qu’elle est généreuse, aimable, bienveillante… elle est la proie idéale pour le pervers narcissique. Eh bien !, elle va devoir apprendre à devenir pingre dans ces manifestations propres à attirer le prédateur. Et, surtout, surtout, elle doit apprendre à dire NON !
Non, elle n’est pas disponible pour rendre service ; non, elle ne peut pas soigner les plaies du pauvre malheureux qui implore son attention ; non, elle n’a pas le temps d’écouter l’autre… NON ! NON ! NON !
Souvent par peur d’être mal jugée, ou de recevoir des réflexions propres à la culpabiliser, une personne n’ose pas dire non. Mais, comment font les autres pour ref ? D’abord, les autres se moquent bien de ce qu’on pense d’elles (et elles ont raison), et, ensuite, elles ne perdront aucun(e) ami(e) pour avoir dit calmement et fermement qu’elles n’avaient pas la compétence ou le temps de prendre en charge le service demandé, sans chercher à se justifier autrement que par : « Je suis désolée, mais je ne saurai pas le faire ; je suis désolée, mais je n’ai pas le temps ; je suis désolée, mais je suis engagée ailleurs ». Petites phrases faciles à retenir et à resservir autant de fois qu’un quémandeur insistera pour obtenir ce qu’il veut.
Alors qu’importe ce que pourra penser ou dire le pervers narcissique de sa proie. C’est elle la belle personne, pas lui ! Sinon, il n’aurait pas besoin de se servir d’elle et ne la jugerait pas.
Ensuite, il faut qu’elle apprenne que les compliments – s’ils font plaisir à
entendre – sont aussi, souvent, le reflet d’une attente cachée de celui qui les distribue. On les écoute, on les entend, mais on ne doit jamais les prendre pour acquis. Demain, ils se transformeront en reproches…
Enfin, il est indispensable qu’elle donne crédit à ses intuitions. Si elle sent que quelque chose ne va pas, sans pouvoir l’analyser sur le moment, elle doit impérativement mettre noir sur blanc ce qui la gêne dans le comportement de son nouvel amoureux, avant d’aller plus avant dans la relation. Regard fixe, réponses évasives, susceptibilité, insistance… tous ces signaux sont à prendre en considération. Ce sont des alertes envoyées à son bon sens.
Pour se faire respecter, il faut se respecter soi-même .
4
Un oxymore :
pervers narcissique amoureux
L’oxymore est une figure de style qui vise à faire cohabiter, dans une même expression, deux idées opposées : « Un silence assourdissant »³¹.
C’est ainsi que le premier terme, « pervers narcissique » est l’antonyme du second terme « amoureux ». Le pervers narcissique ne peut pas être amoureux. Il en aura l’apparence, il en donnera l’illusion, mais ne sera jamais l’amoureux dont toute femme rêve, puisqu’il ne peut aimer que lui (et encore…).
Pour vivre, plutôt pour survivre, le pervers narcissique a besoin d’une victime sur laquelle il va projeter ses propres travers. Je le répète, mon propos se rapporte aux relations amoureuses avec un pervers narcissique, c’est pourquoi j’ignore délibérément la relation toxique qu’un PN entretient avec une proie choisie dans son entourage familial, professionnel, amical…, bien que sa mise en place suive un processus identique.
Ne vivant que dans les apparences et la manipulation, le pervers narcissique se présente comme un homme élégant, beau parleur, audacieux, sûr de lui, voire arrogant, généreux, charmeur, avenant et sympathique, pour mieux éblouir ceux qui le côtoient. C’est un tort de croire que le PN se cache derrière le masque de l’homme qui a réussi socialement. La manipulation n’est pas l’apanage des riches. On trouve cette même engeance chez les smicards. La différence, c’est que les moyens pour jeter de la poudre aux yeux ne sont pas tout à fait les mêmes.
Néanmoins, « le pauvre » pervers narcissique saura se mettre en valeur avec d’autres ressorts. Même modestement apprêté, il attachera un soin particulier à
son apparence physique. Il mettra en avant ses compétences, dans quelque domaine que ce soit, pour se faire valoir. Je me demande si, pour compenser son absence de réussite dans la vie, il ne se délecte pas davantage encore de l’ascendance qu’il exerce sur une femme dont le statut social est plus élevé que le sien. Certains PN n’éprouvent nul embarras à se faire entretenir, comme un dû qui ne mérite aucune reconnaissance.
C’est également un tort de croire que le pervers narcissique est toujours cultivé, éloquent, expressif. Quand il ne dispose pas de ces atouts, il a de mots plus simples mais tout aussi percutants et efficaces pour manipuler. Au besoin, il justifiera ses lacunes par une vie un peu difficile, accentuant ainsi sa « victimisation ».
Mais, quel que soit le milieu social dans lequel il évolue, le PN est avant tout un comédien. Il est capable d’endosser n’importe quel rôle du moment qu’il peut appliquer sa souveraineté. Tour à tour, acteur d’une comédie romantique, puis d’un mélodrame, il tiendra le premier rôle du thriller, voire du film d’épouvante dans lequel il entraîne sa victime.
***
Le PN, homme qui n’aime pas s’éloigner d’habitudes ancrées au plus profond de son être, procède toujours de la même façon. Il repère sa proie, puis met en œuvre son piège.
Première étape : repérage On peut imaginer que le pervers narcissique a certainement dû essuyer quelques revers au cours de sa vie d’adolescent et de jeune adulte. Cela lui a sans doute permis d’affiner sa technique pour reconnaître très rapidement « l’heureuse
élue », celle qui sera d’abord une cible, puis une proie, avant de devenir SA victime. Elle n’est pas choisie au hasard. D’abord, il faut qu’elle détienne ce que le PN, envieux et avide, souhaite s’approprier ; ensuite, il doit sentir en elle une fêlure, une faille. Il sait qu’il n’a aucune chance avec une femme qui assume parfaitement ses fragilités.
Le pervers narcissique vise les femmes riches, celles qui possèdent les richesses financières, intellectuelles, sociales, relationnelles, physiques, mais surtout les richesses de générosité, d’énergie, de vitalité, d’enthousiasme, de dévouement, d’amour… Ces qualités humaines sont bien évidemment convoitées par le PN. Il aimerait s’en emparer, mais comme il échoue inévitablement, il mettra tout en œuvre pour les annihiler. Il les perçoit également comme autant de leviers dont il saura se servir pour se faire aimer et faire accepter à sa victime une relation de dépendance.
Certaines de ces richesses sont flagrantes, d’autres le sont moins de prime abord. Si son but n’était pas de détruire, on pourrait s’extasier sur l’infaillible don du pervers narcissique pour les repérer, don qui s’apparente à un radar tant il est sensible et efficace.
Ensuite, le PN va chercher le point faible de sa cible, même si celle-ci ne l’affiche pas ouvertement. Cette vulnérabilité n’est pas identique pour toutes. Quelle qu’en soit l’origine, la fragilité peut être chronique ou ponctuelle ainsi que je l’ai évoqué dans le chapitre consacré aux failles.
C’est assez intéressant de noter que le pervers narcissique, qui a manqué d’amour et de valorisation dans un environnement violent, peut être attiré par une femme qui a souffert des mêmes carences, sans pour autant être devenue une perverse narcissique, elle.
Alors, pour être certain de ne pas se tromper, le PN multipliera les questions, l’air de rien, comme s’il s’intéressait réellement à la vie de sa cible. En fait, les joies, les peines, les soucis de l’autre, le manipulateur s’en contrefout ! Il veut juste vérifier qu’il a bien cerné sa future victime. C’est un escroc, un imposteur des sentiments.
Deuxième étape : mise en œuvre du piège Qualités convoitées et point(s) faible(s) repérés, le pervers narcissique a maintenant toutes les cartes en main pour jouer sa partie, suivant un schéma en trois phases parfaitement rôdées : la séduction, l’emprise et la destruction.
Le but du séducteur est de… séduire. Il collectionne les conquêtes. Il prend, il jette. Dès qu’il a atteint son objectif, il e à la suivante, sans se préoccuper des dégâts qu’il a causés dans le cœur de sa victime.
Le but du manipulateur est de… manipuler. Il séduit et il joue avec son pantin. Là encore, peu importe ce qu’il adviendra de sa marionnette quand elle aura cessé de l’intéresser.
Le but du pervers narcissique est de détruire. Il séduit, il manipule, il démolit. Il jouit du mal qu’il fait.
« La proie attire le prédateur et, quand il est en marche, plus rien ne l’arrête. »³²
4.1
Séduction
Tout le monde s’accorde à le dire : c’est plus facile de séduire quand on est beau, ou – au moins – quand on est doté d’un certain charme. N’empêche, le pervers narcissique qui n’aurait pas été gâté par la nature trouvera toujours un moyen d’éblouir l’autre. Que ce soit par son intelligence, sa culture, ses relations sociales, sa gentillesse (feinte), son humour, ou son argent, le PN déploiera toutes ses ressources pour appâter sa proie, pour la ferrer. Après quelques tâtonnements, il a appris ce qu’il convient ou ne convient pas de faire. Avec le temps, il a amélioré son modus operandi (manière de procéder).
Grâce à Internet, aux forums, aux sites de rencontres, le terrain de chasse du pervers narcissique ne connaît plus aucune limite géographique. Les réseaux sociaux sont une source inépuisable de renseignements. Rien de plus facile pour étudier le profil des futures cibles qu’il a minutieusement sélectionnées. Il ne lui restera plus qu’à adapter son masque en conséquence. Et quand ils feront connaissance, comme par enchantement, leurs attentes, leurs centres d’intérêt seront semblables !
À l’une, il se montrera sûr de lui ; à l’autre, il se présentera comme un pauvre martyr que la vie n’a pas épargné. Mais, dans tous les cas, il sera parfait dans le rôle qu’il interprète. « Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse ! »³³
La manœuvre de ce prince charmant de bas étage est toujours la même : d’abord, les compliments. Et il ne lésine pas ! Flatteries en tout genre : rien ne sera trop beau pour déclarer à l’autre combien elle est importante, voire indispensable, à ses yeux, combien elle est belle, élégante, intelligente, pleine de bon sens, cultivée, gentille, généreuse, efficace, organisée, irée par ses proches, combien il est fier de se montrer avec elle (parce que ça nourrit son propre narcissisme !)
Bref, il sait valoriser son ego, et prononcer tous les mots tendres, plus hypocrites les uns que les autres, indispensables à la mise en œuvre de son piège. Aucun obstacle ne lui semble insurmontable. Si elle lui dit qu’elle ne se sent pas prête pour une histoire d’amour, il la tranquillise : il patientera. Il oublie de préciser qu’elle n’est qu’une ligne parmi toutes celles qu’il a placées en attendant que ça morde… La fidélité est une vertu complètement abstraite pour lui. « L’heureuse élue », évidemment, ne se doute de rien. Elle se croit unique dans son cœur. Elle n’a pas compris qu’elle n’est qu’un faire-valoir pour ce séducteur qui a besoin d’être conforté sur ses capacités à… séduire ; elle n’est qu’un miroir embellisseur pour ce narcisse pervers. Elle découvrira peut-être un jour qu’il la trompe sans vergogne, voire qu’il mène une double vie, et ce depuis le tout début de leur relation.
Souvent hyperactif (mais pas toujours de manière efficace), le pervers narcissique se présente comme un homme d’action qui sait ce qu’il veut : et c’est vrai, puisque son objectif est de vampiriser ! N’est-il pas le capitaine d’un bateau qu’il mènera à bon port, tout en veillant au confort de son unique agère ? Alors, la victime se sent en confiance, rassurée, voire protégée. Elle ne voit pas le piège derrière la gentillesse.
Et, puis, n’ont-ils pas tellement de points communs, tellement de désirs identiques ? Il semble si épris « Ses regards ne regardaient que moi. »³⁴ La victime parle d’alchimie, de connexion, d’âme sœur… Elle pense avoir trouvé l’homme idéal, fiable et solide, qu’elle attendait : celui qui partage avec elle les mêmes projets, la même vision de la vie, celui qui lui laisse entrevoir ce qu’une relation amoureuse réciproque peut avoir d’épanouissant. Elle ressent la délicieuse impression d’être toujours écoutée attentivement. Elle le regarde comme on regarde un héros.
Malheureusement, l’amour qu’elle lui porte ne sera jamais payé en retour, car rien n’est vrai : tout est simulacre. Pas un des mots qui sortent de la bouche du pervers narcissique n’est sincère, ils sont tous ajustés à la personnalité de sa
proie. La femme convoitée possède sans doute toutes les qualités qu’il énumère, ou au moins quelques-unes, mais le PN s’en moque bien. Il ne s’intéresse qu’à lui. Un point c’est tout. Pour lui, ne comptent que les apparences et la manipulation. Si, au début de leur relation, il la fait rire aux larmes, bientôt les rires s’arrêteront et ne resteront que les larmes…
Avec les compliments, il y a aussi les attentions, les cadeaux, dont les rubans se transformeront en chaînes un peu plus tard. Certes, tous les pervers narcissiques ne disposent pas de moyens financiers suffisants. Qu’à cela ne tienne ! Une simple rose fera l’affaire : offerte avec des larmes dans les yeux, elle n’en aura que plus de valeur. Si les présents sont nombreux durant la phase de séduction, ils vont vite se raréfier à partir de l’instant où le pervers narcissique considérera que l’amour de sa conquête lui est acquis. Néanmoins, il veillera à accorder – de temps en temps – à sa dulcinée un « petit quelque chose » pour lui prouver qu’il est un grand seigneur et qu’elle a bien de la chance. Le PN trouve toujours le moyen d’octroyer quelques miettes qu’il fait er pour un festin.
Attention, cependant, à ne pas se tromper d’ennemi ! L’abondance de cadeaux, d’attentions et de compliments n’est pas invariablement la signature du pervers narcissique. De nombreux hommes dénués de toute mauvaise intention peuvent aussi se montrer généreux, délicats et galants.
Si les manœuvres de séduction existent depuis toujours, les outils nécessaires à sa mise en place se multiplient : le téléphone portable, et plus particulièrement les sms et mms, sont d’une utilité incontestable. Le pervers narcissique n’est pas regardant : il va « mitrailler » sa proie de messages, de photos, de cartes virtuelles, pour prouver des sentiments qu’il est cependant loin d’éprouver. Internet est son meilleur allié. Il y trouvera un énorme choix de poèmes, images, citations… dont il se servira avec brio pour éblouir celle qu’il veut attirer.
Peut-être réticente ou dubitative, dans un premier temps, devant cette pléthore de compliments, de cadeaux et de messages, uniquement destinés à endormir sa
vigilance, la femme finira, dans un second temps, par se croire importante aux yeux du manipulateur.
L’une se sentira flattée d’avoir été remarquée par un homme aussi brillant, aussi charismatique, qu’elle lui assignera la place d’honneur dans son petit paradis privé, et se transformera en miroir qui a « le pouvoir magique et délicieux de réfléchir l’image de l’homme deux fois plus grande que nature. »³⁵ L’autre éprouvera le désir de protéger ce pauvre être blessé.
Et là où le piège révèle toute sa perversité, c’est quand la femme accepte une relation avec un homme qu’elle n’aurait jamais choisi en temps normal. Il a su s’immiscer précisément à l’endroit où était le besoin ; il a su trouver les mots qui la touchent, ceux qu’elle avait envie d’entendre. Le mécanisme de la séduction est parfaitement huilé.
Ce ne serait pas dramatique si le flirt s’arrêtait à ce stade. Tomber amoureuse d’un illusionniste qui fait miroiter une vie idyllique et être abandonnée par lui quand il a obtenu ce qu’il voulait, on s’en remet plus ou moins vite. Malheureusement pour cette femme qui est éprise, le jeu du pervers narcissique va continuer, évoluer, s’amplifier. Quel que soit le temps que cela prend, la cible est ferrée : aveuglément amoureuse, elle devient proie. Le manipulateur va pouvoir er à la phase 2 : l’emprise. Après l’avoir fait rire, il va la faire douter avant de la faire souffrir.
Pendant la phase de séduction, la cible peut émettre librement des opinions, faire des remarques anodines, se moquer gentiment de certains petits travers de son « amoureux », dont il sera le premier à rire. Tout cela ne semble pas porter à conséquence. Erreur, grave erreur ! Le pervers narcissique a tout enregistré. Dans les deux phases suivantes, il n’aura de cesse d’amplifier, de déformer, de sortir de son contexte chacun des propos que sa compagne a tenus pour les retourner contre elle. Tout sera prétexte à la rabrouer, à la culpabiliser. Et cette dernière en sera si perturbée qu’elle ne cherchera pas à connaître la cause de ces
reproches inattendus, mais en acceptera – involontairement – les conséquences.
Quelques signes d’alerte :
4.2
Emprise
La lune de miel s’achève. Le masque du gentil et adorable amoureux tombe. La lune de fiel débute. Le super héros se transforme en super zéro.
La phase d’emprise, qui a commencé tout en douceur durant la phase de séduction, va se poursuivre plus intensément. Le délai entre ces deux phases est variable d’un PN à l’autre, d’une proie à l’autre. Tout est question de circonstances. Parfois, la manipulation se mettra en place dès le début de la vie commune, que cette dernière soit constante (partage du même logement), ou épisodique (chacun reste chez soi) ; parfois, elle s’installera un peu plus tard. Un témoignage indique : « C’est pile le lendemain de notre mariage que la situation a dégénéré et que j’ai pris de plein fouet la signification du proverbe : les amours commencent par anneaux et finissent par couteaux. »
Pas plus que la réussite sociale n’est l’apanage des pervers narcissiques, la soumission n’est l’apanage des idiotes, des faibles d’esprit. Des femmes brillantes, intellectuelles, cérébrales, s’y sont laissé prendre.
L’emprise s’effectue par étapes, délicatement, sans que la proie ne se doute de rien au début. Elle s’exerce au quotidien, quelle que soit la distance géographique. Entre ses appels téléphoniques, ses textos, ses courriels, le prédateur ne laisse aucun répit à la femme qui se sent obligée d’y répondre sans délai. Il veut savoir ce qu’elle fait à tout instant. Sans qu’elle comprenne pourquoi et comment, il occupe toutes ses pensées ; même loin de lui, elle sent sa présence, son contrôle dans chacun des actes qu’elle effectue. Progressivement, le pervers narcissique a envahi l’espace physique et psychique de sa compagne. Il va semer le trouble dans son esprit, la dérouter, la déstabiliser. Bien sûr, elle va tenter de résister, de lutter, de le contrer, mais – hélas – quand on se bat contre un dragon, c’est souvent le dragon qui gagne…
Le PN connaît maintenant tout ou presque de sa compagne : ses doutes, ses craintes, ses incertitudes, ses secrets. Elle s’est livrée à lui, sans méfiance. Il peut sans peine manœuvrer à travers les failles et appuyer sur les bons boutons aux moments opportuns, parce qu’il a pris la mesure de la faiblesse de sa proie. Il la tient à sa merci. Elle va vite réaliser que les belles promesses sont tombées aux oubliettes. C’est lui, et lui seul, qui conserve les cartes et qui décide quand et comment les distribuer (à son avantage, bien entendu). Sans aucun scrupule, il va exercer la pression et le chantage qui vont de pair, et lui infliger le silence, la froideur, l’agacement… « La dissimulation et la traîtrise sont les plus sûrs moyens de gouverner. »³⁷
Son but est de dominer, de manipuler, de soumettre, en utilisant des moyens et des techniques aussi raffinés que cruels. Les exemples rapportés par les victimes sont si nombreux qu’il me paraît difficile de les lister tous : différents par la méthode, identiques par le but recherché. J’en présente quelques-uns, les plus fréquents, par ordre alphabétique et non pas ordre chronologique de leur mise en place.
Absence de culpabilité : le pervers narcissique a construit sa vie en imitant les sentiments qu’il a décelés dans son environnement. Hélas, il a omis de copier la culpabilité et donc les excuses et les remords qu’elle peut générer. Il se fendra peut-être d’un « Oui, j’ai eu des mots, mais ils étaient à la hauteur de ma souf », s’il sent que sa proie lui échappe. En fait, non seulement, il ne présente aucune excuse, mais il réussit encore à justifier son attitude en en renvoyant la responsabilité à sa compagne. C’est de sa faute à elle, s’il souffre, lui !
