Vapocraquage des hydrocarbures par
Claude RAIMBAULT Ingénieur ENSPM Expert à la Direction Stratégie-économie-programme à l’IFP Professeur à l’ENSPM
et
Gilles LEFEBVRE Ancien Ingénieur Principal à l’IFP Professeur honoraire à l’ENSPM ENSPM : École Nationale Supérieure du Pétrole et des Moteurs IFP : Institut Français du Pétrole
Généralités ................................................................................................. Introduction.................................................................................................. Historique .....................................................................................................
2. 2.1 2.2 2.3
Physico-chimie de la pyrolyse des hydrocarbures saturés .......... Considérations thermodynamiques........................................................... Schéma réactionnel simplifié ..................................................................... Caractéristiques cinétiques.........................................................................
— — — —
2 2 3 4
3. 3.1 3.2 3.3 3.4 3.5
Étude des variables opératoires de la section de pyrolyse .......... Température de réaction ............................................................................. Temps de séjour........................................................................................... Pression partielle des hydrocarbures et rôle de la vapeur d’eau ............ Analyse de la notion de sévérité ................................................................ Taux de conversion......................................................................................
— — — — — —
5 5 6 6 7 8
4.
Influence de la nature de la charge sur les performances de l’unité de vapocraquage......................................................................... Vapocraquage de l’éthane .......................................................................... Vapocraquage de naphta ............................................................................ Vapocraquage de gazoles ...........................................................................
— — — —
8 8 8 10
5.6
Mise en œuvre industrielle en four tubulaire .................................. Fours de pyrolyse ........................................................................................ 5.1.1 Dimensionnement des tubes de pyrolyse ........................................ 5.1.2 Conception et agencement des fours ............................................... Trempe.......................................................................................................... Cokage et durée de cycle ............................................................................ Fractionnement primaire ............................................................................ Train de séparation et de purification aval ................................................ 5.5.1 Séparations ......................................................................................... 5.5.2 Compression, désulfuration et séchage ........................................... Qualité des produits ....................................................................................
— — — — — — — — — — —
10 10 10 12 13 14 14 15 15 15 15
6. 6.1 6.2
Évolution technologique et contexte économique ........................ Évolution technologique ............................................................................. Contexte économique .................................................................................
— — —
15 15 16
4.1 4.2 4.3 5. 5.1
5.2 5.3 5.4 5.5
9 - 1995
J 5 460 - 2 — 2 — 2
1. 1.1 1.2
Doc. J 5 460
J 5 460
Pour en savoir plus ...........................................................................................
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VAPOCRAQUAGE DES HYDROCARBURES
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e vapocraquage consiste en la pyrolyse d’hydrocarbures saturés issus du gaz naturel ou du pétrole, en présence de vapeur d’eau. Il produit en premier lieu l’éthylène, mais aussi le propylène et secondairement, selon la charge utilisée, une coupe C4 riche en butadiène et une coupe C 5+ (hydrocarbures à cinq carbones ou plus) à forte teneur en aromatiques et plus particulièrement en benzène. Cet inventaire ne tient pas compte des constituants légers ou lourds qui, au sein même du vapocraquage, constituent une source d’énergie non négligeable et lui assurent sur ce plan son autonomie. La diversité des productions auxquelles le vapocraquage donne lieu en fait une unité clé, autour de laquelle se greffera le complexe des installations de la chimie organique industrielle, utilisatrice des hydrocarbures de base produits.