Addiction : le manipulateur est é maître pour instaurer une addiction dont il est d’autant plus difficile de se défaire qu’elle a été librement consentie. Addiction aux appels téléphoniques, aux messages (le portable est un outil très utile : il permet de maintenir l’emprise à distance), aux gestes tendres, aux attentions, aux mots d’amour. La victime accepte de se
soumettre aux humeurs de son partenaire, dans le seul espoir que ces moments merveilleux, dont elle ne peut plus se er, ne cessent jamais. Ce qu’elle a de lui est peut-être minime et précaire, mais elle ne veut pas le perdre.
Art d’avoir toujours raison : s’il possède les capacités intellectuelles adéquates, le pervers narcissique adoptera un ou plusieurs des 38 stratagèmes développés par Arthur Schopenhauer. ³⁸ L’objectif est d’amener sa compagne à ne plus pouvoir réfléchir par elle-même, à la contraindre à épo son point de vue. Il la fera douter de ce qu’elle a entendu, de ce qu’elle a dit. Il saura toujours retourner la situation à son avantage, faisant preuve d’une mauvaise foi incommensurable.
Chantage affectif : « Je te donne de l’amour uniquement si tu fais ce que je te demande, et tout de suite. »³ Voilà qui résume un des moyens mis en place par le manipulateur pour soumettre sa compagne. De peur de perdre l’amour de celui dont elle est éprise, elle acceptera, bon gré, mal gré, de répondre à la demande. Sous emprise, elle n’est plus en mesure de se souvenir qu’en d’autres temps elle aurait rejeté ce genre de sommation. Dans le cas où sa compagne dispose de moyens financiers supérieurs aux siens, le manipulateur parviendra à lui soutirer de l’argent pour régler une dette, ou pour une acquisition qui lui est in-dis-pen-sa-ble. Il monnaie son amour. Dans cet exemple, la proie a oublié qu’un mot existe pour définir cet homme : gigolo.
Cloisonnement : pour éviter des recoupements fâcheux pour lui, qui ne vit que sur des faux-semblants, le PN va cloisonner ses relations. Il présentera sa compagne à certains, mais pas à d’autres et trouvera toutes les excuses possibles et imaginables pour justifier ce cloisonnement. « Tu ne les aimerais pas », pour expliquer qu’elle n’est pas invitée. Au besoin, il se servira du même argument auprès de ceux-là : « Elle ne vous apprécie pas », pour motiver l’absence de sa
partenaire.
Compliments et reproches : ou l’art de souffler le chaud et le froid. Lundi, elle est belle ; mardi, elle est trop grosse ou trop maigre ; mercredi, il apprécie sa douceur ; jeudi, elle ne fait rien d’agréable pour lui. Le premier jour, le manipulateur reprend gentiment sa compagne qui n’a pas fait correctement ce qu’il lui a demandé ; le lendemain, il va lever les yeux au ciel ; le troisième jour, ce seront les remarques blessantes : « Tu es vraiment une incapable ». À la fin de la semaine, elle est redevenue formidable. Plus les compliments seront servis à dose homéopathique, plus elle les attendra avec impatience et plus elle era les reproches qui, eux, ne seront jamais infimes. Sous couvert d’humour, il lui balance une attaque cinglante et méprisante qui la laisse défaite, au bord des larmes. Il est vraiment doué, voire surdoué, pour lui faire croire qu’il n’y a pas de fumée sans feu. Si elle reçoit des critiques, c’est qu’elle les mérite !
Contradictions et paradoxes : tout à fait capable de répondre sur un ton agressif « Je vais bien, merci » à celle qui l’interroge, le PN envoie un message en contradiction avec le ton employé. Le langage est perverti. Il n’y a rien de plus déstabilisant. Cela induit une certaine confusion dans l’esprit de toute personne saine quand le phénomène se reproduit régulièrement. Il change d’opinion très souvent, et refuse d’ettre qu’il a tenu un discours contraire la veille. Le manipulateur sait aussi raconter la même histoire dans des versions différentes à chaque fois. À sa compagne qui le lui fera remarquer, il répondra « Tu n’as rien compris. Comme d’habitude, tu ne m’as pas écouté ». Et la voilà estampillée « gourdasse de l’année ». Elle finira par douter de ses propres souvenirs, et le « comme d’habitude » résonnera longtemps dans son esprit comme un reproche indélébile. Le PN saura toujours tirer profit de la moindre étourderie, de la plus petite perte de mémoire de sa proie. Et s’il y a un domaine dans lequel il excelle, c’est bien celui où il peut se faire er pour un martyr ! N’oublions pas que c’est un élément important de son fonds de commerce.
Dépendance : qu’elle soit financière et/ou affective, la dépendance est une prison dans laquelle la victime est enfermée. Cette dernière n’a pas les clés, elle ne voit pas comment s’en sortir. Et, de toute façon, où irait-elle ? Elle est isolée, elle ne sait pas vers qui se tourner. Le manipulateur la tient sous sa coupe : c’est lui qui a l’argent et/ou c’est le seul homme qui puisse l’aimer. Si le premier argument est peut-être vrai (il a l’argent), mais pas insurmontable, le second ne l’est absolument pas : d’abord, parce qu’il ne l’aime pas, ensuite parce que cette femme a des qualités que de nombreux hommes (des vrais) recherchent.
Effet de surprise : le manipulateur est rarement impulsif. Tout est prémédité, calculé soigneusement. La journée s’est bien ée, il n’y a eu aucune friction aujourd’hui, aucun reproche. C’est un bon jour. Malheur à cette femme qui ne s’y attendait pas du tout : « l’homme-caméléon », qui saute d’une humeur à une autre, sans transition, va trouver le moindre prétexte pour faire exploser sa colère : un verre mal essuyé, un papier qui traîne… Elle est abasourdie et ne sait pas comment calmer la tempête qui s’annonce.
Infidélité : comme je l’ai écrit précédemment, la fidélité est un concept complètement abstrait pour le pervers narcissique. Une épouse, une maîtresse, deux maîtresses…, ne constituent pas un obstacle pour lui qui, rêvant sans doute de se constituer un harem, ne cessera jamais de draguer tout élément féminin qui se présenterait (sans garantie de succès, néanmoins). Il peut tout aussi bien le faire à l’insu de sa compagne attitrée qu’agir devant elle. Pour peu que cette dernière manifeste quelque dépit bien compréhensible, il n’en appréciera que davantage l’humiliation qu’il lui fait subir.
Influence les choix : c’est amusant au début, quand il la conseille pour l’achat d’un vêtement, d’un livre, ou de tout autre objet. Peu à peu, cela se transforme en obligation : ce qu’elle peut porter, ce qu’il lui est permis de lire, comment elle doit se coiffer ou se maquiller… Elle émet une opinion différente de la sienne ? Il saura vite la remettre à sa place puisqu’il connaît maintenant les mots qui font mouche.
Insultes : la première est si soudaine que celle qui la reçoit sursaute en l’entendant. La première devrait être la dernière. Hélas, l’emprise a accompli son travail et la compagne outragée finira par er sans broncher les insultes qui se succèdent plus vite et plus régulièrement que les louanges.
Isolement : le PN dénigre l’entourage de sa compagne, par petites touches, avec des exemples vrais – et c’est bien là sa force – qu’il saura amplifier et détourner de leur contexte. Son mot d’ordre, son leitmotiv : diviser pour mieux régner. Il va amener sa partenaire à espacer les s, voire à couper les ponts, avec sa famille, ses amis, avec tous ceux qui pourraient lui ouvrir les yeux. Ainsi, elle perdra ses repères et n’aura pour seule source d’information que celle présentée par ce manipulateur. Cependant, il accepte que sa partenaire conserve quelques liens avec des personnes qu’il a ciblées comme soutiens potentiels à sa seule cause à lui, et dont il pourra se servir et se débarrasser quand ils ne lui seront plus utiles.
Jalousie : le manipulateur est jaloux, non par sentiment mais par besoin de posséder. Personne ne doit toucher à la marionnette qu’il a façonnée, celle qui doit penser et agir comme il veut qu’elle pense et qu’elle agisse. Il est hors de question que quiconque lui vole son jouet. Ce serait lui ôter son pouvoir. Toute personne (collègue, parent, ami(e)…), dont la compagne pourrait parler incidemment en termes élogieux, sera perçue comme un ennemi potentiel qu’il faudra éliminer coûte que coûte.
Jeu du chat et de la souris : il ne faut pas perdre de vue que le manipulateur aime jouer… avec les nerfs de sa partenaire. S’il fait mine de relâcher la pression, c’est pour mieux sortir les griffes. Gare à son amante si elle en profite pour s’éloigner d’un pas ! Il saura bien la faire revenir au galop quémander un pardon et n’en sera que plus redoutable pour lui faire er l’envie de renouveler cette tentative d’évasion. Son plaisir est décuplé quand il a réussi à faire ployer la rebelle sous son joug.
Mensonges : plus ils sont gros, plus le manipulateur semble y croire. Pour lui, répéter inlassablement les mêmes inventions signifie qu’elles sont le reflet de la vérité. Cela va de la petite duperie « oui, j’ai posté la lettre » pour masquer un oubli qu’il va (peut-être) réparer, jusqu’à la grosse fourberie « tu n’as pas répondu à mes appels » pour justifier qu’il est en colère. La compagne vérifie : son téléphone n’a pas sonné et aucun appel en absence ne s’affiche. Elle lui demande de regarder s’il n’y a pas eu confusion de destinataire. Il refuse et jongle si bien avec la vérité qu’elle en vient à douter de son téléphone ou de son opérateur.
Projection : tous les défauts qu’il reproche à sa partenaire sont en fait ses propres défauts (arrogance, débilité, malveillance, mesquinerie, démence, cruauté, mythomanie, traîtrise, lâcheté…). Il lui attribue les propos malsains ou mensongers qu’il a lui-même tenus, il l’accuse de travers qu’il est le seul à détenir en vérité. Il s’exprime de façon agressive ? Elle répond calmement, sans hausser le ton, pour éteindre le feu qui couve, pour éviter la scène qui pourrait bien surgir. Un peu plus tard, il lui dira combien il a été peiné qu’elle lui ait parlé aussi méchamment ! Il est impossible au pervers narcissique d’ettre ses erreurs, ses manquements, ses errements.
Refus de communiquer : le « stonewalling » (ou mur de pierre), arme redoutable dont le pervers narcissique sait et ab. Plus sa partenaire insistera pour obtenir des réponses, plus le PN opposera froideur et dédain, et évitera le visuel. Il utilise le silence pour punir ou affliger. Lui qui ne peut tolérer d’être ignoré, fait mine de n’avoir rien entendu quand sa compagne lui pose une question. Soit il change de sujet de conversation, soit il fuit la confrontation. Elle répète. Il lui tourne le dos, lui signifiant ainsi que sa question ne présente aucun intérêt, aucune valeur, nouvelle marque de mépris et de manque de respect s’il en était besoin. Elle insiste, parce qu’elle veut comprendre ce qui ne va pas. Il change de pièce, il sort de l’appartement, et peut même disparaître pendant une période plus ou moins longue. En attendant, la pauvre femme n’obtiendra rien, si ce n’est que la réelle sensation de ne pas exister, d’être devenue transparente. Silence
durant la relation, silence après la relation… Le silence est inable⁴ quand il n’a d’autre but que de museler, de mépriser, d’avilir. Aucun dialogue n’est possible. Pour la femme, c’est ressenti comme une véritable et violente agression contre sa propre identité. Elle éprouve l’horrible impression de ne plus savoir s’exprimer, puisqu’elle ne parvient pas à se faire comprendre. Parmi les témoignages recueillis, je retiens : « Ses silences me rendaient folle, me poussaient à bout. J’en aurais hurlé. Une terrible envie de le frapper montait en moi. »
Règles du jeu : c’est lui qui les fixe. Il déteste qu’on enfreigne les règles, ses règles, sans jamais les énoncer explicitement, et qui fluctuent de toute façon au gré de son humeur. Il ne tolère aucune interférence dans les plans qu’il combine et régente seul. Il s’autorise tout ce qu’il interdit à sa compagne. Cette dernière va vite apprendre que certains sujets sont tabous et ne doivent jamais être abordés. En général, ce sont tous ceux qui pourraient nuire à l’image que ce manipulateur veut donner de lui-même. C’est encore lui qui décide des jours et des heures des rendez-vous. Si l’emploi du temps de sa partenaire ne lui permet pas de se libérer, il saura bien la culpabiliser : « Tu ne fais aucun effort pour nous ».
Scènes : le PN adore les conflits, et tout lui est prétexte à orchestrer une scène (sa compagne est trop maquillée, habillée trop court ou trop décolleté, elle monopolise l’attention…) Qu’importe si elle est toujours maquillée et/ou habillée de la même façon qu’à l’époque où elle l’a séduit. Ne va-t-il pas jusqu’à mesurer la hauteur de la jupe de sa compagne, ainsi qu’une victime en a témoigné ? Trop en retard pour se changer, cette femme a é sa journée de travail sans oser sortir de son bureau, persuadée qu’elle portait une tenue inconvenante.
Silence radio : dans une relation à distance, le pervers narcissique tiendra une comptabilité très rigoureuse des messages qu’il envoie et qu’il reçoit. Gare à sa partenaire si elle omet de répondre rapidement. En revanche, lui se fera un malin plaisir à la laisser deux ou trois jours, voire bien davantage,
sans nouvelles. Plus elle sera inquiète, plus il pourra mesurer son pouvoir sur elle. Et quand, enfin, il reprendra avec elle, il ne présentera aucune excuse. Amant versatile, capable sur une petite réflexion qu’il juge blessante, de la planter dans quelque lieu que ce soit, et de disparaître pendant deux semaines sans jamais répondre aux messages qu’elle lui envoie. Tout au long de leur relation, il s’appliquera consciencieusement à la maintenir dans l’incertitude et l’angoisse. Ainsi que je l’ai indiqué précédemment, le PN déguerpit dès lors que ses manœuvres de manipulation échouent, ou s’il craint d’être percé à jour. Celle qui n’a peut-être pas conscience d’avoir su déjouer le piège cherchera à comprendre pourquoi il a disparu sans explication. Elle aura beau multiplier les moyens (appels téléphoniques, textos, courriels, courriers…) pour obtenir des réponses, elle sera inévitablement confrontée au silence radio que le PN lui opposera. Elle se perdra en conjectures, en interrogations de toutes sortes, et finira sans doute par se sentir coupable et responsable de cette situation. Il n’est pas rare qu’une forte déprime s’ensuive…
Évidemment, quand on voit cette liste non exhaustive des procédés utilisés par le manipulateur pour mettre en place son emprise, qui sont autant de violences psychologiques, on se dit que toute personne avisée et dotée de discernement les détecte immédiatement. Eh bien ! non. Tout se e en douceur au début, ai-je écrit plus haut. Il la tient tendrement dans ses bras quand il lui dit « Ta coiffure est vraiment moche ». Les petites piques d’abord ; s’ensuivront les critiques, de plus en plus fréquentes, de plus en plus méchantes, les sautes d’humeur, entrecoupées de moments de tendresse (simulée), qui fragiliseront chaque fois un peu plus la victime.
Il est vrai, cependant, qu’une femme bien dans sa peau et bien dans sa tête saura mettre son bon sens à profit pour éventer le traquenard et ne pas y tomber. Hélas, du plus puissant au plus humble, l’être humain n’est pas tous les jours bien dans sa peau et bien dans sa tête.
Alternance de hauts et de bas, de bons et de mauvais jours, il sourit puis fait la
gueule sans raison apparente, rien de tel pour créer un brouillard dans l’esprit de la compagne qui n’a rien vu venir. Monsieur s’est montré odieux durant tout le week-end : pas un mot doux, pas un geste tendre, mais une froideur constante et des réflexions perfides qui se sont succédé. Madame rentre chez elle, dépitée, et elle est stupéfaite de recevoir des messages dégoulinants d’amour, durant toute la semaine qui suit. Et le même scénario démoralisant se reproduira lors de leurs prochaines retrouvailles, et sera suivi tout aussi inexorablement de déclarations enflammées dès que Madame aura tourné les talons pour regagner son domicile. Elle a l’impression d’avoir changé de cont en cours de route ou d’avoir perdu le mode d’emploi. Certaines y verront là la nécessité de rompre avec un homme à deux faces, qui n’est plus celui dont elles sont tombées amoureuses. Pour d’autres, l’espoir d’un retour au bonheur antérieur, bien que chimérique, sera le plus fort. Il est vrai que ce manipulateur est particulièrement adroit pour installer un écran de fumée devant les yeux de sa partenaire qui cesse de prêter attention aux petites sonneries (dring-dring) que sa raison lui envoie, comme autant d’avertissements qu’en d’autres temps elle aurait su reconnaître.
La victime, elle, a oublié de poser ses limites. Elle a accepté de monter une marche, puis une autre, puis encore une autre dans l’asservissement. Elle a perdu ses repères. Comment pourrait-elle savoir qu’elle a gravi pratiquement tout l’escalier ? Elle n’ose plus exprimer ce qu’elle pense, ce qu’elle ressent devant telle ou telle situation. Dans le meilleur des cas, elle garde le silence ; dans le pire, elle ret l’opinion du manipulateur et cesse de se servir de ses cellules grises. Je retiens une déclaration assez éloquente : « J’étais devenue une serpillière. »
Avant d’en arriver à cet état extrême de dépendance, la compagne va vouloir comprendre ce qui, après une merveilleuse lune de miel, a bien pu provoquer un quotidien aussi désastreux. Elle ne peut accepter la perte de ce paradis (artificiel) dans lequel elle était si heureuse !
Sa capacité à chercher des explications rationnelles face à un comportement irrationnel est sans limite. Elle utilise une technique destinée aux personnes
saines : des questions directes. « Qu’est-ce qui ne va pas mon chéri ? » ou « Qu’attends-tu de moi ? », sans savoir que le « flou » est un mode de fonctionnement du manipulateur. Le « chéri », lui, être malsain par essence, n’aime pas les questions directes. Y répondre clairement, ce serait perdre le contrôle, son contrôle. Et il le lui fait savoir à sa manière, en haussant les épaules, en soupirant ou en lui tournant le dos. Devant cette énième dérobade, elle en conclura que tout le mal vient d’elle, qu’elle n’écoute pas, qu’elle perd la mémoire, qu’elle ne fait jamais ce qu’il faut, qu’elle le freine, qu’elle est un poids pour lui.
Sans vergogne, il transfère sur l’autre ses propres travers. Quand il dit : « Tu », il faut entendre « Je ». « Tu n’es qu’une imbécile = Je ne suis qu’un imbécile ». C’est un point essentiel à souligner. Si la victime garde cette réflexion à l’esprit, elle ne se sentira plus dévalorisée quand le PN s’acharnera à lui démontrer qu’elle ne vaut rien. Tout ce qu’il lui reproche s’adresse en réalité à lui-même, pas à elle.
Il la noie de tant d’informations à la fois, qui sont autant de critiques, qu’elle perd pied. Il se sert de la moindre imperfection, de la plus petite bévue, de la plus infime contradiction de sa compagne pour asseoir sa domination. Il se focalise sur des détails insignifiants et les monte en épingle. Si, elle, elle a oublié certains faits, lui s’en souvient parfaitement : à croire qu’il tient un registre ! Il déforme la vérité, réécrit l’histoire suivant une implacable logique qui n’appartient qu’à lui.
Elle ouvre la bouche pour rétorquer, il ne lui en laisse pas le temps. En la censurant, il conserve le pouvoir. Regard fixe, perçant, visage figé, lèvres et narines pincées, le manipulateur lève le ton qui s’élève de plus en plus. Il la renvoie à ses failles. Peur d’être abandonnée ou de se retrouver dans une situation financière précaire ? Alors, elle se taira pour ne pas entendre la phrase qu’elle redoute plus que tout : « Je te quitte » ou « Fous le camp ! ». Privée d’amour dans son enfance ? Alors, elle se taira pour ne pas entendre la phrase qu’elle redoute plus que tout : « Je ne t’aime plus ». Issue d’un milieu violent,
dévalorisant ? Alors, elle se taira pour que les cris cessent, pour que les reproches s’arrêtent, pour que les coups ne pleuvent plus.
Et si, un peu plus tard, quand le calme semble revenu, elle tente de s’expliquer pour démonter chacune des critiques, il lui répondra qu’il n’est pas réceptif, que ce n’est pas le moment, ou que c’est trop tard.
Il meurtrit avec les mots, avec les poings, il achève avec un regard ou un silence. Elle est désemparée, elle est tétanisée : elle ne réagit plus ; elle accepte, en quelque sorte, son assujettissement. Il la programme pour ne plus déclencher d’hostilités. Elle era toutes les vexations, toutes les critiques, toutes les marques de mépris, « de moins pire en banal, elle finira par trouver ça normal »⁴¹ ; elle ne sait plus faire la différence. Elle a perdu toute lucidité : elle accepte l’inacceptable.
Les moments d’accalmie existent, ces bons jours où le compagnon sera tendre, gentil et attentionné, et où tous les espoirs seront permis. Alors, elle les attend, elle les espère et, pour ça, elle acceptera d’offrir soumission et déférence à ce manipulateur, sans comprendre que pour un bon, elle devra en er dix, puis vingt mauvais. Elle s’accroche désespérément aux souvenirs heureux de la « lune de miel ». Elle imagine qu’ils peuvent, qu’ils vont revenir, alors qu’ils n’ont jamais existé en vérité : tout était factice et le sera encore et encore.
À son insu, elle est entrée dans une dépendance affective qu’elle ne maîtrise pas, dont elle n’arrive pas à sortir. Sa joie de vivre, sa gaîté, sa légèreté ont disparu et ont fait place à une immense tristesse. Tristesse qu’elle ressent, tristesse qui s’affiche sur son visage et son comportement. C’est un signe que son entourage devra prendre en considération, si aucune raison concrète ne peut justifier cette désolation (maladie, chômage, deuil, soucis financiers…).
Même parfaitement autonome avant de rencontrer le PN, la pauvre femme ne peut se détacher de lui, comme si un lien invisible, mais tenace, la maintenait, la ligotait à lui. Elle comprend seulement qu’elle doit donner toujours plus, alors que lui se montrera de plus en plus avare dans l’expression des sentiments – très hypocrites – qu’il a manifestés auparavant.
Néanmoins, de plus en plus malheureuse, elle ne se résout pas à quitter son tortionnaire. Elle tente de résister parfois, sans toutefois ettre sa perversité. Elle voudrait tellement qu’il redevienne comme avant ! Elle croit, à tort, qu’elle pourra le guérir de ses démons, à force de patience, de tendresse et d’amour. Alors, quand il fait des remarques désobligeantes, elle n’écoute plus. Elle se mure dans un silence constant. Et pour ne plus entendre ses mensonges, elle ne posera plus de questions.
La peur s’installe. Peur de mal faire, peur de mal dire, peur d’une chose et de son contraire, la femme a peur de tout et n’ose plus rien entreprendre sans l’approbation préalable de son cont. C’est lui qui décide de tout, et ses décisions sont souvent imprévisibles. Tantôt il la veut vêtue d’une robe monacale, tantôt il exige qu’elle s’habille d’une tenue que même une prostituée du bois de Boulogne jugerait indécente. Elle s’efface peu à peu, elle oublie qu’elle est une femme brillante, elle gomme tout ce qui constituait sa personnalité unique, elle devient l’ombre d’elle-même. Une jeune femme témoigne : « À force de me faire traiter d’idiote, j’en arrivais à me comporter comme une imbécile. »
En effet, la crainte de mal faire conduit, hélas, à mal faire. Alors, les crises d’angoisse, les insomnies, le stress, l’insécurité affective, les troubles alimentaires, parfois sa propre agressivité, à la limite de l’hystérie, vont devenir son quotidien. Il est fort probable qu’elle se réfugiera dans les anxiolytiques, les somnifères, les antidépresseurs, l’alcool, la nourriture… Il n’est pas rare de voir certaines femmes souffrir soudainement d’eczéma ou de toute autre réaction cutanée ; pour d’autres, ce seront des douleurs physiques (des migraines, des spasmes musculaires, des maux de ventre…) sans cause apparente. C’est ce
qu’on appelle des maladies psychogènes, conséquences de pensées, sensations ou situations inables, exprimées physiquement par le corps. Celles qui en sont atteintes ne parviennent pas à évacuer leurs soufs ni à mettre un mot sur ce qui les étouffe : l’emprise et la violence psychologique qu’elle génère, la « psychoterreur ».
Parfois, en plus des blessures morales, il y aura les blessures physiques : les gifles, les coups… Je n’aborderai pas ce sujet parce que pas un seul des témoignages que j’ai recueillis n’a fait état de cette forme de perversion. Tous les hommes violents physiquement ne sont pas des pervers narcissiques ; tous les pervers narcissiques ne vont pas jusqu’au meurtre, mais bon nombre de « féminicides » sont perpétrés par des pervers narcissiques incapables de la moindre culpabilité, qui n’éprouvent aucun regret si ce n’est de se retrouver en prison.
C’est pourquoi je pense qu’il est IMPÉRATIF d’éduquer nos filles.
En effet, il faudrait que, dès leur plus jeune âge, TOUTES les femmes apprennent et comprennent que le premier coup qui leur est porté est le coup de trop. Il justifie à lui seul la rupture immédiate avec celui qui l’a asséné, et un dépôt de plainte. Tant qu’elles garderont le silence, les victimes feront le jeu de l’homme violent.
3919 numéro de téléphone pour les femmes victimes de violences
***
Les enfants du couple jouent également un rôle essentiel dans la technique d’asservissement mise en place. Le prédateur tentera de s’en faire des alliés ; il les utilisera comme un moyen de pression contre sa proie, en les manipulant, au besoin en exerçant un chantage affectif sur eux. Pour ne pas s’attirer les foudres de ce père coléreux et menaçant, les enfants se rangeront de son côté, même s’ils préfèrent – et de loin – la tendresse de leur mère. Dans le pire des cas, la femme maltraitée par son cont le sera également par ses propres enfants.
On l’a vu, le pervers narcissique ne se remet jamais en question. Ce n’est malheureusement pas le cas de sa compagne. Parce qu’elle est naturellement généreuse et empathique, elle va donc tenter de trouver des circonstances atténuantes à celui qu’elle aime tant. Elle lui cherchera des excuses et, forcément, elle en trouvera : il est très fatigué en ce moment, il est malade (pathologie réelle ou imaginaire), il a des soucis d’argent, il exerce une profession stressante, il est le souffre-douleur d’un environnement malveillant… C’est presque une forme de masochisme, puisque l’amoureuse laisse entendre ainsi que son persécuteur peut continuer de lui nuire.
Ensuite, cette femme désemparée s’interrogera, se culpabilisera, en occultant sa propre fatigue, sa propre maladie (réelle ou psychosomatique), ses propres soucis. Si tout va mal, c’est certainement de sa faute à elle ! Qu’a-t-elle dit, qu’at-elle fait ou pas fait pour que la situation ait dégénéré de la sorte ? Que pourraitelle bien modifier dans son comportement, dans son mode de vie, dans sa façon de s’exprimer, pour apaiser les tensions ? Elle est même prête – ô grave erreur – à lui dire « Je te promets de m’améliorer, mon chéri. » Sans le savoir, sous la dictature de ce pervers narcissique, elle vient d’ouvrir la voie à l’ultime punition : la destruction.
Le manipulateur se réjouit de contrôler et de diriger sa proie. Le pervers narcissique, quant à lui, n’a qu’un seul but, celui de l’anéantir.
Pour ne pas déplaire à son compagnon, elle n’ose plus exprimer son point de vue ; de peur qu’il ne la quitte, elle cherche à ressembler à ce qu’il pourrait apprécier. Elle scrute ses réactions pour s’adapter sans cesse, sans comprendre que, quoi qu’elle fasse, ce ne sera jamais ce qu’il semble attendre. Elle délaisse en chemin son individualité. Elle oublie tout ce qui fait d’elle une belle personne. Elle doute de tout et surtout d’elle-même : elle ne se sent plus ni jolie, ni drôle, ni attrayante, ni intelligente.
Alors, peu à peu, elle se recroquevillera dans sa coquille, deviendra triste, déprimée, honteuse, et n’osera pas demander de l’aide. À qui parler de ces petites piqûres qui, isolées, pourraient ne pas être nocives, mais qui le deviennent par leur répétition constante ? À qui avouer les affronts endurés ? Comment dénoncer les agissements d’un homme que tout le monde pense charmant, y compris dans le propre entourage de la victime ? Comment expliquer que, par crainte d’être abandonnée par celui qu’elle aime, elle a cessé toute relation avec sa famille et/ou ses amis, ce qui l’a plongée dans une autre forme d’abandon ?
Elle s’est laissé piéger. Elle a renoncé : renoncé à sa féminité, à son pouvoir de séduction, à son autonomie. Elle se culpabilise de n’avoir pas écouté les petites sonneries, de n’avoir pas perçu assez rapidement les dysfonctionnements, de n’avoir pas réagi plus tôt, d’avoir accepté en quelque sorte une situation dans laquelle elle est empêtrée. Elle a honte, tellement honte…
Plus tard, quand elle se sera enfin dégagée de cette relation toxique, elle restera méfiante longtemps, de crainte de retomber dans un piège. Elle va devoir réapprendre à vivre par elle-même, pour elle-même. Le chemin de la reconstruction sera d’autant plus long que la destruction a été profonde. Et quand, après bien des vicissitudes, enfin heureuse avec un homme qui l’aime et
qu’elle aime, c’est toujours en frémissant qu’elle évoquera sa relation antérieure.
4.3
Destruction
On ne le dira jamais assez, le pervers narcissique est un monstre et un salaud. Avide des qualités humaines (bonté, gentillesse, sensibilité, amour de la vie…) qui lui seront toujours inaccessibles, il va s’ingénier à détruire celle qui les possède. Il s’agit plus spécifiquement d’une destruction psychologique.
Pour parvenir à ses fins, tous les moyens les plus perfides, les plus cruels, sont bons pour le PN. Il les a utilisés périodiquement dans la phase d’emprise, il va s’en servir quotidiennement dorénavant : la dévalorisation, le persiflage, la médisance, les mensonges, les contrevérités, les critiques. S’ajouteront les cris, les hurlements, les colères, les menaces et, parfois aussi, les coups.
Son but est de casser, détruire, pulvériser, réduire à néant.
Tout ce qui a été décrit antérieurement prouve que le pervers narcissique est incapable de prendre conscience de sa monstruosité. En ce sens, on ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec les nazis qui ont été jugés lors du procès de Nuremberg⁴². Dans leur immense majorité, ils ont réfuté tous les faits rapportés par les rares survivants et ont nié leur culpabilité et leur responsabilité dans ces crimes contre l’humanité.
Le pervers narcissique est dangereux du fait qu’il se présente sous une apparence sympathique et avenante. Il est même doublement dangereux.
Parce que le pervers narcissique a subi un traumatisme dans sa petite enfance, qu’il a manqué d’amour désintéressé et de valorisation adaptée, que sa propre identité a été niée, qu’il a grandi dans un environnement violent ou sans repères, qu’il n’a pas été protégé, il souffre de carences dont il n’a pas pleinement conscience et auxquelles il refuse de faire face, de peur d’être confronté à une douleur qui lui paraît plus gravissime encore.
Nous avons toutes et tous vécu des événements douloureux dans notre vie, des deuils inacceptables (la perte d’un enfant), des violences, des maladies ou accidents invalidants, des brimades… Sommes-nous devenu(e)s des monstres pour autant ? NON ! Alors, trouver des excuses, des circonstances atténuantes, au pervers narcissique, ce serait lui accorder une seconde dangerosité. Ce n’est pas une victime, ce n’est qu’un être dépourvu de la plus infime once d’humanité.
Comme le dit Jean-Charles Bouchoux ⁴³ , « Le pervers narcissique se situe à la frontière de la folie ; pour ne pas sombrer, il va pousser l’autre à la folie ». Dans ces conditions, a-t-on envie de le
plaindre ? NON !
Le pervers narcissique a pour seule vocation de remplir le gouffre sur lequel il s’est construit. À cette fin, il essaie de s’approprier les vertus qui lui font envie, en manipulant sa victime. Comme il ne parviendra jamais à ressembler à cette compagne qu’il paraît d’abord irer, puis qu’il jalouse, celle qui lui fait de l’ombre, il va mobiliser toute son énergie à la priver de sa dignité humaine avant de la détruire. Dès que ce sera fait, il devra trouver une autre proie, car il lui faut sans cesse recommencer. À chaque fois, il se croit capable de voler « les richesses » qu’il convoite. À chaque fois, il échoue. À chaque fois, il démolit. Rien ne s’imprime dans le livre de son histoire. Le PN n’apprend rien de ses erreurs.
En attendant, il va fourbir ses armes. Plus le pervers narcissique est en souf, plus il est pervers. Soufflant le chaud et le froid, il a réussi à déstabiliser sa compagne. Pour augmenter son ascendance, il fera mine de se détacher d’elle afin d’amplifier l’insécurité affective dont elle souffre déjà. Parce qu’il ne l’a jamais aimée en vérité, ce rôle ne sera pas bien difficile à endosser.
Maintenant qu’il la sait assujettie, il va accentuer la pression par des moyens machiavéliques. Elle est devenue un objet, SON objet, il lui nie toute existence. De plus en plus ombrageux, irascible, soupçonneux, susceptible, violent dans ses propos ou dans ses gestes, le pervers narcissique va se saisir de la moindre occasion pour mortifier et détruire celle qui, peu de temps auparavant, se croyait la « lumière de sa vie ».
De la même manière qu’il couvrait sa proie d’attentions et de compliments pendant la phase de séduction, le pervers narcissique va la bombarder de remarques désobligeantes, dévalorisantes et vexantes. L’une raconte : « C’était toujours après une joyeuse journée ée en famille ou avec des amis qu’il piquait des colères contre moi. J’avais ri, je m’étais amusée et, ça, il ne le ait pas. Il m’était impossible de relâcher mon attention, ma vigilance. La
crise attendait, tapie dans le plus infime détail, pour surgir au moment où ne je m’y attendais pas. » Une autre femme rapporte : « Pour une réflexion que ma sœur lui avait faite plus tôt dans la soirée, il s’est vengé en me débarquant de force de sa voiture, en pleine nuit sous une pluie battante, sans me laisser le temps de prendre mon sac à main. Mes enfants, terrorisés et impuissants, avaient assisté à la scène. Heureusement pour moi, j’avais conservé mon téléphone portable dans ma poche, et j’ai pu appeler pour qu’on vienne me secourir. »
La plupart du temps, tout se e en privé. Pour son cercle familial, amical, professionnel, le PN est toujours perçu comme le plus charmant des hommes. C’est pourquoi il lui est accordé tout crédit quand il médit de celle qui partage sa vie. Sans qu’elle n’en sache rien, cette dernière fera l’objet d’un dénigrement systématique de la part du vilain monsieur qui se plaint d’elle à qui veut l’entendre, et à qui veut bien y croire : « Elle n’est pas soigneuse ; elle est paresseuse ; elle se néglige ; elle est dépensière… » Cette diffamation perdurera, même après la séparation à l’initiative du PN. Il justifiera que celui-ci a bien été obligé de rompre. Et il sera aussi un des éléments dont le pervers narcissique se servira pour se présenter à sa nouvelle cible comme la pauvre victime de son ex !
Le PN a beaucoup d’humour, il fait rire son voisinage, hélas bien souvent aux dépens de sa compagne. Si elle lui dit qu’elle a été vexée par une de ses « plaisanteries », il ne manquera pas de lui répondre « Mais, je blaguais bien sûr. Tu n’as vraiment aucun humour ! Quel rabat-joie tu fais ! »
Le PN se moque de la souf d’autrui. Il s’en moque dans les deux acceptions du terme : il n’en a cure et il s’en gausse. Il se repaît des larmes que sa compagne peut verser. Après avoir exprimé son flot de reproches, il vérifiera, par un regard en dessous, qu’elle pleure ou a pleuré.
C’est facile de dévaloriser une femme qui n’a déjà plus beaucoup d’estime pour elle-même. Que ce soit pour son apparence physique, ses loisirs, sa famille, ses amis, ou que sais-je encore, elle sera critiquée.
Chacune de ses petites faiblesses sera amplifiée. Il la fera douter de ses capacités professionnelles, aussi brillantes et reconnues soient-elles par sa hiérarchie. Il la traitera de mauvaise mère, de mauvaise épouse, de mauvaise femme : bonne à rien, mauvaise en tout ! Le pervers narcissique se gardera bien, en revanche, de lui rappeler qu’en des temps pas très lointains, il la trouvait merveilleuse et la flattait : belle, élégante, intelligente, cultivée, sensuelle… Maintenant, il n’a de cesse de la rabaisser : elle est moche, mal attifée, crétine (« dont l’intellect est au niveau de la moquette, et même sous le plancher »), ignare, et n’éveille plus le moindre désir en lui…
Il traque la moindre imperfection de sa compagne. Il dispose de multiples moyens pour l’outrager – de préférence en présence de tiers acquis au PN – sans lui laisser la possibilité de rétorquer. Et, quand il n’y a pas de public à disposition, qu’à cela ne tienne : le PN ouvrira la fenêtre (même en hiver) pour que les voisins profitent. Ils n’entendront que sa voix à lui, aboyant sa liste de reproches comme autant de vérités. La pauvre femme le sait : personne ne vérifiera si les critiques sont fondées. Et, le lendemain, elle n’osera pas affronter le regard curieux de ses voisins.
Les mots qui jugent, les reproches sous-entendus ou exprimés, les sarcasmes, les diatribes, les menaces, les insultes et les injures, quand ils se répètent sans cesse et sans raison, laissent une empreinte marquée au fer rouge dans l’esprit de la victime. Celle-ci, rabaissée insidieusement, lentement, systématiquement, en vient à conclure qu’elle ne vaut rien. Le PN va pouvoir arborer un sourire de satisfaction. Il ne veut pas tuer (physiquement) sa compagne, mais lui faire endurer mille tourments pour la faire souffrir le plus possible. C’est un diable malfaisant, sans pitié ni barrières morales, qui a pour seul objectif la destruction psychologique et sociale de sa cible.
Comment ne pas sombrer dans la dépression après tout ça ? Le pervers narcissique a gagné : non seulement sa partenaire est anéantie par celui qu’elle croyait pouvoir sauver, mais elle en arrive à se persuader qu’elle mérite ce qu’il
lui inflige. Elle lui offre, en plus, une satisfaction supplémentaire : il va pouvoir se plaindre (encore !) d’être obligé de la prendre en charge. Hélas, mille fois hélas, cette dépression peut aussi conduire à toutes sortes d’addictions (boulimie, anorexie, alcool, médicaments, etc.), à l’internement ou au suicide…
Il n’y a rien à espérer des pervers narcissiques : ils ne changeront jamais, ils n’évolueront jamais, ils ne se bonifieront jamais. Et, si par malheur, on en vient à croiser leur chemin, le mieux qu’on puisse souhaiter c’est de s’en sortir sans trop de dégâts.
Quand on a réussi à le percer à jour, le pervers narcissique est fascinant à observer… de loin : tour à tour jongleur, funambule, contorsionniste, acrobate, clown blanc (sérieux) ou auguste (pitre), ventriloque, prestidigitateur, il multiplie les pirouettes sur la piste de son cirque personnel. Comme il peut s’avérer dangereux, même pour celle qui ne serait pas tombée entre ses griffes, il vaut mieux néanmoins s’en tenir à grande distance.
4.4
Les complices
Si je comprends que, dans sa relation amoureuse, le pervers narcissique se limite le plus souvent à une victime à la fois, je ne peux, cependant, manquer d’observer que ses complices sont, en revanche, beaucoup plus nombreux ; des complices pas toujours conscients, certes, de l’aide qu’ils lui apportent.
Néanmoins, prêter une oreille attentive, voire complaisante, aux récriminations d’un « ami » qui se plaint systématiquement de sa compagne, sans jamais chercher à connaître la version de celle-ci, n’est-ce pas se rendre complice ? Remarquer une tristesse constante sur le visage d’une femme, qu’on a connue gaie et joyeuse, et ne pas s’en inquiéter, n’est-ce pas se rendre complice ? Couper les ponts avec cette collègue sympathique et serviable, parce que son chef de service nous le demande, n’est-ce pas se rendre complice ? Détourner les yeux pour ne pas voir les hématomes sur le corps ou le visage de cette voisine, n’est-ce pas se rendre complice ? Rester sourd à ses appels à l’aide, n’est-ce pas se rendre complice ?
Si, dans le groupe précédent, nous avons affaire à des « complices ifs », il existe aussi les « complices actifs », ceux qui, délibérément, vont aider le pervers narcissique dans son travail de séduction, d’emprise et de destruction. Dans le milieu professionnel, ce seront les collègues qui épieront et rapporteront les moindres faits et gestes. Dans le cercle familial, le PN pourra compter sur un parent, un frère, une sœur…, pour exercer un contrôle à distance. Parmi ses « amis », le pervers narcissique s’appuiera sur ceux qui se sentent investis d’une mission, tels les kapos⁴⁴ des camps d’extermination.
Un témoignage, en particulier, m’a interpellée. Je remercie l’auteure, lumineuse trentenaire, pour l’éclairage qu’elle apporte quant à l’aide active des complices prêts à renier leurs propres principes moraux. Je reproduis ci-après les ages
les plus significatifs. « Nous n’avions rien en commun, surtout pas l’humanité. Mais, ça, comme toutes celles et tous ceux qui se sont retrouvés dans ma situation, je ne le savais pas. Cela peut paraître fou. Absolument illogique. Incompréhensible. Lorsqu’on n’a pas connu une telle situation, je ne suis pas certaine que l’on puisse comprendre. Cela a duré cinq mois. Je me dis que j’ai eu de la chance quand même : j’ai vite pu m’enfuir. J’allais écrire : vite compris. Sauf qu’il n’y a là rien d’intellectuel puisque, justement, le pervers narcissique prend le temps de vous retirer la possibilité de penser. Il y a cependant dans ce que j’ai vécu une circonstance aggravante : c’est l’aide des tiers. Le PN ne peut survivre seul. Il lui faut une proie, une victime, ou quel que soit le terme employé je n’en aime aucun. Mais ça ne suffit pas. Car ce qu’il aime, lui, ce dont il a besoin, c’est d’un public. Ce public, ce sont les autres. Tous les autres. Mais les proches, ce sont eux qui font le plus mal. Généralement sans intention de le faire. Mais pas toujours. Catherine et Bertrand étaient des amis de longue date. J’avais une confiance presque aveugle en eux, tout du moins au même titre qu’en mes propres parents. Une année durant, Catherine m’a spécifiquement parlé d’un homme. Elle le décrivait comme un type “vraiment différent”, “super”, ce sont ses mots. À partir du moment où j’ai rencontré cet homme, Catherine n’a eu de cesse de me pousser dans ses bras. Et lorsqu’elle a su que nous étions ensemble, elle n’arrêtait pas de m’appeler pour me dire que ça n’était pas bien ! Elle a eu des mots que je n’oublierai jamais et qui m’ont poursuivie. Elle semblait avoir toujours peur que je lui fasse du mal. Elle disait que j’étais une grande séductrice et lui, un pauvre homme blessé par la vie et les femmes, vulnérable. Au retour de chaque week-end é avec cet homme, Catherine m’appelait. Elle voulait tout savoir. Comme si elle vivait quelque chose avec lui à travers nous. Mais ça, je ne m’en suis pas rendu compte tout de suite. C’était une relation si tumultueuse, différente, étrange, que je vivais. J’avais besoin de me confier à quelqu’un. Et Catherine, elle, était toujours là.
Je n’étais plus “emprisée” seulement par le PN, aussi par elle. Au point que je me suis un peu détachée de ma famille. Ma mère, en effet, clairvoyante de la situation, m’enjoignait à quitter ce petit monde. Et elle qui avait tant accompagné, soutenu, cette chère Catherine depuis plus de trente ans d’amitié, me disait de m’en méfier. Je ne pouvais pas l’entendre j’étais totalement vampirisée. À partir de ce moment-là, je me suis retrouvée seule contre cette triade, sans pour autant parvenir à arrêter. Je garde de cette époque une sensation de brouillard coloré de tristesse et d’angoisse. »
Plus tard, après la découverte de certaines accusations portées contre l’homme qu’elle fréquentait, la jeune femme se décidera à mettre fin à cette relation toxique en s’enfuyant. « Je me suis réfugiée chez ma mère et elle m’a soutenue lorsqu’il s’est déchaîné contre moi. Comme je ne répondais plus à ses invectives, lancées par tous les moyens de communication possibles, le PN a joliment joué : il a bien sûr utilisé Catherine. Celle-ci n’a eu de cesse de m’appeler. J’ai fini par décrocher – je n’aurais pas dû. Elle m’a proposé un festival de culpabilisation, de dénigrement et de mépris, le soutenant en tout point. Elle a même diffamé mes parents. Ce dernier point a achevé de me convaincre qu’elle aussi avait été décervelée par le PN. Moi, je pouvais m’en sortir, si je tenais bon. J’ai tout de même tenté de lui faire entendre raison, de produire un électrochoc, en lui expliquant ce que le PN avait fait subir à sa propre fille. Mais, et c’est là que j’ai raccroché, elle l’a défendu. Elle, si prompte à soutenir le droit des enfants, ses colères quant à l’injustice des maltraitances, soutenait désormais un père maltraitant. Lui n’était qu’une peine de cœur, et aussi une peine d’ego. Eux, Catherine et Bertrand, c’est une peine de vie. Je les ai perdus à jamais. »
Un autre témoignage, celui d’une femme cible des agissements malintentionnés d’un chef de service imbu de lui-même, manipulateur et pervers. « Je l’avais surnommé “cancrelat” . Il s’était entouré de nombreux complices ifs et d’une complice très active en la personne d’une employée des
ressources humaines. Tous les moyens lui étaient bons pour m’empêcher de travailler correctement, pour me pousser à la faute, pour me nuire ou me discréditer auprès de ma hiérarchie. Pas de chance : il a lamentablement échoué, car j’ai pu déjouer ses manœuvres et, au bout du compte, c’est lui qui s’est fait licencier. Néanmoins, je conserve au fond de moi une certaine amertume quant à l’attitude de mes collègues qui, du jour au lendemain, semblaient me fuir comme si j’étais une pestiférée lorsque “cancrelat” était dans les parages, et qui redevenaient très cordiales quand il était absent. Après bien des interrogations, j’ai fini par obtenir le fin mot de l’histoire. En fait, “cancrelat” les avait menacées : s’il les surprenait en ma compagnie, y compris pour raisons professionnelles, plus de trois fois (il tenait une comptabilité très stricte), elles deviendraient alors ses ennemies et il le leur ferait payer. Quelle lâcheté de leur part ! Elles n’avaient pourtant rien à craindre, puisqu’elles ne dépendaient pas de son service. Quant à sa complice très active, surnommée “le kapo”, elle espionnait chacun de mes mouvements et, en bon chien docile et servile, les rapportait à ce pauvre type, sans omettre, bien sûr, de déformer les faits. M’avait-elle vue procéder à des tirages sur le photocopieur placé à côté de la machine à café, et alors que j’y étais seule, qu’elle déclarait que je ais mes journées à papoter et à boire du café ! »
Oui, c’est sûr, les complices actifs sont dangereux, mais les complices ifs – qui savent mais ne s’opposent pas – ne valent pas beaucoup mieux.
4.5
Sexualité
Ce sujet est assez délicat, puisqu’il touche à l’intime. Les confidences recueillies ont été assez rares, et je dois avouer que je n’ai pas cherché à les provoquer. Il n’est déjà pas facile de parler de sa vie sexuelle avec une amie, encore moins avec une inconnue, alors en discuter quand l’intermédiaire qui rapportera les faits est le propre frère de la victime, ce n’est même pas envisageable. C’est pourquoi je m’appuie davantage sur mes lectures que sur les trop peu nombreux témoignages.
Chez le pervers narcissique, on l’a vu, le besoin d’être iré est extrême. Les relations sexuelles contribueront à exprimer son narcissisme et sa perversité dont elles sont un des leviers. Pas étonnant, dans ces conditions, qu’une femme ait pu déclarer que son partenaire se photographiait pendant les rapports sexuels. Il disposait de toute une « galerie de selfies » pris avec ses différentes et anciennes partenaires. « Il me les montrait, très fier, comme s’il s’était agi d’un magazine porno personnel. Je suis convaincue qu’il a dû également me photographier à mon insu. »
Selon la plupart des sources, le pervers narcissique est présenté comme l’amant idéal, sexuellement performant. Cependant, certains témoignages font état de l’impuissance fréquente de ce PN qui, pour compenser son absence d’érection, emploie quelques artifices.
Quoi qu’il en soit, il apparaît clairement que la sexualité du PN est toujours atypique.
Pour le pervers narcissique, les relations sexuelles lui permettent de conforter
son emprise et, bien souvent, d’assouvir ses pulsions et ses fantasmes. Il adore souffler le chaud et le froid. Un jour, c’est « j’aime les femmes qui prennent des initiatives » ; le lendemain, c’est « je n’aime pas les femmes qui prennent des initiatives ». Ainsi, la compagne ne sait plus quelle attitude adopter.
Alternance de périodes de relations sexuelles régulières et de périodes d’abstinence, « je te donne du plaisir » et de « je ne te donne pas du plaisir » dans le seul but de maintenir la dépendance de celle qui ressent cette abstinence comme la nécessaire punition d’une faute qu’elle aurait commise, mais également comme une dévalorisation. En croyant qu’elle ne suscite plus de désir chez son amant, elle doute davantage encore de son pouvoir de séduction. Autre forme d’assujettissement.
Il veut à tout prix lui faire perdre la tête et lui imposer des risques inconsidérés (rapports sexuels non protégés, par exemple, au début de leur relation). Et quand la femme est sous la coupe d’un tel homme, par peur de le voir partir pour une partenaire plus docile, elle en arrive à accepter de le satisfaire par tout moyen qu’elle aurait refusé ou dont elle aurait rougi en d’autres circonstances. Les exemples sont multiples, divers et variés : partenaires multiples, exhibitionnisme, échangisme, voyeurisme, sadomasochisme, « sex tape »… Il n’y aurait rien d’inconvenant si tout se ait entre adultes consentants. Mais, peut-on parler de consentement éclairé quand l’un des partenaires subit le bon vouloir de l’autre ?
Il apparaît clairement que le pervers narcissique utilise ses pulsions sexuelles pour maintenir sa victime sous contrôle, pour l’inciter à accepter toujours plus, pour la conduire à se déprécier encore davantage. Pour le PN, l’autre n’existe pas, elle n’est qu’un objet destiné à satisfaire son propre narcissisme.
Il n’est donc pas surprenant que ce manipulateur cherche dans un premier temps à offrir à sa partenaire l’exultation et l’exaltation qui la transportent au septième ciel et, partant, le valorise, lui, tout à la fois. Hélas, la compagne déchantera bien
vite quand la violence s’invitera dans le lit, sans qu’elle l’y ait conviée. J’en veux pour exemple le témoignage rapporté par Pascal Couderc ⁴⁵ : une jeune femme y évoque « l’expression fixe, à la fois absente et cruelle » du regard de son partenaire. À ces mots, on comprend qu’aucune place n’est laissée aux sentiments dans une telle relation.
Pour réaliser la mise en scène dans laquelle il va pouvoir exister dans sa sexualité, le pervers a besoin du concours de sa « camarade de jeux », sans le moindre respect pour elle. Cette dernière va certainement se montrer réticente, alors – ainsi que l’écrit Geneviève Schmitt : « Le pervers va s’ingénier à lui faire croire que s’il lui propose d’aller “plus loin” dans la relation sexuelle, s’il l’incite à “sortir des sentiers battus”, c’est qu’elle est la partenaire idéale, celle qu’il attendait depuis toujours, la seule capable de le combler, celle en qui il a toute confiance. »⁴
Sous l’influence néfaste de son compagnon, cette femme devient inapte à poser ses limites : elle n’écoute plus sa conscience morale, elle n’entend plus que les argumentations fallacieuses du manipulateur qu’elle prend pour des éloges flatteurs ou pour des menaces. Et l’observation de Geneviève Schmitt nous en donne la confirmation : « Sous l’emprise du pervers narcissique, et pour conserver le lien puissant de dépendance qui la lie à lui, la victime va réellement devenir “complice active” et peut même devancer, stimuler et participer activement à ses caprices sexuels dans l’espoir de le garder. »⁴⁷
Quoi qu’il en soit, je pense qu’il n’est jamais trop tard pour dire STOP ! Accepter une fois, deux fois, trois fois… n’induit pas inéluctablement d’accepter toujours.
Ce n’est pas parce qu’elle a consenti plus ou moins de bon gré (et plus souvent
de mauvais gré, d’ailleurs) à se soumettre aux fantasmes ou à la violence de son partenaire qu’elle est condamnée à ne plus s’y opposer. Il est certain que le pervers narcissique trouvera les arguments pour l’obliger à continuer (« Tu n’as pas dit non jusqu’à présent »), quitte à exercer un chantage (« Je vais aller voir ailleurs », « Je vais publier les photos »). Il s’agit là encore d’un viol psychologique.
Humiliée, démunie, la compagne n’entrevoit aucune solution pour faire cesser les jeux pervers auxquels elle est contrainte de participer. Et c’est bien là que réside la force du PN : la honte de sa victime.
Il est donc très important, primordial, essentiel, indispensable, que cette dernière en parle : les psychothérapeutes, comme les associations spécialisées, lui apporteront toute l’écoute et l’assistance nécessaires pour qu’elle se sorte d’une situation qu’elle n’a pas choisie délibérément.
5
Toxique… ou pas ?
Le DSM-5 (Diagnostic and Statiscal Manual of Mental Disorders, 5e Édition)⁴⁸, publié par American Psychiatric Association en 2013, décrit les symptômes du trouble de la personnalité narcissique. Il ne fait aucun doute qu’on retrouve un grand nombre, si ce n’est la totalité, de ces caractéristiques dans le profil du pervers narcissique. Cependant, cette énumération mérite d’être complétée par des critères complémentaires spécifiques à l’individu atteint de « perversion morale », ainsi que présenté par Paul-Claude Racamier⁴ . À l’heure actuelle (mars 2021), la notion de « perversion narcissique » ne fait pas l’objet d’un diagnostic psychiatrique pour le DSM-5.
J’ai donc cherché un modèle qui permet d’identifier les particularités propres à ce prédateur. Sur le site « perversnarcissique.com »⁵ , j’ai relevé une liste de trente comportements habituels du manipulateur qui se rapprochent de la grille élaborée par Isabelle Nazare-Aga .⁵¹
Je la présente ci-après, sous forme de tableau. Les comportements sont inscrits en gras et les commentaires de l’auteur de cet article figurent en italiques. Il convient de répondre, le plus objectivement possible, en se référant uniquement à des exemples précis et récurrents propres à la personne à laquelle on pense. J’insiste sur la récurrence des agissements, car tout individu peut présenter ponctuellement certains des « symptômes » cités, quand il se trouve face à une situation particulière et exceptionnelle, sans pour autant être un pervers narcissique au quotidien.
Ce n’est évidemment pas le seul test qui existe à l’heure actuelle : on en trouve dans des magazines féminins, des revues consacrées à la santé ou à la
psychologie, des ouvrages spécialisés, ou sur des sites internet (tests gratuits auxquels on peut répondre directement en ligne). S’ils sont différents sur la forme et le nombre de critères, les questionnaires publiés sont identiques sur le fond et le but recherché : repérer les comportements courants des personnalités toxiques. Comme je n’ai pas pu répertorier tous les exemples disponibles sur le marché, j’ai fait un choix parmi ceux que j’ai étudiés, et retenu celui qui me paraissait le plus précis dans ses commentaires.
Dans le test présenté ci-après, j’observe que chacune des prémisses commentées s’adresse exclusivement à la cible d’un éventuel prédateur. À mon avis, elles ne permettent pas à une personne extérieure de déceler des manigances qui s’exercent le plus souvent en privé, derrière une porte close, hormis les comportements 8, 9, 15, 17, 19 et 26 qui peuvent – éventuellement – être perçus par l’entourage. Donc, si nous éprouvons le moindre doute quant au caractère malveillant du compagnon d’une femme qui nous est proche, il me semble que cette grille ne nous sera pas d’une grande utilité, sauf à convaincre la victime de tirer les conclusions qui s’imposent en lui suggérant de compléter le questionnaire.
Afin que chacun(e) puisse en apprécier la pertinence, je transcris ci-après les trente items et les commentaires de l’auteur qui indique : « chaque réponse positive vaut 1 point ; de 10 à 15 points, il s’agit d’un manipulateur ; au-delà de 15 points, c’est un pervers narcissique ».
Néanmoins, je le rappelle, seul un professionnel est habilité à poser un diagnostic médical. Il faut donc voir dans ce test un outil (mais pas une trousse de secours) destiné à repérer des comportements toxiques, et non pas une sentence psychiatrique sur celui qui les manifeste.
5.1
Test
N° COMPORTEMENT 1 2 3 4 5 6
Culpabilise sa victime en inversant les rôles Susciter un sentiment de culpabilité chez sa Ne communique pas clairement, nie les évidences Impossible de connaître avec exactitu À chaque personne ou situation un comportement différent Une personne normale use d Il est armé de raisons logiques Là où une demande aurait reçu le plus mauvais accueil a Vous devez être parfait(e) La perfection n’est pas une option ! Il vous fait croire que vou Critique et dévalorise Sa critique est discrète mais intense, il dévalorise sous couvert de
7
Fait er ses messages par les autres Place autrui en position de transmettre ses messa
8
Divise pour mieux régner D’une touche délicate, avec discrétion, il sème la zizanie tout
9
Il se positionne en victime Auto-élu victime, le pervers narcissique se place dans cette p
10
Ignore les demandes Oui, il répondra toujours positivement aux demandes qui lui sont f
11 Utilise les principes moraux des autres Pour assouvir ses besoins, il utilise les principes 12 Menaces cachées ou chantage ouvert Il peut tout aussi bien des menaces de manière
13 Change de sujet ou s’échappe Au cours d’une conversation, il change totalement de suje
14 Mise sur l’ignorance des autres L’ignorance des autres est une source favorable dans laq
15 Il ment Il ment souvent pour tout et rien, même pour des broutilles, s’inventera une vie e
16 Dit le faux pour connaître le vrai Il prêche le faux pour savoir le vrai et cela s’applique à 17 Il est égocentrique Il rapporte tout à lui-même d’une façon très naturelle, sa nature égoce
18 Il peut être jaloux Le pervers narcissique peut être jaloux. Attention, toutefois, car ce n’e
19 Obsédé par l’image sociale Il ne e pas d’être critiqué, car il ne veut et ne peut pas
20 S’énerve rarement Le manipulateur s’énerve rarement, car la prise comme la conservatio
21 Ne tient pas compte des autres Vos droits, vos besoins comme vos désirs ne tiennent auc
22 Paroles opposées à ses attitudes Quand le discours est blanc, ses actions sont noires ! Le
23 On parle de lui Il fait constamment l’objet des conversations, même lorsqu’il n’est pas p
24 Devient soudainement attentionné Flatterie, sortie, petit cadeau, cette personne fait tout
25 Provoque un sentiment de non-liberté Provoque un sentiment de dépendance affective. V
26 Atteint ses objectifs aux dépens des autres Il est d’une efficacité remarquable pour attein
27 Fait perdre vos repères Avec lui, votre esprit devient confus, il retourne votre cerveau. L
28 Vampirise votre énergie Lors de phases de dénigrement, de rabaissement, il vous vide de
29 Froideur émotionnelle Sous l’apparence d’une personne aimante, il est pourtant dénué d
30 Il vous fait du mal Avec lui vous souffrez, vous êtes psychologiquement mal et ne savez TOTAL
Ce test est également présenté sur le site « sain-et-naturel.ouest-.fr ».
Encore une fois, je le répète, cette grille n’est qu’un outil destiné à souligner des comportements toxiques, il ne peut en aucun cas remplacer un diagnostic médical.
6
Sortir d’une liaison dangereuse
En isolant sa compagne, en l’éloignant de toutes celles et de tous ceux qui pourraient l’aider à y voir plus clair, en la coupant de tout moyen de réflexion et d’interrogation, le pervers narcissique l’emprisonne assurément et l’empêche de prendre le recul nécessaire pour analyser objectivement sa situation. Il neutralise ainsi toute tentative de rébellion.
Cependant, un jour, la victime accepte enfin d’ettre que celui qu’elle a aimé (et qu’elle aime peut-être encore) est néfaste pour elle. Elle reconnaît que les joies ont été éphémères, tandis que le chagrin, la peur, la tristesse s’éternisent. Elle comprend qu’il est temps de faire cesser le mal-être, qu’il est temps de se dégager de cette perverse tutelle qui la rend malheureuse, qu’il est temps de se « désintoxiquer ». Néanmoins, elle hésite encore : elle redoute les éventuelles conséquences. Bien trop souvent, la peur d’avoir peur l’emporte sur la raison qui effraie. Et puis, si elle se trompait ? Et s’il y avait encore de l’espoir ? Il lui est tellement difficile d’accepter l’idée que son compagnon ne changera jamais, même pour elle, surtout pas pour elle, que la transition du « je suis tout pour lui » au « je ne suis rien pour lui » ne se fait pas sans mal.
Cette prise de conscience salutaire peut survenir après l’injure, le discrédit, l’humiliation de trop, ou après mûre réflexion, ou quand une quelconque coupure temporaire de la vie commune (voyage professionnel, par exemple) apparaît comme un réel soulagement, ou encore par la remarque pertinente d’un tiers, ou par suite d’un événement inattendu… La chanteuse Michèle Torr déclare avoir subi des violences psychologiques quotidiennes durant vingt-quatre ans. C’est en regardant un programme TV consacré aux femmes sous emprise d’un pervers narcissique qu’elle s’est reconnue et a décidé de se séparer de son compagnon.⁵²
Par elle-même, et/ou avec l’appui d’un psychothérapeute, de sa famille, de ses amis, la victime va devoir chercher le moyen de couper court à cette relation dans laquelle elle dépérit. Le travail est d’autant plus malaisé à effectuer que la femme est soumise depuis longtemps à la domination de son cont. Pour elle, le nécessaire éloignement est parfois ressenti comme un saut dans le vide. Pourtant, si elle s’appuie sur tout ce qui constituait sa propre valeur – avant de rencontrer le PN –, elle aura plus de chances de se dégager de cette dépendance toxique.
En découvrant certains témoignages, je constate – sans porter le moindre jugement – que la prise de conscience, qui aboutira à la décision de rompre, est intervenue après un temps qui me paraît immensément long : 5 ans, 10 ans, 20 ans, 30 ans… Tous les chapitres précédents expliquent le processus de l’emprise et de la dépendance. Le délai pour les repérer et s’en défaire est, bien évidemment, différent d’une femme à l’autre, en fonction de sa personnalité, de ses failles, de son environnement familial, amical, professionnel, et – surtout – de la force du pouvoir du pervers narcissique. Quelle solution s’offre à sa compagne qui comprend enfin qu’elle était plus souvent malheureuse qu’heureuse ?
Quelles que soient la source consultée et la qualité de l’intervenant (thérapeute ou victime), le verbe qui revient le plus souvent est : FUIR ! Fuir un danger, fuir à toutes jambes, fuir sans demander son reste, fuir comme la peste…
Fuir, parce que : Le pervers narcissique ne vit que pour vampiriser, étouffer la force vitale de sa victime, la détruire psychologiquement, voire physiquement. Il est inutile d’essayer de comprendre le pervers narcissique : c’est une perte de temps et d’énergie. Si c’est difficile de s’éloigner de celui qu’on aime, c’est encore plus difficile de vivre avec quelqu’un qui n’aura jamais aucun amour à donner.
Le pervers narcissique continuera d’exercer son emprise encore et encore, tant que sa victime aura des sentiments pour lui. Le pervers narcissique ne guérira pas, et c’est une grave erreur de croire le contraire. Il ne peut pas davantage se bonifier. À tout moment, le pervers narcissique peut devenir encore plus pervers, encore plus violent. Il est donc indispensable de se préserver de lui. « Fuis pour un temps l’homme en colère, et pour toujours l’homme violent. »⁵³ Ce n’est pas une vie que de vivre dans la peur, dans les larmes, et de tenir à coup d’anxiolytiques, d’antidépresseurs… Il est temps que la honte et la crainte changent de camp.
Fuir, oui, d’accord, mais est-ce toujours possible ? Et, si ça l’est, est-ce facile ? Les associations d’aide aux victimes ont des solutions à proposer, selon le profil et la condition de chacune. Il n’existe pas de réponse uniforme, car tout dépend de la situation matrimoniale, de la présence ou non d’enfant(s), des biens (immobiliers et mobiliers) en commun, etc. Un psychothérapeute peut également prodiguer quelques très sages conseils et suggestions, encore faut-il que la victime se soit décidée à consulter.
08 842 846 37 numéro vert destiné aux victimes
6.1
L’importance de l’entourage
Ainsi que je l’ai évoqué au sous-chapitre 4.4, les complices, involontaires ou complaisants, du pervers narcissique sont nombreux. Par leur indifférence, ou – pis encore – par leur implication, ils apportent au PN une aide qui lui permet d’étendre davantage son pouvoir.
Je suis parfaitement consciente que la victime, même si elle lisait ces lignes, ne se reconnaîtrait pas immédiatement. L’emprise à laquelle elle est soumise lui retire toute objectivité et l’empêche de prendre la distance nécessaire à une analyse froide et impartiale de sa situation. Ce n’est pas le cas pour l’entourage.
Quand une femme entame une relation amoureuse, elle est bien souvent joyeuse et souriante. Si elle nous est proche, les signes extérieurs de son bonheur naissant nous apparaissent clairement.
Tous les couples connaissent des hauts et des bas au cours de leur union. Les petites frictions engendrées par le quotidien ne sont pas rédhibitoires et se règlent par le dialogue. Mais quand le silence, le mépris, les insultes, les injures, les réflexions désagréables se succèdent, il ne s’agit plus là d’un « accident de parcours », mais d’un travail de sape destiné à affaiblir la victime.
Sans voir le mal partout, pour autant, et sans nous immiscer de façon inconsidérée, nous pouvons signifier à cette amie, sœur, mère, cousine, nièce, fille…, qu’elle peut se confier à nous si le moindre doute nous effleure quant à la personnalité de son cont.
Il est parfaitement inutile de lui dire que nous n’apprécions pas son compagnon. Tant qu’elle est dans la phase « lune de miel », aucune mise en garde ne l’atteindra, bien au contraire. Elle y verrait peut-être une forme de jalousie, et n’hésiterait pas à se ranger à l’avis de son prédateur qui, par ses manigances, tromperies et manipulations, cherchera à lui faire rompre les liens qui nous unissent à elle, plus volontiers encore s’il comprend qu’il risque d’être percé à jour.
En revanche, rien ne nous empêche de rester attentifs et de repérer les premiers signes qui se manifesteraient dans sa relation. Elle ne respire plus la joie de vivre ? Elle a maigri ? Elle a grossi ? Elle devient distante ? agressive ? craintive ? Nous pouvons le lui signifier délicatement. Par exemple : « Je te trouve moins souriante ces derniers temps. Es-tu préoccupée en ce moment ? Si c’est le cas, tu sais que tu peux m’en parler. »
Gardons à l’esprit que cette femme, déboussolée et malheureuse, tentera le plus longtemps possible de faire bonne figure et d’éluder toute interrogation de notre part. Même si la victime craint son bourreau, elle continue néanmoins de l’aimer et ne veut surtout pas le perdre, persuadée sans doute qu’il redeviendra celui qui a su conquérir son cœur. Il n’y a bien souvent pas d’autre justification au fait qu’elle n’appelle pas au secours.
Reste à savoir pour quelle(s) raison(s) elle est tombée amoureuse à l’origine : besoin de protection ? de valorisation ? d’attention ? Connaître la cause permet d’envisager la mise en place d’un « contrefeu » (création d’un vide que le feu ne pourra franchir). En lui rafraîchissant la mémoire sur ce qu’elle croyait avoir trouvé et qu’elle est loin d’avoir obtenu, en lui rappelant ses points forts et ses qualités humaines, en faisant appel à sa réflexion et à ses capacités intellectuelles (que son ignoble cont a mises en doute), son entourage participera à restaurer son image et à lui redonner la confiance en elle qu’elle a perdue. En lui conseillant de faire l’un des tests dont je parle au chapitre 5, ce même entourage l’aidera à ouvrir les yeux et à lui faire prendre conscience qu’elle est en danger. Parallèlement, rien n’interdit d’envoyer un petit mot pour prendre de ses
nouvelles : « Quand tu voudras discuter… », « Quand tu voudras te confier… »
Il sera peut-être nécessaire de revenir à la charge régulièrement, en prenant mille précautions pour ne pas la braquer. Même si elle ne répond pas, elle saura qu’elle n’est pas abandonnée et qu’elle pourra se tourner vers nous en cas de besoin. Notre insistance est indispensable si nous avons le moindre doute. Nous sommes le phare qui restera allumé constamment, la lumière vers laquelle elle pourra se diriger en cas de nécessité. Notre investissement sera bien évidemment proportionnel à l’amour que nous lui portons.
Si elle pense qu’elle peut régler le problème toute seule, il sera alors utile de lui parler des relations toxiques, de lui citer quelques cas qui ont défrayé la chronique, et de lui recommander la lecture de certains ouvrages, afin qu’elle prenne la mesure de la tâche qui l’attend. On pourra aussi lui glisser les coordonnées de thérapeutes rompus à ce genre d’exercice. Quand bien même elle n’en tirerait pas profit dans l’immédiat, l’idée fera néanmoins son chemin.
Bien évidemment, en cas d’appel à l’aide, on s’abstiendra des petites phrases assassines du genre « Je t’avais prévenue » ou « Il était temps ! ». Non, ce n’est pas ce qu’elle a envie d’entendre, et ce n’est pas ce qui va l’aider à s’extirper de la boue dans laquelle elle patauge. Il faut l’écouter sans la juger, sans la condamner, sans la dévaloriser. Pour ça, elle a déjà donné ! C’est une victime, pas une coupable. Il est primordial qu’elle cesse de croire à sa propre culpabilité. Certes, elle peut se sentir coupable (surtout que le PN est très doué pour lui attribuer tous les torts), mais se sentir coupable, ce n’est pas être coupable.
À nous de lui faire comprendre qu’elle peut survivre à ses erreurs et que la honte, comme un goudron collé à ses semelles, disparaîtra un beau matin. À nous de la rassurer et de lui offrir la sécurité qui sera d’autant plus indispensable que le responsable de tous ses malheurs pourrait être un homme violent. Plus l’entourage sera présent et solidaire, plus il fera front contre le PN, plus vite ce dernier abandonnera la partie malgré ses ultimes tentatives de faire plier la
récalcitrante.
Et il n’est jamais vain de faire er un message au prédateur, en lui rappelant qu’il existe une loi contre le harcèlement moral, une loi qui prévoit amende et emprisonnement⁵⁴. Ça le fera peut-être réfléchir…
Si vous êtes témoin d’agissements agressifs, ou si vous êtes proche d’une personne que vous pensez être en danger, appelez le 116 006, ou envoyez un courriel à «
[email protected] ». Un professionnel vous conseillera dans le respect de l’anonymat.
Nul n’est à l’abri des prédateurs. Un jour, c’est peut-être nous qui aurons besoin d’une oreille compréhensive…
6.2
La rupture
La victime et le pervers narcissique vont se séparer… Que l’initiative en revienne à l’une ou à l’autre des parties, elle ne sera pas sans conséquences.
Rupture à l’initiative de la victime
Le pervers narcissique n’est pas homme à accepter qu’on lui résiste. Il sait comment manipuler, comment mentir, comment tricher. Et il déploiera des trésors d’ingéniosité pour faire plier sa compagne, pour la faire revenir sur sa décision, si elle comprend qu’il est préférable pour elle de rompre. Le PN, incapable du moindre sentiment amoureux, n’est pas affligé parce qu’elle part, il est dévasté parce que le monde qu’il s’est construit est en train de s’écrouler. Alors, il la pistera sur les réseaux sociaux, la canardera de messages haineux, voire menaçants. Dans ce cas, la victime aura intérêt à déposer une main courante au commissariat de police ou à la gendarmerie. En général, le PN n’apprécie pas beaucoup de se retrouver dans le collimateur de la justice. En portant plainte contre lui, sa proie parviendra plus facilement à l’éloigner.
L’infâme prédateur est tout à fait capable d’attendre son ex-compagne au bas de son immeuble ou à la sortie de son travail. Comme il n’est pas à une bassesse près, il peut aussi tenter de la discréditer auprès de son employeur. Il saura également utiliser toutes les personnes qu’il aura ralliées à sa cause pour lui nuire. Si cela ne fonctionne pas, et afin de poursuivre son travail de sape, il est prêt à sympathiser avec le nouveau cont de celle qu’il a perdue dans le seul but de la dénigrer auprès de ce dernier !
Il est donc important pour l’entourage familial et/ou amical de la victime de faire
front avec elle, afin de la protéger. Le pervers narcissique abandonnera plus volontiers la partie s’il se sent contré par la famille et/ou les amis de sa compagne.
En lisant les témoignages de celles qui ont – enfin – décidé de quitter celui qui n’est plus depuis longtemps leur « Chevalier blanc », je comprends que chaque situation est particulière : procédure de divorce, garde des enfants, partage des biens… sont autant de paramètres qui entrent en jeu.
Mais, qu’elle parte en catimini ou après avoir affronté son compagnon, la victime sera bien avisée, auparavant, de prendre conseil auprès d’un avocat afin de n’être pas accusée d’abandon du domicile conjugal, ou pour protéger ses intérêts, et plus particulièrement si des s ultérieurs sont à prévoir (garde des enfants), par exemple. Elle ne devra jamais perdre de vue que le pervers narcissique, chicaneur, ergoteur, argumenteur, est un procédurier dans l’âme, et qu’il n’hésitera pas, au moment d’acter un accord, à revenir sur les termes qu’il a tacitement acceptés auparavant. L’assistance d’un thérapeute et d’une association dédiée à ce type de situation ne sera pas superflue.
Elle part sans explications. C’est le cas quand la victime est en danger. Elle profite d’un moment où son cont est absent pour prendre ses affaires et s’en aller. Il y a toute une organisation préalable à mettre en place, et la présence d’un huissier de justice peut s’avérer bien utile : il constatera que tout est en ordre, qu’elle n’a rien volé, rien cassé, avant de quitter les lieux. C’est à lui qu’elle remettra son jeu de clés.
Elle affronte son cont. Au vu de tout ce que j’ai pu lire ou entendre, je pense que : « Je m’en vais, parce que je vois bien que tu n’es pas heureux avec moi » me semble préférable à « Je te quitte, parce que je suis malheureuse avec toi », ce qui serait perçu par le pervers narcissique comme une attaque personnelle.
Je ne sais pas s’il existe une « bonne » façon d’aborder un PN. En revanche, en me référant aux différentes sources consultées, je vois se profiler la liste des erreurs à ne pas commettre.
Il semblerait que la première erreur à éviter est d’annoncer au pervers narcissique qu’il a été percé à jour. Non seulement il réfutera toutes les argumentations confirmant cette déclaration qu’il associerait à un crime de lèsemajesté, mais vouloir le pousser à reconnaître sa pathologie ne pourrait que le rendre fou furieux, donc dangereux. Comme il écarte tout ce qui le mettrait face à son vide, et donc créerait un conflit intérieur, le pervers narcissique n’acceptera jamais d’entendre cela. Avertir un PN qu’il est démasqué revient à porter sur soi une charge explosive qu’on ne peut pas désamorcer. Ça risque de sauter à tout moment. Il est tout à fait inutile de fournir une arme de plus à ce Voldemort (« celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom »)⁵⁵ qui n’attend déjà pas grandchose pour chercher à se venger.
La deuxième erreur consisterait à croire que la victime obtiendra des excuses de la part du pervers narcissique. Quand bien même il en ferait, ce ne seraient que des mensonges destinés à reprendre l’autorité qu’il voit s’effriter. Il serait tout à fait capable de réendosser le costume du prince charmant de la phase « séduction et lune de miel » en un temps record, dans le seul but de reprendre le pouvoir. Tomber dans ce piège serait lui donner le droit de mépriser encore davantage sa compagne.
La troisième erreur serait d’attacher de l’importance aux mots qu’il va prononcer. Questions, menaces, chantage, critiques, culpabilisation…, le pervers narcissique n’est pas à une bassesse près. La victime doit fermer ses oreilles, laisser glisser, ne pas répondre et ne pas réagir, quelles que soient les horreurs et les insultes qu’elle va entendre (« Mais, sans moi, tu n’es rien » ; « Qui voudrait d’une mocheté comme toi, d’une imbécile comme toi ? » ; « Où vas-tu ? » ; « Avec qui pars-tu ? »). Cela requiert une grande maîtrise de soi. Respirer profondément et garder le silence me semblent être la meilleure attitude.
L’imibilité de sa victime ne peut que déstabiliser le pervers narcissique. Éventuellement, des petites phrases répétées régulièrement (méthode du disque rayé) comme : « J’ai bien réfléchi, je ne t’aime plus », « J’ai décidé de te quitter et ma décision est irrévocable », ou encore « Personne n’est parfait » ou « Si tu le dis, c’est ton avis ; tu as le droit de le croire »⁵ permettront de ne pas hurler de colère devant la mauvaise foi du pervers narcissique qui, faux arguments, contrevérités et mensonges à l’appui, s’acharnera à la rendre responsable et coupable de la situation. Projeter ses défauts sur l’autre constitue l’un des principaux éléments du fonds de commerce du PN. Il ne survit que grâce à ça.
La quatrième erreur serait d’imaginer que la haine du pervers narcissique envers celle qui le quitte s’arrêtera dès qu’il aura trouvé une autre victime. Plus rancunier que lui, tu meurs ! Non, il ne pardonnera JAMAIS, et le temps n’y pourra rien changer, au contraire, puisqu’il lui permettra d’emmagasiner de plus en plus de colère. Le pervers narcissique est très mauvais perdant…
FUIR… et ne JAMAIS revenir !
Rupture à l’initiative du pervers narcissique
Un pervers narcissique ne peut vivre sans une victime. Donc, on peut supposer que, même s’il prétend le contraire, le PN a déjà trouvé une remplaçante à celle qu’il a l’intention de quitter.
« Une demande de divorce (ou de séparation) sur l’initiative du manipulateur lui-même est très mauvais signe pour la victime : cela signifie qu’il en a tiré tout ce qu’il était possible d’en extraire, et la pauvre n’a probablement plus grandchose à “céder”. »⁵⁷
Il me semble pourtant que l’analyse de Pascal Couderc, présentée ci-dessus, s’adresse plutôt à la femme sous emprise, celle qui souffre, celle qui va mal, celle qui ne lutte plus, mais ne s’applique pas à la femme qui a su résister et qui a tenu tête (pas forcément de façon consciente, d’ailleurs), sans jamais se laisser abattre, qu’elle ait su ou non donner un nom au comportement de son compagnon. Dans ce cas précis, et ainsi que je l’ai évoqué précédemment, je pense que la rupture à l’initiative du pervers narcissique est la seule solution qui s’offre à lui parce qu’il a compris qu’il ne pourra ni soumettre ni démolir sa partenaire.
Il part sans explications. De l’anglais « ghost » » (fantôme), le « ghosting »⁵⁸ est une façon de mettre fin à une relation, sans avertissement. C’est une manœuvre violente et perverse utilisée par le PN pour plonger sa partenaire dans un questionnement sans fin : « Que lui est-il arrivé ? Qu’ai-je fait, qu’ai-je dit pour qu’il disparaisse ainsi ? » Elle imaginera tout un tas de scénarios plus inables les uns que les autres (infidélité, accident, hospitalisation, décès). Elle era par tous les stades de l’angoisse. Déni ou incrédulité, elle laissera s’écouler un long moment avant d’ettre qu’il s’agit d’une rupture non assumée par son auteur. Déstabilisée par cette brutale disparition sans préavis, la victime utilisera certainement les mêmes procédés qu’un PN désavoué : elle va exercer de véritables investigations proches du harcèlement, car elle aura beau tenter de renouer le , par l’envoi de messages, de courriers, d’appels téléphoniques, etc., tantôt suppliants, tantôt agressifs, elle se heurtera à un mur de pierre (stonewalling), ou refus de communiquer, de la part de celui qui l’ignore. En attendant, face à ce silence inable, la personne abandonnée en ressentira la douloureuse impression de n’être rien, de ne plus exister. Il est fort probable qu’elle vive cet événement comme un deuil, et il n’est pas rare qu’une dépression s’ensuive. Par son refus de répondre aux inévitables interrogations de sa compagne, le pervers narcissique la fragilise un peu plus et s’exonère de toute justification.
Il affronte sa compagne. Quoi de plus jouissif pour un pervers narcissique manipulateur que de transférer la faute sur sa partenaire ? Il se défaussera sur elle de la responsabilité de la rupture (« C’est bien ce que tu voulais, hein ? »), ou endossera le costume de martyr qu’il aime tant (« Je ne peux pas vivre avec quelqu’un comme toi. ») Au besoin, il ajoutera une petite remarque destinée à culpabiliser sa compagne (« Tu ne m’as jamais aimé ») avant de s’en aller ou de l’éjecter. Bien entendu, auparavant, il aura pris soin de repérer sa cible suivante… Fidèle à lui-même dans le mensonge et la mauvaise foi, il va construire un édifice de reproches et de critiques qui légitimeront sa décision. Car si, elle, est prise au dépourvu, lui, en revanche, a tout préparé, tout prémédité, pour la faire dégager non sans avoir encore déversé son fiel, ses frustrations, ses bassesses sur la tête de sa compagne. Il la rendra responsable de la rupture, la culpabilisera, projettera ses propres défauts, et ne lui donnera aucune réponse quand elle cherchera à savoir pourquoi il part, ou pourquoi elle doit dégager les lieux : « licenciement sans indemnités ». Elle perdrait son temps à tenter d’argumenter contre les critiques : tout ce qu’elle pourrait faire ou dire serait automatiquement retourné contre elle. Il vaut mieux qu’elle reste calme et détachée des mots. Si c’est lui qui lève le ton en premier, il l’acca d’avoir commencé ; si elle tente de se défendre contre des accusations mensongères, il lui tournera le dos pour ne pas l’écouter… Malgré tout, si elle insiste, le pervers narcissique lui resservira l’une de ses répliques préférées : « C’est trop tard » ou « Je ne suis pas réceptif ». Dernier effort à fournir pour elle : ne pas verser de larmes devant lui (il serait si heureux de s’en repaître), quand bien même elle aurait du mal à les retenir.
Dans ces deux scénarios, la surprise est totale pour la compagne qui n’a rien vu venir. Elle a peut-être pressenti quelque chose, mais elle n’a pas identifié les signes ou ne s’y est pas attardée. Elle est donc amenée à batailler contre une situation à laquelle elle n’a pas pu se préparer. Elle ne sait pas, en fait, que c’est sa résistance à toute épreuve puisée dans sa forte personnalité ou auprès d’un entourage, indestructible et fidèle, qui a poussé le pervers narcissique à l’exclure de sa vie, afin de chercher une proie plus docile.
Après tout, ne faut-il pas voir la rupture à l’initiative du PN comme un « cadeau » ? Certes, la compagne délaissée va devoir faire face dans un premier temps à des interrogations sans fin, à des remises en question, à des périodes de déprime… mais elle pourra apprécier – avec le recul – d’avoir été préservée de ce pervers narcissique qui, tôt ou tard, l’aurait anéantie. Il vaudrait mieux, d’ailleurs, qu’elle évite de succomber au plaisir de dire à son compagnon qu’elle l’a démasqué, pour les mêmes raisons qu’indiquées plus haut (première erreur à ne pas commettre).
Plutôt que de se laisser aller à une colère qu’elle juge légitime, mais qui ne lui apportera aucun soulagement, il est préférable qu’elle s’en tienne à un seul et unique message : « Je te remercie de m’avoir débarrassée de toi, tu ne me méritais pas ».
Enfin, elle gardera à l’esprit que, même si la rupture a été décidée par son compagnon, il ne cessera pas pour autant de continuer de lui nuire, et de tout mettre en œuvre pour tenter de la faire souffrir encore et encore. Avec un PN, ce n’est jamais fini.
6.3
Après la séparation
Ainsi que je l’ai écrit au chapitre précédent, la rupture ne sera pas sans répercussions, surtout si un lien (des enfants, ou l’activité professionnelle, par exemple) est maintenu. Certaines conséquences seront identiques, avec persistance ou non d’un lien, que l’initiative en revienne au pervers narcissique ou à sa compagne ; d’autres seront différentes selon que, justement, l’initiative en revient à l’un ou à l’autre.
Il faut du temps pour comprendre que le pervers narcissique est un… pervers narcissique ! Il faut du temps pour se rendre compte qu’il ne changera jamais. Il faut du temps pour accepter le fait qu’il n’y a jamais eu de véritable amour, que celui qu’on a aimé est dangereux pour soi. Et il faudra encore du temps pour se remettre du mal qui ronge… « La plaie se refermera, même si la cicatrice doit parfois lanciner encore. »⁵
Chacune agira et réagira selon sa propre sensibilité, selon l’appui dont elle pourra bénéficier, selon les dégâts psychologiques et/ou physiques qui ont été causés, selon l’empreinte que le pervers narcissique a laissée.
Un petit « truc » à faire très rapidement après la rupture : Quand les échanges ne peuvent être rompus (enfants, activité professionnelle…), il faut s’empresser de modifier le nom du pervers narcissique dans son répertoire téléphonique et le remplacer par un mot qui inspire le dégoût (cafard, cloporte, mygale, etc.). Ainsi, quand le nom s’affiche, c’est comme un rappel à l’être immonde qu’il est. Ça permet de se souvenir à qui on a affaire quand on doit décrocher. Quand aucun lien ne subsiste, le mieux est d’inscrire le numéro dans la liste des
indésirables (blacklist), et résister à la curiosité qui nous pousserait à écouter les éventuels messages laissés sur le répondeur, sauf si cela contribue à constituer la preuve du harcèlement.
Pour la victime, il y a un vrai travail de réadaptation à entreprendre : redevenir l’actrice et non plus la spectatrice de sa vie. Il s’agit avant tout de remettre les pieds dans la réalité et de braver tous les obstacles qu’elle va se fabriquer, pour pouvoir les démonter un à un : La peur de la solitude, par exemple, pour celle qui avait cru trouver une sécurité affective dans sa relation. S’inscrire dans un club (sport, lecture…), un atelier (écriture, arts manuels, bricolage…), une association (qui manque toujours cruellement de bénévoles), permet de nouer des s, en veillant à ne pas reproduire les mêmes erreurs (voir le chapitre « Les aimants »), en privilégiant les relations saines. Le manque de l’autre (bien qu’il soit difficile de penser qu’un pervers narcissique puisse manquer à qui que ce soit !), vécu comme un deuil amoureux, sera également à combattre.
Toutes les étapes de la reconstruction seront laborieuses et nécessiteront beaucoup d’efforts. Mais, indiscutablement, le jeu en vaut la chandelle, puisque la victime en recouvrant la liberté psychologique dont elle a été si longtemps privée, va se réapproprier son identité, sa personnalité, tout ce que le pervers narcissique a cherché à détruire. En écoutant ses désirs, en s’occupant de ses plaisirs, en cherchant à se plaire à elle et non plus à plaire aux autres, elle retrouvera le goût d’elle-même, elle redeviendra amie avec elle-même. « J’accepte la plus grande aventure d’être moi. » Pour résumer, elle doit s’affirmer en étant claire sur ce qu’elle veut pour elle et sur ce qu’elle ne veut plus.
C’est le moment aussi de renouer avec toutes celles et ceux dont elle s’était éloignée à cause de son pervers narcissique de compagnon, mais uniquement les personnes dénuées de malveillance, celles qui comprendront sans juger, celles
qui la soutiendront dans sa nouvelle vie. Si nécessaire, elle entreprendra une psychothérapie pour recouvrer l’assurance qu’elle a pu perdre, et surtout pour se libérer de l’emprise.
Parce que l’une des séquelles les plus fréquemment citées par celles qui ont rompu (que ce soit de leur fait ou de celui de leur compagnon), c’est l’imprégnation, l’influence intellectuelle. En effet, les victimes persistent à penser à travers le pervers narcissique : « Qu’aurait-il dit ? Qu’aurait-il fait ? » devant telle ou telle situation. Elles vont donc devoir réapprendre à réfléchir par elles-mêmes. Elles ont été si souvent manipulées, dirigées, décérébrées, qu’elles peuvent ressentir une impression de vide.
Il va leur falloir faire face à la honte de s’être fait berner, honte d’avoir placé leur confiance dans la mauvaise personne, honte d’avoir accepté l’inacceptable, et surtout honte d’avoir mis du temps à s’en rendre compte. Mais, elles devront comprendre que cette infamie n’est pas la leur, qu’elles n’ont pas à se justifier, qu’elles ne sont pas coupables. Ce dernier point est important, et je ne cesserai pas de le répéter : ce qui sauve assurément une victime, c’est de ne jamais croire à sa propre culpabilité.
Elles vont se reconstruire peu à peu, en apprenant à fixer les limites, en travaillant sur l’estime d’elles-mêmes, sur tout ce qui fait d’elles de belles personnes. Il sera nécessaire qu’elles se rappellent que leurs opinions sont aussi valables que celles exprimées par les autres, et que si elles ont été victimes d’une mauvaise rencontre, elles ne le seront plus jamais.
La soif de vengeance peut leur traverser l’esprit. Tout le monde s’accorde à le dire, la meilleure riposte face à un pervers narcissique, c’est l’indifférence, le détachement émotionnel. Ce ne sera pas facile à mettre en place, mais en attendant, il est toujours possible de faire semblant : en ne lisant ni ses messages ni ses lettres, en ne décrochant pas le téléphone… malgré l’envie qui démange.
Il ne faut jamais oublier qu’un pervers narcissique ne peut vivre sans victime. Même s’il en a trouvé une autre, il cherchera néanmoins à reprendre son emprise sur celle qui est partie, en repartant de la phase de séduction. Ses excuses, ses attentions, ses promesses, ses cadeaux, tous plus hypocrites les uns que les autres, ne sont que des pièges. Et si le pervers narcissique n’hésite pas à dire : « Je vais changer », son ancienne compagne devra entendre : « Je vais changer… de méthode pour mieux t’anéantir ! », mais cela peut vouloir dire aussi « Je vais changer… juste le temps de trouver une autre proie ! »
À ce propos, je m’étonne de n’avoir rien lu concernant la future cible, future proie, future victime. Chacun semble trouver naturel que le pervers narcissique parte en quête d’une autre partenaire après avoir perdu (ou jeté) la précédente. Mais, n’y a-t-il pas là non-assistance à personne en danger ? De quel recours disposons-nous pour alerter, sans tomber sous le coup de la loi contre la diffamation ? Assistera-t-on un jour à l’émergence d’un mouvement calqué sur celui de #MeToo, qu’on pourrait appeler #BalanceTonPN ? L’idée est plaisante (surtout si elle permet à des femmes de ne pas tomber entre les griffes d’un prédateur), mais trop sujette, malheureusement, à débordements et dénonciations calomnieuses. En outre, ne l’oublions pas, tant qu’un professionnel de la santé dûment formé à cet effet n’a pas attesté de la pathologie, nul n’est habilité à déclarer qu’un individu précis est un pervers narcissique manipulateur, même si pour les victimes qui ont connu l’enfer, il n’y a aucun doute.
***
Dans le cas où les relations se poursuivent après la séparation, les échanges doivent être faits par écrit ou en présence d’un tiers, en se dégageant de toute émotion. L’absence de réaction, l’indifférence de l’ancienne victime perturbent le pervers narcissique. Son ex-compagne l’intégrera d’autant plus aisément qu’elle aura retrouvé foi en elle. Pas de doute que le pervers narcissique perdra pied devant le nouveau visage qui se présente à lui. Il vivra cette transformation comme une humiliation. Et, comme l’écrit Paul-Claude Racamier, « Tuez-les, ils
s’en foutent, humiliez-les, ils en crèvent ! » ¹
Pendant la période qui va immédiatement suivre la rupture, le pervers narcissique utilisera tout ce qu’il pourra pour continuer de nuire. De ce fait, la femme qui l’aura quitté (ou qu’il aura quittée) tirera bénéfice de ne jamais rien dévoiler de personnel au cours de leurs éventuels échanges ultérieurs, en se limitant à des conversations superficielles, et de ne pas chercher à justifier ses décisions. Elle prendra soin d’inscrire sur un carnet tout ce qu’il exprime oralement, et de le confirmer par texto ou courriel (« Tel jour, telle heure, j’ai pris bonne note que tu m’as dit… »).
Si c’est elle qui doit donner des consignes au sujet des enfants durant leur séjour chez leur père (traitement médical, devoirs, sorties scolaires…, par exemple), elle le fera également par écrit, sinon le pervers narcissique n’aura aucun scrupule à faire croire qu’il n’a pas compris, que le message n’était pas clair. Et s’il fait mine de n’avoir pas entendu ce qui se serait dit par téléphone, ou lors d’une entrevue, il est important de confirmer par écrit « Pour la 2e fois, je t’informe que… », « Pour la 3e fois, je t’informe que… ». Mais, il faut aussi qu’elle se souvienne que le pervers narcissique est un fervent adepte du « silence radio » et qu’il y a peu de chance qu’il accuse réception des avertissements.
Sans une once de honte, il manipulera ses enfants pour les monter contre leur mère. Et, si avant le divorce, il ne s’est jamais ou peu occupé d’eux, il n’aura de cesse de les éloigner de leur maman. Il s’arrangera pour obtenir la garde pleine et entière ou, à tout le moins, la garde alternée, non pas pour s’investir dans leur quotidien (il déléguera cette tâche à ses parents, à sa sœur, à sa nouvelle copine…), mais uniquement pour blesser encore et toujours son ancienne compagne. Il saura si bien jongler avec la vérité que juges et avocats n’y verront que du feu.
Quant à la mère, elle devra faire preuve de diplomatie, de détachement et de patience pour éviter de vilipender le père devant ses enfants, quand bien même
elle serait prête à sortir de ses gonds, à exploser de colère, devant les basses et viles manœuvres de son ex-cont qui, lui, ne se gêne pas pour la diffamer, la traiter de folle, et l’insulter. Long et pénible combat, nécessaire cependant à l’équilibre psychologique des enfants pris entre deux feux. Il sera peut-être judicieux de consulter un pédopsychiatre.
Un autre cas de figure peut se présenter lorsque le pervers narcissique et son ancienne victime se retrouvent par hasard, alors qu’ils avaient cessé toute relation après la séparation. Comment réagir ? Dans ma nombreuse documentation, j’ai trouvé différents conseils qui pourraient se résumer à : rester imible, regarder à travers lui comme s’il était devenu transparent, ou bien au-dessus de sa tête, pour lui montrer qu’on n’a pas peur, qu’on le méprise, qu’il n’existe plus.
S’il e son chemin, c’est qu’il comprend qu’il n’a plus aucune autorité. S’il ne fuit pas, attention danger ! Soit il va invectiver son ancienne compagne (dans ce cas, elle poursuit sa route sans s’arrêter, sans l’écouter, sans répondre, surtout ; au besoin, elle appelle au secours), soit il va chercher à reprendre le contrôle, comme je l’ai indiqué plus haut, en repartant de la phase de séduction. Un grand sourire sur ses lèvres est le signe que le prédateur est prêt à se remettre en action. Parce qu’elle a réappris à s’affirmer à présent, la femme déjouera plus facilement les manœuvres du pervers narcissique. Toute question de la part de ce dernier n’aura droit qu’à une réponse laconique. « Comment ça va ? — Bien. On s’abstient, bien entendu, de lui poser la même question, puisqu’on s’en fout. — Que fais-tu ? — Des choses. — Quelles choses ?
— Des choses. Il n’a pas besoin de savoir. — Tu viens boire un pot ? — Non, pas le temps. » Il insistera peut-être un peu, mais finira par abandonner quand il verra qu’il n’y a plus de prise possible. Ouf ! Le danger est écarté, parce que – je le répète – pervers narcissique un jour, pervers narcissique toujours : il ne changera JAMAIS.
Mais, avant d’en arriver à se dégager complètement de l’emprise du PN, il y a une étape importante à franchir : faire le deuil de l’amour qu’on a donné.
6.4
Faire le deuil
Comme le nécessaire épilogue d’une fréquentation aussi éprouvante que malsaine, il va falloir faire le deuil de sa relation, de l’illusion d’avoir trouvé l’âme sœur, de l’amour qu’on a donné, de la culpabilité et de la honte ; et faire aussi le deuil de l’envie de se venger. Faire le deuil de ce qu’on a perdu ; faire le deuil de ce qu’on doit perdre.
C’est le Dr Elisabeth Kübler-Ross ² qui a élaboré un modèle de la courbe du deuil, en 1969. « Il n’avait d’autre prétention que d’expliquer les stades émotionnels par lesquels e un individu chez qui a été diagnostiquée une maladie mortelle en stade terminal. Une série étonnante de raccourcis et de transpositions hasardeuses l’a progressivement érigé en grille de lecture du changement organisationnel, indépendamment de toute volonté de son auteur. » ³
Ce modèle, initialement constitué de cinq périodes, a été repris, adapté, et présenté par un nombre incalculable de canaux dont certains le proposent en sept, voire huit parties.
Comme je n’ai pas la qualification nécessaire pour juger du bien-fondé des unes et des autres des versions qui sont présentées, je me contenterai de reprendre les cinq phases du schéma le plus couramment répandu (déni, colère, marchandage, dépression, acceptation).
Qu’il s’agisse de la douloureuse et légitime affliction consécutive au décès d’un
être cher (deuil réel) ou du tourment provoqué par la fin d’une relation sentimentale ou encore de l’angoisse suscitée par la perte de son emploi, par exemple (deuils virtuels), tous induisent un bouleversement qui impactera le futur. Deuil réel ou deuil virtuel, les étapes indiquées ci-après suivent le même ordre mais se présentent sous une forme différente selon, justement, la réalité ou la virtualité de l’événement. Je tiens à préciser que, d’une part, les commentaires concernent plus particulièrement le deuil virtuel, et que, d’autre part, le processus peut se déclencher immédiatement après le fait ou bien plus tard (effet retard). Il n’est pas rare, non plus, que le travail de deuil ne s’accomplisse pas dans sa totalité.
Il est indéniable que comparer un deuil réel à un deuil virtuel peut paraître déplacé et inconvenant. Pourtant, quand on est confronté au second, rien ne nous semble plus inable sur le moment. Je sais aussi que, dans ce cas-là, il n’est pas toujours aisé de relativiser et de minimiser les sensations qui nous asphyxient l’esprit et le cœur. Donc, pas question de jeter la pierre à toute personne qui souffre d’un deuil virtuel, parce que je connais la difficulté à dédramatiser la détresse ressentie, tellement similaire sur l’instant à celle d’un deuil réel. J’en parle d’expérience pour avoir connu les deux.
1. Le déni : c’est en général la phase la plus courte… ou pas. Perdre l’objet de son amour, c’est une chose ; perdre l’illusion qu’il va revenir ou qu’il va changer, en est une autre. Le déni, c’est ref de croire qu’on a perdu ce qui cause le deuil (sa relation, son illusion, son amour), ou de ref de croire qu’il est possible de perdre ce qui est à évacuer (la culpabilité, la honte, le désir de vengeance). On ne ressent rien, les émotions semblent absentes, comme si notre raison était anesthésiée. La douleur viendra juste après, avec la prise de conscience : « il ne reviendra jamais », « il ne changera jamais », « j’ai aimé, j’ai é, pour rien ». Mais, ce qui me paraît grave, c’est quand on s’enferme dans le déni de sa souf, de son supplice, qu’on ne les exprime pas, qu’on refuse d’en parler (à soi-même ou à une tierce personne). C’est une prison dont il est difficile de s’évader, c’est un mal qui ronge insidieusement et présage un avenir chancelant, parce qu’il empêche d’effectuer le chemin vers l’acceptation. Affronter la réalité,
aussi infernale qu’elle soit, est indispensable pour s’extirper du malheur, pour avancer, pour construire le futur.
2. La colère : colère contre l’autre, celui qui nous a abandonnées, celui qu’on a été obligée d’abandonner ; colère contre soi, parce qu’on se sent coupable de n’avoir rien vu, de n’avoir rien compris ; colère contre les autres, tous ceux qui savaient et qui n’ont rien dit, rien fait, tous ceux que l’on rend responsables de notre chagrin. C’est aussi une période d’interrogations : « ai-je bien agi ? », « qu’aurais-je dû faire ? » La colère peut se manifester par des paroles insultantes, par l’envoi de messages injurieux, par le désir de tout détruire ou de se faire mal. La colère sera directement proportionnelle à la souf. C’est le sentiment le plus difficile à canaliser. Il peut se transformer en tempête, en tsunami émotionnel qui dévaste tout sur son age. Ne jamais rien faire ou dire qu’on pourrait regretter par la suite.
3. Le marchandage (le chantage, l’humiliation, la dévalorisation) : ou comment essayer de se réconcilier avec l’autre ou avec soi-même. Patricia ⁴, prête à marchander avec une quelconque entité divine, pensait que si elle était « gentille », ses enfants – tous deux assassinés par leur propre père – lui seraient rendus vivants. Une autre femme s’acca d’une faute qu’elle n’a pas commise et présentera des excuses à son ancien amoureux dans l’espoir de renouer avec lui. Une autre encore se flagellera d’avoir accepté l’inacceptable. Tous les scénarios sont possibles pour marchander le retour de celui qu’on a perdu, quitte à s’humilier, à se dévaloriser, à exercer un chantage (« Je me tue si tu ne reviens pas. »)
4. La dépression : la tristesse s’est installée et ne paraît pas vouloir quitter les lieux. L’impression de vide, les remises en question, la difficulté à prendre du recul, le ralentissement des mouvements, l’absence d’envie, l’absence de vie, les larmes. La douloureuse tristesse qui envahit chaque pensée, qui remplace toute autre émotion. Cette période, même quand elle n’est pas plus longue que les précédentes, semble interminable.
5. L’acceptation : accepter nos erreurs ; accepter de se les pardonner ⁵ ; accepter que ce qu’on a perdu ne reviendra pas ; accepter que ce qui devait être perdu ne sera pas regretté. Accepter, c’est aussi se réapproprier sa vie, faire des projets, parler d’avenir, découvrir de nouveaux horizons. Accepter, c’est se délivrer de l’emprise, des souvenirs pesants et de tout ce qui était nocif, c’est recouvrer sa liberté. Accepter ne signifie pas qu’on a oublié ! Mais, accepter permet d’avancer sans ruminer sa colère, parce que la haine est un poison, une arme à double tranchant. Accepter, c’est la plus grande et la plus belle victoire que l’on peut espérer. La tristesse reviendra sans doute de temps en temps, mais elle n’aura pas le dernier mot.
Ces cinq phases, de durée variable, ne sont pas tranchées. On glisse de l’une à l’autre, avec des retours possibles. Par exemple, on e de la phase 1 à la phase 2, et on revient à la phase précédente. Un peu plus tard, au début de la phase 3, on remonte à la phase 1, et on recommence 1, 2, 3. Un pas en avant, deux pas en arrière. Puis, ce seront deux pas en avant et un pas en arrière.
Ce n’est pas grave, car chaque retour n’empêche pas de progresser ensuite. Il faut juste être patiente avec soi-même pour mieux se libérer de ce qui peut nous nuire.
« Ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts. »
6.5
Que dit la Loi ?
Article 222-33-2-1 du Code Pénal ⁷ : « Le fait de harceler son cont, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende lorsque ces faits ont causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ont entraîné aucune incapacité de travail et de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende lorsqu’ils ont causé une incapacité totale de travail supérieure à huit jours ou ont été commis alors qu’un mineur était présent et y a assisté. Les mêmes peines sont encourues lorsque cette infraction est commise par un ancien cont ou un ancien concubin de la victime, ou un ancien partenaire lié à cette dernière par un pacte civil de solidarité. Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 150 000 € d’amende lorsque le harcèlement a conduit la victime à se suicider ou à tenter de se suicider. »
Il est indiscutable que nous assistons à un réel progrès en matière de droit pénal : jusqu’à la fin du 20e siècle, le harceleur œuvrait dans l’ombre ou la lumière en toute impunité. Néanmoins, il reste encore beaucoup à faire pour protéger les victimes et leur permettre de se faire entendre. En effet, qu’en est-il de celles qui ont encore la force de résister ? de celles qui ne sombrent pas dans la dépression ? de celles qui ne tentent pas de se suicider ?
Par ailleurs, en ce qui concerne les poursuites à entamer à l’encontre du nuisible, il faut réunir des preuves, et il est fort probable que la cible des manœuvres criminelles se heurtera à quelques difficultés.
Première difficulté : démontrer la dégradation des conditions de vie qui se traduit par une altération de la santé physique ou mentale. Ce qui signifie, en fait, que la seule dégradation des conditions de vie ne suffit pas si elle n’est pas assortie d’une altération de la santé physique ou mentale dûment attestée.
Deuxième difficulté : établir que cette altération est directement liée aux agissements du harceleur et non pas à un facteur extérieur.
Troisième difficulté : apporter les preuves de propos et/ou de comportements répétés. Quand on sait que les premiers se tiennent dans l’intimité et que les seconds se produisent le plus souvent sans témoins, il va falloir r pour obtenir ces preuves. Il est donc indispensable que la victime conserve précieusement tous les écrits malveillants et/ou menaçants (sms, courriels, courriers) et enregistre les communications téléphoniques de même acabit. Sur ce dernier point, la succession d’appels nocturnes (même non suivis d’une conversation), propres à troubler le sommeil de celle qui les reçoit, est assimilée à du harcèlement. Le journal d’appels du téléphone (à ne jamais effacer) en attestera la fréquence et en précisera l’heure indue.
Quatrième difficulté : demander aux éventuels témoins d’agissements répréhensibles de faire une déclaration sur l’honneur des faits auxquels ils ont assisté. Et, en la matière, ce n’est pas gagné d’avance. Par peur, par lâcheté, ou par indifférence, ils iront plus vite à se dérober qu’à s’exécuter. Et, dans l’hypothèse où la victime obtient des témoignages, il faut que ceuxci soient en nombre suffisant pour prouver la répétition des propos et/ou comportements.
Mais, quelles que soient les difficultés rencontrées, la victime ne doit surtout pas baisser les bras : il en va de sa survie. Et tant pis si elle rechigne à déposer une
main courante ou à porter plainte au commissariat ou à la gendarmerie, elle a tout intérêt à er outre ses réticences, car il est grand temps que la peur change de camp. Ce n’est plus à la victime de trembler ; maintenant, c’est à son (ex-) compagnon, manipulateur, harceleur et pervers, de redouter la sanction.
Quoi qu’il en soit, prendre conseil auprès d’un avocat ou d’une association, dont le domaine de compétence et d’action est dédié à l’aide aux victimes, ne sera jamais superflu.
7
Le pervers narcissique
peut-il changer ?
C’est une question récurrente, tant de la part des victimes, que de leur entourage ou de toute personne qui s’intéresse au sujet. En principe, tout le monde évolue, au gré des aléas de la vie. On mûrit, on apprend de ses erreurs, on évite de les reproduire.
L’âge nous apporte l’expérience, la tolérance, la maturité… Si c’est vrai pour la majorité d’entre nous, il n’en est pas de même pour le pervers narcissique qui se complaît dans son mode de dysfonctionnement, et qui n’en changera sous aucune prétexte.
Pour tout individu normalement constitué, il est donc difficile d’imaginer que le PN ne peut pas changer, ne peut pas s’améliorer, et ne veut surtout pas tenter de le faire.
A-t-il conscience d’être abject et malfaisant ? Rien n’est moins sûr. Un pervers narcissique niera toujours toute implication corrompue dans son comportement. Le narcissique et le manipulateur qui ne seraient pas pourris jusqu’à la moelle, qui posséderaient encore quelque sens commun, peuvent éventuellement ettre – par forcément de bon cœur – leurs travers, sans pour autant vouloir y remédier, mais un pervers narcissique ignore – ou feint d’ignorer – qu’il en est un. Il est si parfait ! Pourquoi irait-il chercher à se remettre en question, à s’interroger sur ce qui ne va pas dans son couple, dans sa vie ? De toute façon, le problème ne peut pas venir de lui !
7.1
Impossible guérison
« Je ne suis pas malade, je suis cinglé ! Malade, ça sonne comme si on pouvait guérir… » ⁸
Si je me réfère à tous les articles que j’ai lus, un consensus semble être établi : le pervers narcissique ne peut pas guérir ! On le sait, pour guérir, il faut d’abord être malade. Ce cher Monsieur de La Palice n’eût pas mieux dit.
Or, le pervers narcissique, enfermé dans un déni total, incapable de la plus fugace introspection, incapable de s’améliorer, incapable de faire le lien de cause à effet, incapable de comprendre qu’il est un prédateur, incapable de souffrir tout simplement – puisqu’il se sert de sa victime pour ne pas souffrir justement – ne se sent pas malade du tout. De ce fait, pourquoi irait-il consulter ? Bien entendu, un PN n’est pas exempté de pathologies pour lesquelles il prendra rendez-vous chez son médecin : du petit rhume au cancer du pancréas, en ant par la bronchite ou les rhumatismes…
D’après Jean-Charles Bouchoux ⁷ , « Un pervers narcissique structurellement accompli ne prendra jamais conscience qu’il en est un. Il ne guérira jamais. » Cette déclaration devrait suffire à nous dissuader de tout espoir de guérison en ce qui concerne le PN.
Le pervers narcissique est expert pour tricher, mentir, simuler, dissimuler, et paraître aux yeux du plus grand nombre pour ce qu’il n’est pas justement. Un professionnel dûment formé pourrait le confondre, lui faire perdre son pouvoir,
le mettre face à son vide. Pas question pour le PN « d’affronter la lumière ». Alors, si sa compagne, ou un proche, lui suggère d’aller consulter parce que son comportement présente des incohérences, le pervers narcissique a la réponse toute prête : « les psys ne servent à rien ! ». Hélas, il n’y a pas que les pervers narcissiques qui pensent ainsi !
Il n’est pas rare que, sur l’insistance de sa conte, qui n’en peut plus des conflits quotidiens, le PN accepte de l’accompagner dans le cabinet d’un conseiller conjugal. Incomparable manipulateur, le pervers narcissique se présentera comme la victime du mal-être de sa femme ! Et il est plus que probable qu’il refa de se rendre au rendez-vous suivant, parce qu’il redoute évidemment d’être démasqué par le professionnel. Pour justifier sa dérobade, le pervers narcissique déclarera que ce dernier ne lui semble pas bien compétent !
Néanmoins, d’après certaines sources, le PN peut être amené à consulter. Un accident invalidant, une dépression nerveuse, voire une tentative de suicide (perte de son statut social ou professionnel, ou parce qu’il n’a plus personne sur qui projeter ses propres déficiences), un deuil (disparition d’un membre important de sa sphère narcissique)… sont autant de raisons qui conduiraient quelques rares pervers narcissiques dans le cabinet d’un psy.
Face à une souf qu’il ne peut ni contrôler ni transférer, le PN pourrait peutêtre entreprendre une psychothérapie, pour retrouver peut-être l’enfant qu’il était, et ce faisant, travaillerait peut-être sur l’origine de son trouble du comportement. Si c’est un chemin vers la prise de conscience, ce n’est en aucun cas la certitude que le pervers narcissique se corrigera.
Donc, dans le doute, il vaut mieux ne pas se bercer d’illusions et s’abstenir de croire à une hypothétique guérison que personne, à l’heure actuelle, n’est en mesure de certifier. En revanche, tout le monde s’accorde à dire que la victime a tous les risques d’y laisser sa santé physique et mentale si elle ne sort pas de cette relation toxique. Il faut donc qu’elle intègre le fait que son cont est atteint d’une maladie incurable qui a la particularité de détruire à petit feu tout ce qui gravite autour de celui qui en est affecté.
7.2
Vieillesse
Au fil des années, le pervers narcissique a appris à améliorer sa technique. Mais, avec l’âge, ses frustrations ont également augmenté ; l’aigreur et la rancœur s’amplifient par le décalage entre son vide constant et immuable, et l’évolution, la maturité de ses victimes potentielles qui, elles, se sont enrichies de l’expérience acquise au cours de leur vie.
À moins de « chasser » dans une tranche d’âge nettement inférieure à la sienne, le PN qui vieillit ne pourra rencontrer que des femmes plus mûres, plus réfléchies, plus aptes à reconnaître les signes et à débusquer le prédateur, aussi fringant soit-il, qui se cache derrière ce quinquagénaire, ce sexagénaire… charmant et attentionné.
Comme le pervers narcissique se fait repérer plus vite, il a de plus en plus de mal à trouver des proies de son âge. Ce n’est pas impossible pour autant : les sites de rencontres destinés aux plus de 50 ans foisonnent… Celle qui pourrait se laisser prendre à son petit jeu pourrait aussi lui tenir tête. Le PN se verrait alors contraint de la déloger ou de chercher une victime ailleurs que dans son couple. Et celle qui se serait éventuellement laissé piéger s’en sortira avec moins de dégâts si elle le quitte, parce que sa solide expérience la préserve de la destruction.
Rien de tel que la résistance de sa partenaire pour accroître l’acrimonie du pervers narcissique, et le rendre encore plus véhément. Il continue à mentir, à tricher, à trahir. Sa soif de domination ne s’est pas étanchée au fil des ans, bien au contraire, mais ses incohérences se remarquent davantage par un entourage qui va donc se renouveler de plus en plus souvent, mais se raréfier aussi. C’est pourquoi il finit seul en général.
Même en maison de retraite ou à l’asile, il aura besoin d’exercer son pouvoir, que ce soit sur un autre résidant⁷¹ ou sur un membre du personnel, en lui menant une vie d’enfer : il s’acharnera sur l’ultime victime de sa pauvre vie.
Le constat est sans appel : le pervers narcissique ne peut pas changer en mieux ; il ne peut que persister dans sa haine et sa rancune. Il ne pardonne jamais. Gare à son ex, celle qui s’est enfuie 10, 20 ou 30 ans auparavant, s’il vient à la croiser : il lui déversera toute la haine qu’il n’a cessé d’accumuler durant la même période, « intérêt et principal »⁷² inclus. Le temps n’a rien estompé, bien au contraire. Les intérêts de rancœur s’additionnent…
8
Un peu d’humour noir
Quoi de mieux qu’un peu d’humour noir pour appuyer le trait et synthétiser tout ce qui a été écrit précédemment sur le profil du pervers narcissique ? Bien que le sujet soit grave, j’ai pensé qu’une petite bouffée d’oxygène ne pourrait pas nuire. Je présente deux textes, dont le second (Monsieur Parfait) est une création originale de ma part.
***
Sur le site « http://entraideapn.centerblog.net », j’ai trouvé une lettre virtuelle qui a été publiée le 10 novembre 2008. Il s’agit d’une déclaration que pourrait écrire un pervers narcissique s’il avait conscience d’en être un. En fait, l’auteure serait Nathalie (sans nom de famille) qui a d’ailleurs posté un commentaire sur le blog d’Anne-Laure Buffet ⁷³ le 28 mars 2013 : « Cette fiction est de moi, le titre en est “dans la peau d’un pervers narcissique”, elle date de 2008, et depuis elle voyage, elle voyage… Cordialement. »
Dans la peau d’un pervers narcissique
« Suis-je né ainsi, ou le suis-je devenu ? Une question qui en occupe plus d’un, mais moi je me contrefiche totalement de la réponse. Une chose est sûre, je ne re-souffrirai pour rien au monde, ni pour personne et pour ça je dois maîtriser ma vie et celles des gens qui en deviennent des éléments…
Au début, je n’étais qu’apprenti, mais j’ai eu des années pour m’améliorer… à l’école, avec ma famille, mes premiers flirts, au boulot… autant d’expériences qui m’ont rendu encore plus fort. Je sais comment repérer et manipuler au mieux une victime. La légende veut que ce soit de l’instinct, mais en fin de compte c’est que du boulot… suffit de regarder sa victime, suffit de se renseigner sans en avoir l’air…
Je ne peux pas vivre seul… qui m’irerait alors ? Je suis arrivé à l’âge où il faut se caser. Je sais maintenant comment fonctionnent les femmes et avec quel genre je pourrais le plus asseoir ma puissance. J’ai repéré ma proie : pas trop moche, pas trop bête, avec des failles. Elle a ce que je n’ai pas. Mais je vais prouver que c’est moi qui ai raison. Je vais devenir son centre de vie. Suffit juste de lui montrer l’amour, puis de reculer, puis de ravancer, puis de reculer de nouveau… et à chaque fois pousser le bouchon de plus en plus loin, et constater qu’à chaque fois elle accepte tout. Elle appelle ça de l’amour, moi j’appelle ça de la bêtise !
Faut faire des enfants, des disciples de plus… je construis mon clan qu’évidemment je protège de possibles contaminations extérieures. On n’est jamais trop prudent. Je cloisonne mes relations, je pose des pièges préventifs. À mes collègues, je raconte que ma femme ne les apprécie pas… à elle, le contraire… avec ma famille, je distille l’air de rien des germes de rancœurs contre cette pièce rapportée, et vice versa. À mes enfants, je montre que c’est moi le chef.
Je suis le roi du monde. J’ai construit mes rails pour la loco que je suis, sur le parcours que j’ai décidé en tirant mes wagons qui m’appartiennent. Tout est cadré, tout est sous emprise… rien d’imprévisible n’arrivera…
Un cataclysme se produit… Ma femme demande le divorce, mais pour qui se
prend-elle ? Oser me braver moi ! J’ai dû trop lâcher la bride ces temps-ci, j’ai dû me ramollir à me laisser aller à quelques sentiments cotonneux. Voilà ce qui arrive quand on laisse la niaiserie prendre un peu de place. Je vais te la recadrer vite fait, et elle va rentrer dans le rang ! Je réveille tous mes pièges, je mens, je calomnie, je manipule… mais tout dans la subtilité l’air de rien, personne n’y voit rien. Je suis bon comédien, digne des Césars, voire des Oscars. J’ai réussi à renverser les rôles… Je fais souffrir ma femme en privé, mais en public c’est moi la victime. Je sais que dans les périodes de conflits, de séparation, personne ne va vérifier quoi que ce soit et je connais ma femme et sais qu’elle se laissera isoler, tellement elle a une propension à la culpabilité. Les rares personnes qui pourraient représenter un frein à l’accomplissement total de ma vengeance, je les marginalise.
Mais elle insiste la bougresse à ne plus plier. Je me sers des enfants pour l’atteindre plus ; ça aura un double intérêt de leur forger le caractère et de leur montrer qu’il vaut mieux ne pas s’opposer à moi. Elle ne cède toujours pas… Je vais lui enlever la chair de sa chair, lui faire exploser le cœur de douleurs. Elle comprendra enfin que le mieux pour elle est de redevenir ma marionnette.
Rien n’a marché, ma femme a divorcé… mais bon 1 de perdue, 1 autre victime à retrouver. Je me vengerai à vie de son affront ; je lui ai déjà piqué ses gosses, elle se souviendra de moi…
Les années ont é, je suis devenu vieux. J’ai trouvé d’autres victimes après ma femme, mais rien n’a tenu aussi longtemps qu’elle et finalement le célibat me convient plus. Ses enfants sont retournés vers elle. Des ingrats ! Ils ont fait leur vie. Ils viennent quelquefois me voir, m’expliquant qu’au moins je pourrais être un grand-père. Je n’ai pas d’influence sur eux, qu’est-ce que ça m’apporterait d’être pépé ? Après la retraite, les “amis” se sont éloignés. Je suis peut-être seul, mais au moins personne pour me casser les pieds ! J’ai trouvé de nouveaux hobbies : les procédures avec mes voisins, les lettres de réclamations aux istrations, les commentaires désabusés et désagréables sur internet…
Je suis mort depuis quelques années, devenu une entité errante en attente de je ne sais quoi. Ma tombe est à l’abandon depuis un moment, plus personne ne parle de moi, ou alors rarement, et en m’appelant “l’autre” d’un ton dédaigneux. Tout le contraire est arrivé à ma femme… mais bon faut le reconnaître, c’est grâce à moi quand même !
L’heure de la réincarnation est arrivée. Paraît que je n’ai que 2 choix, même là l’injustice existe ! Être bourreau ou victime… mon choix est fait, je serai 1… »
8.1
Monsieur Parfait
Vous pouvez coller ici la photo de celui auquel vous pensez.
Monsieur Parfait ne ment jamais : s’il enjolive les faits à son avantage et invente des histoires qui le valorisent, c’est uniquement pour se convaincre que tout est vrai. Et ainsi, comme, lui, il y croit, ça devient authentique.
Monsieur Parfait ne trahit jamais : ses principes moraux sont juste à géométrie variable.
Monsieur Parfait est toujours honnête, franc et loyal : c’est avec la plus parfaite sincérité envers lui-même qu’il fait semblant, qu’il simule, qu’il joue la comédie, qu’il manque de courage, et qu’il ne dit jamais rien en face. Il n’y a donc aucune raison de le traiter de lâche, d’hypocrite ou de faux jeton.
Monsieur Parfait est fidèle : s’il court plusieurs lièvres amoureux à la fois, déclare sa flamme aux unes et aux autres en même temps, en leur faisant croire qu’elles sont uniques dans son cœur, c’est parce qu’il est fidèle à lui-même.
Monsieur Parfait n’est ni jaloux ni envieux : cependant, il ne comprend pas pour quelle raison les autres affichent des richesses (financières, intellectuelles, morales…) dont il est dépourvu. Pourquoi ne veulent-ils pas les lui donner ? Tous des égoïstes !
Monsieur Parfait n’est pas un escroc : jamais il ne tentera d’obtenir quoi que ce soit autrement que par la ruse, la manipulation, ou son sens de la victimisation.
Monsieur Parfait reconnaît ses torts : quand il se trompe, ce qui n’arrive jamais, il sait qu’il n’y est pour rien, que c’est la faute des autres. Il est donc en droit d’exiger des excuses.
Monsieur Parfait ne critique ni ne dévalorise personne : s’il rabaisse ses proches en toute occasion, c’est uniquement pour se rehausser. Qui oserait lui tenir rigueur d’une telle ambition ?
Monsieur Parfait ne se plaint jamais : bon, d’accord, il se lamente 23 h 55 sur 24 (y compris pendant son sommeil), mais plutôt que de lui jeter la pierre, on ferait mieux de l’irer car il fournit l’effort surhumain de se retenir cinq minutes par jour. Ce n’est pas rien, quand même !
Monsieur Parfait n’est pas égocentrique : certes, il rapporte tout à lui-même, mais il le fait de façon naturelle, sans artifice, ce qui est tout à fait prodigieux dans notre monde tellement superficiel.
Monsieur Parfait est généreux : en renvoyant sur les autres ses propres défauts et en se déchargeant sur eux de sa responsabilité, il leur signifie qu’il est capable de libéralités dont certains devraient se montrer reconnaissants, nom d’un chien !
Monsieur Parfait répond toujours aux questions directes : comme il ne les entend pas, un sourire en coin suffit ; au besoin, il tournera le dos à son interlocuteur, ce qui prouve bien qu’il n’y avait pas de question.
Monsieur Parfait ne manipule pas : s’il souffle le chaud et le froid en
permanence, c’est pour vérifier minutieusement que les autres sont bien sous contrôle. Monsieur Parfait est un perfectionniste.
Monsieur Parfait est bienveillant : pour s’aimer, se trouver beau et intelligent, il a besoin d’un faire-valoir qui lui renvoie une image positive de lui-même, image essentielle, indispensable, vitale à ses yeux, sans laquelle il serait contraint de se voir tel qu’il est. La comparse, qu’il a soigneusement sélectionnée pour endosser ce rôle, ne peut que s’estimer heureuse de l’insigne honneur qui lui échoit avec autant de magnanimité. C’est donc normal que Monsieur Parfait adore se délecter du mal qu’il lui fait.
Monsieur Parfait reste toujours calme : ce n’est pas parce qu’il pique des colères pour des broutilles, qu’il orchestre une crise ou un conflit quand ça l’arrange, que tout n’est pas prémédité et calculé calmement.
Monsieur Parfait est modeste : c’est d’ailleurs par pure humilité qu’il e sous silence tout ce qu’il rate. Et ce n’est pas parce qu’il se vante les trois quarts du temps (le dernier quart est consacré à dormir), qu’il n’est pas modeste tout au fond de lui, au fin fond, là où personne (ni lui-même) n’a accès.
Monsieur Parfait est empathique : il sait écouter et ressentir tout ce qui se rapporte à… son nombril. De ce fait, il ne lui reste guère de temps pour se préoccuper des soucis, des chagrins et des peines d’autrui, qui – de toute façon – ne présentent aucun intérêt, et ne peuvent en aucun cas surer les siens propres.
Monsieur Parfait aime la perfection : malheur à celle qui ne saurait être parfaite selon des critères qu’il est bien incapable de préciser, et qui sont de toute façon particulièrement fluctuants d’un jour à l’autre, d’une heure à l’autre, d’une minute à l’autre.
Monsieur Parfait aime rire et faire rire : quoi de plus normal que d’humilier sa partenaire si ça permet de rigoler un bon coup. Évidemment, si elle n’apprécie pas, c’est tout simplement parce qu’elle n’a aucun sens de l’humour. Il a bien du mérite Monsieur Parfait de er un tel éteignoir !
Monsieur Parfait sait se remettre en question : quand il hésite entre le pull bleu et le pull rouge, il choisit d’abord le bleu. Cependant, après mûre réflexion et introspection objective, il se ravise humblement, sobrement, dès lors qu’il se rend compte que le rouge lui va mieux. Pour le reste… quel reste ?
Monsieur Parfait accepte les critiques : comme elles ne le concernent en aucune manière, elles n’existent pas. Là encore, il est en droit de réclamer des excuses.
Monsieur Parfait est un professeur pluridisciplinaire : en français, il donne aux mots une acception qu’aucun dictionnaire ne reconnaît, mais qui lui permet de dire à sa compagne qu’elle ne comprend vraiment rien à rien ; en mathématiques, il multiplie les reproches, divise les amabilités, soustrait la bonne humeur et additionne les perfidies ; en histoire, il raconte toujours la même, qu’il répétera plus tard, et encore plus tard, dans une version différente à chaque fois ; en sciences naturelles, il fait tourner en bourrique et devenir chèvre ; en philosophie, il sait amener sa partenaire à douter de tout et surtout d’elle-même ; en gymnastique, il détale aussi vite que ses jambes le portent dès qu’il se sent démasqué ; etc.
Monsieur Parfait est heureux : son bonheur, son incommensurable bonheur, c’est de manipuler et de détruire. Quand il y parvient, il peut chercher une autre cible et recommencer. Quelle chance !
Monsieur Parfait est unique au monde : unique… comme des millions d’autres qui lui ressemblent en tout point.
Ainsi que l’écrit très justement mon amie Maryne, « les pervers narcissiques sont toutes et tous les mêmes, qui fonctionnent selon les mêmes codes, les mêmes cycles. Ils n’ont d’original que ce qu’ils vous prennent à vous, que ce qu’ils vampirisent en vous qui vous est propre et intime. Mais la coquille, vide, est la même. »
9
Quelques numéros utiles
Liste non exhaustive :
Solidarité Femmes – Violences femme info
3919
Enfants en danger www.allo119.gouv.fr
119
Aide aux victimes
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116 006
Institut National d’Aide aux Victimes et de Médiation (INAVEM) 08 84 28 46 37 Numéro
Remerciements
Je tiens à remercier toutes celles et tous ceux qui m’ont aidée dans l’élaboration de cet essai par leurs conseils et leurs encouragements. Je pense bien évidemment à ma fille Bénédicte, qui a été ma première lectrice, une précieuse collaboratrice et une étonnante illustratrice, à ma sœur Nicole, qui a soutenu mon projet et y a contribué par ses remarques pertinentes et son humour, et à ma nièce Josée qui s’est te à elles pour me pousser à concrétiser ce qui n’était au départ qu’une vague intention.
Je n’oublie pas toutes celles qui, par leurs témoignages, m’ont permis de structurer le résultat de mes recherches.
Je remercie également mes amies Anna, Françoise M., Françoise S., Marie, Martine, Maryne et Nabila. Leurs questions et leurs observations m’ont été fort utiles pour approfondir certains points.
J’adresse des remerciements particuliers aux personnes qui m’ont écoutée patiemment lorsque je parlais en boucle de mon étude. Mes fils, Florent et Amaury, en savent quelque chose.
Et, enfin, un grand merci à mon mari Jean-Marc et à tous les hommes qui nous aiment et qu’on aime parce que, justement, ce ne sont pas des pervers narcissiques manipulateurs.
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Imprimé en Allemagne Achevé d’imprimer en juillet 2021 Dépôt légal : juillet 2021
Pour
Le Lys Bleu Éditions 83, Avenue d’Italie 75013 Paris
Notes
[←1] Source Wikipédia : Le pervers narcissique (mars 2019) – Contenu soumis à la licence CC-BY-SA 3.0.
[←2] Pierre-Claude Racamier, psychiatre et psychanalyste : Génie des origines – Payot (1992)
[←3] Marie- Hirigoyen , psychiatre et psychothérapeute : Le harcèlement moral : la violence perverse au quotidien - Syros (1998)
[←4] Henri IV : « Je ne suis point opiniâtre, si vous me montrez une autre vérité que celle que je crois, je m’y rendrai. » Cité par Jean d’Aillon : La ville qui n’aimait pas son roi - Éditions JC Lattès (2009)
[←5] Jean de La Fontaine : Le Corbeau et le Renard - Fables, livre I (1668)
[←6] Blanche-Neige : conte des frères Jacob et Wilhelm Grimm (1812)
[←7] Mathias Roux, philosophe : La dictature de l’ego – Éditions Larousse (2018)
[←8] Isaac Asimov : « Ils préféreraient remporter une victoire en enfer qu’être battus au ciel » dans Casse-tête au Club des Veufs Noirs - Éditions 10/18 (1974)
[←9] « L’expérience de Milgram est une expérience de psychologie publiée en 1963 par le psychologue américain Stanley Milgram. Cette expérience évalue le degré d'obéissance d'un individu devant une autorité qu'il juge légitime et permet d'analyser le processus de soumission à l'autorité, notamment quand elle induit des actions qui posent des problèmes de conscience au sujet ». Source : Wikipédia (février 2021) Un exemple particulièrement significatif de cette expérience a été mis en scène en 1979 par Henri Verneuil dans son film « I comme Icare ».
[←10] Jacques A. Bertrand : Les autres, c’est rien que des sales types – Éditions Julliard (2009)
[←11] Certaines sources – pas toujours très fiables – mentionnent des taux plus élevés.
[←12] Voir sous-chapitre 6.5 : Que dit la Loi ?
[←13] Sagesse grecque
[←14] J.K. Rowling : Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban – Gallimard (1999)
[←15] Ann Rule : Et ne jamais la laisser partir - Le Livre de Poche (2003)
[←16] Néron en est un exemple significatif : Agrippine, sa mère, manipulatrice et castratrice, a exercé son pouvoir à travers ce fils qui n’a été qu’un pion dont elle s’est servie pour rassasier ses propres ambitions.
[←17] Calimero, petit poussin noir, charmant mais malchanceux, est un personnage de fiction créé par Nino et Toni Pagot et Ignazio Colnaghien en 1962. Source : Wikipédia.
[←18] Citation de Charles Perrault : « Rien au monde, après l’espérance, n’est plus trompeur que l’apparence. » - La marquise de Salusse (1691)
[←19] Jean Schultheis, parolier et interprète de « Confidence pour confidence » - © Claude Carrère Éditions (1981)
[←20] Marie-Claire du 08/10/2018
[←21] Dictionnaire Le Petit Robert – Sisyphe (mars 2019)
[←22] Anne-Laure Buffet, coach, conférencière et formatrice : harcelementmoral.blog/(mars 2019).
[←23] Yvonne Poncet-Bonissol, psychoclinicienne - Rfi du 16/05/2018 -
[←24] Geneviève Schmit (http://soutien-psy-en-ligne.fr) - Souf et angoisse du pervers narcissique – 23/08/2015 – « Le manipulateur pervers narcissique. Comment s’en libérer ? » - Édition Grancher (2016)
[←25] Suivant les définitions du Petit Robert.
[←26] À noter que, dans une assemblée, le pervers narcissique est certainement le seul capable de repérer instantanément la perverse narcissique qui s’y trouverait aussi (et vice-versa). Ils s’éviteront soigneusement l’un et l’autre ! À moins qu’ils ne décident d’associer leurs forces maléfiques.
[←27] Simone de Beauvoir : citation reprise par plusieurs magazines féminins.
[←28] Pierre Corneille – Le Cid (1637)
[←29] Le syndrome d’abandon : il s’agit d’un sentiment de terreur à l’idée d’être abandonné(e). C’est révélateur d’une blessure née dans la petite enfance, en général : abandon par l’un ou les deux parents (quelle que soit la façon, physique ou morale, y compris la maladie, la dépression, le décès… d’un ou des deux parents). Un adulte qui n’est pas soutenu (en famille, au travail…) peut également se sentir abandonné.
[←30] Voir l’ouvrage de Jean-Charles Bouchoux : Pourquoi m’as-tu abandonné(e) ? – Éditions Payot (2012)
[←31] Albert Camus : La Chute – Éditions Gallimard (1956)
[←32] Dominique Baudis : Raimond le Cathare – Le Livre de Poche (1998)
[←33] Alfred de Musset : « Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse ! » dans La Coupe et les Lèvres (1831)
[←34] Julien Clerc : Ma préférence (paroles de Jean-Loup Dabadie) - © EMI Music Publishing (1978)
[←35] Virginia Woolf : Une chambre à soi – Le Livre de Poche (2001)
[←36] Voir « Le Livre de la Jungle » : dessin animé de W. Disney (1967), d’après l’œuvre de R. Kipling
[←37] Nicolas Machiavel
[←38] Arthur Schopenhauer : L’art d’avoir toujours raison (1831)
[←39] Pascal Couderc, psychanalyste et psychologue clinicien : Comprendre la relation avec un pervers narcissique -Pervers-narcissique.com, épisode 10 (mars 2019)
[←40] Je recommande la lecture d’un article consacré à ce « Silence inable », publié par Anne-Laure Buffet, coach, conférencière et formatrice : harcelementmoral.blog/2017/06/26/le-silence-inable.
[←41] Jean-Jacques Goldman (auteur-compositeur et interprète) : La vie par procuration – Epic Records (1986)
[←42] Le procès, intenté contre 24 des principaux responsables du 3e Reich, s’est tenu du 20/11/1945 au 01/10/1946 à Nuremberg (Allemagne).
[←43] Jean-Charles Bouchoux , psychanalyste : Les pervers narcissiques – Éditions Eyrolles (2019)
[←44] Le mot kapo désigne les détenus, souvent recrutés parmi les prisonniers de droit commun les plus violents, qui étaient chargés de commander les autres détenus dans les camps de concentration nazis. Ces kapos étaient aussi bien des hommes que des femmes.
[←45] Pascal Couderc, psychanalyste et psychologue clinicien : La sexualité avec un pervers narcissique - Pervers-narcissique.com, épisode 15 (mars 2019)
[←46] Geneviève Schmitt(http://soutien-psy-en-ligne.fr) : Sexualité chez le pervers narcissique (octobre 2015)
[←47] Geneviève Schmitt (http://soutien-psy-en-ligne.fr) : Sexualité chez le pervers narcissique (octobre 2015)
[←48] édition française publiée chez Elsevier Masson (2015). Ce manuel est un ouvrage de référence pour les psychiatres du monde entier.
[←49] Paul-Claude Racamier : Les perversions narcissiques – Payot (2012).
[←50] Perversnarcissique.com (avril 2019). Il semblerait que ce site ne soit plus actif (mars 2021).
[←51] Isabelle Nazare-Aga, thérapeute cognitivo-comportementaliste : Les manipulateurs sont parmi nous - Éditions de l’Homme (2020)
[←52] www.femmeactuelle.fr du 04/07/2019
[←53] Proverbe espagnol
[←54] Voir sous-chapitre 6.5 : Que dit la Loi ?
[←55] « Tom Elvis Jedusor, également appelé “Lord Voldemort ", est un personnage de la saga Harry Potter écrite par J. K. Rowling (éditions Gallimard) et principal antagoniste de l'histoire. C'est un sorcier doté de pouvoirs considérables, qui cherche à s'imposer sur le monde des sorciers afin de remodeler celui-ci selon ses idéaux. » Source : Wikipédia
[←56] Christel Petitcollin, Conseil et Formatrice en Communication et Développement Personnel : Divorcer d’un manipulateur – Guy Trédaniel éditeur (2012)
[←57] Pascal Couderc , psychanalyste, psychologue clinicien - www.perversnarcissique.com, épisode 17 (mars 2019)
[←58] C’est un comportement qui n’est pas nécessairement propre aux PN. Que ce soit par lâcheté ou par peur de blesser, certains hommes (ou femmes) préfèrent disparaître sans un mot plutôt que d’affronter leur compagne (compagnon). Il va sans dire que le ghosting est parfois le seul moyen dont dispose une femme pour s’échapper des griffes d’un mari violent ou… pervers narcissique !
[←59] Kathrine Kressmann-Taylor : « Tu sais, mon ami, l'ancienne plaie s'est refermée, mais parfois la cicatrice me lancine encore. » dans Inconnu à cette adresse - Le Livre de Poche (2002)
[←60] Simone de Beauvoir : citation reprise par plusieurs magazines féminins.
[←61] Paul-Claude Racamier : Génie des origines – Payot (1992)
[←62] Elisabeth Kübler-Ross , psychiatre : Accueillir la mort – Pocket (2002)
[←63] J’ai trouvé ce commentaire sur « adconseilblog.wordpress.com/2018/12/19/petitplaidoyer-contre-les-just-so-stories-en-sciences-du-management » : il présente de façon très claire l’origine du modèle de la courbe du deuil.
[←64] Patricia Oddo : Victoire sur le désespoir - T. Hernando éditeur (2018)
[←65] Paul Boese : « Le pardon ne fait pas oublier le é, mais élargit le futur » (2007)
[←66] Friedrich Nietzsche : « Ce qui ne me fait pas mourir me rend plus fort » dans Le Crépuscule des idoles - Éditions Mercure de (1908)
[←67] Source : https://www.legi.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042193490 (Juillet 2020)
[←68] https://www.pinterest.fr/pin/296182112977648081/
[←69] Encore que Jacques de Chabannes , seigneur de La Palice, maréchal de François 1er, n’a pas été l’auteur de la première lapalissade, mais plutôt sa victime. « S’il n’était pas mort, il ferait encore envie » a été malencontreusement recopié par « S’il n’était pas mort, il serait encore en vie ». Il faut savoir qu’à l’époque de la version originale (16e siècle), le « f » minuscule s’écrivait comme le « s » minuscule du siècle suivant.
[←70] Jean-Charles Bouchoux , psychanalyste : Les pervers narcissiques – Éditions Eyrolles (2019)
[←71] Comment ne pas penser à « Tatie Danielle » ? film d’Étienne Chatiliez sorti en 1990, dont l’odieux personnage éponyme a été interprété par une remarquable et talentueuse Tsilla Chelton .
[←72] Jean de La Fontaine : La cigale et la fourmi – Fables, Livre I (1668)
[←73] Anne-Laure Buffet , coach, conférencière et formatrice - https:// harcelementmoral.blog/2013/02/24/lettre-dun-pervers-narcissique/ (mars 2019)