L
1. Généralités 1.1 Introduction Le développement considérable de la pétrochimie, lié à la croissance des industries productrices de matières plastiques, de fibres synthétiques, d’élastomères de synthèse, de détergents et de nombreux autres produits de la chimie organique, requiert chaque année des quantités plus importantes de matières premières hydrocarbonées. Or, le gaz naturel et les fractions pétrolières obtenues par distillation, après le fractionnement primaire du brut, sont principalement constitués d’hydrocarbures saturés, paraffines (alcanes) et naphtènes (cyclanes), dont la réactivité chimique est médiocre et qui ne donnent lieu qu’à des transformations chimiques lentes et peu sélectives : ils ne permettent guère d’atteindre une grande diversité de composés chimiques plus ou moins complexes. En revanche on peut, par vapocraquage, obtenir des hydrocarbures insaturés de nature aliphatique ou aromatique qui, en raison de leurs nombreuses possibilités réactionnelles, présentent sur le plan de la synthèse organique une souplesse d’emploi remarquable (voir Tableau synoptique. Pétrochimie [J 6 015] dans le présent traité). L’acétylène, qui a été pendant de longues années l’hydrocarbure de base le plus utilisé en chimie aliphatique, a été progressivement remplacé, en raison de son coût de production élevé, par l’éthylène, le propylène ou le butadiène , selon les synthèses envisagées (cf. tableau A en [Doc. J 5 460]). Actuellement, l’éthylène conserve toujours son avantage économique par rapport à l’acétylène issu du gaz naturel ou du charbon.
Depuis 1920, déjà, aux États-Unis, l’éthylène était obtenu par pyrolyse de l’éthane, constituant associé au méthane dans certains gaz naturels. C’est en 1942 que la société British Celanese construisit la première unité de craquage de gazole lourd qui fournissait l’éthylène nécessaire à la synthèse ultérieure de l’éthanol et de l’acide acétique. La production d’éthylène était d’environ 6 kt/an. Dès 1950, trois complexes pétrochimiques importants traitant des coupes pétrolières étaient construits, l’un par British Petroleum à Grangemouth en Écosse, d’une capacité de 30 kt/an d’éthylène, le deuxième par Petrochemicals Ltd à Carrington dans le Lancashire, d’une capacité de 10 kt/an d’éthylène, enfin le troisième par ICI, à Wilton dans le Cleverland, qui fournissait 30 kt/an d’éthylène. Entre 1940 et 1950, la capacité moyenne des unités est ée de 10 à 50 kt/an d’éthylène, mais c’est au cours de la décennie 19501960 que sont apparues les unités géantes produisant couramment 300 kt/an d’éthylène à partir du naphta pétrochimique [2]. Actuellement, la capacité de production européenne d’éthylène est de 25 Mt/an. La , pour sa part, qui en 1953 avait monté son premier vapocraqueur de 18 kt/an à Lavéra (Bouches-du-Rhône), a atteint en 1983 une capacité de production de 3 Mt/an, inchangée depuis.
2. Physico-chimie de la pyrolyse des hydrocarbures saturés 2.1 Considérations thermodynamiques
1.2 Historique Initialement, vers 1930 et durant la Seconde Guerre mondiale, l’éthylène était produit par liquéfaction et fractionnement des gaz de fours à coke, par déshydratation de l’alcool éthylique et même par hydrogénation partielle de l’acétylène. À mesure que la demande en éthylène se faisait plus importante, on s’est tourné de manière croissante, pour sa fabrication, vers la pyrolyse des fractions pétrolières (gaz légers, naphta pétrochimique ). Naphta pétrochimique est le nom donné à des coupes pétrolières dont l’intervalle de distillation se situe entre 35 et 200 oC environ.
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Sur le plan thermodynamique [1], les hydrocarbures insaturés recherchés n’apparaissent stables par rapport aux hydrocarbures saturés qui leur donnent naissance qu’à des températures relativement élevées (> 350 oC). Ce fait est illustré par la figure 1 qui traduit la variation, en fonction de la température T (en kelvins), de o
l’énergie libre de formation ∆G form rapportée à un atome de carbone, pour quelques composés hydrocarbonés caractéristiques. Pour une température donnée, un hydrocarbure est : — instable vis-à-vis de ses éléments constitutifs (C + H2) et de tous les hydrocarbures dont le point représentatif demeure situé au-dessous du sien propre (puisque sa formation à partir de ces derniers nécessite alors un apport d’énergie) ; — stable dans le cas contraire.
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Compte tenu de l’extrême simplicité de la structure chimique d’un hydrocarbure saturé, comme l’heptane normal par exemple, l’activation thermique ne peut provoquer que la rupture d’une liaison C — C ou C — H. Dans le premier cas, la coupure aléatoire d’une liaison C — C de la chaîne carbonée, qui constitue la réaction de craquage, fournit une paraffine et une oléfine : C7H16 → C3H8 + C4 H8 o ∆G T
J mol = 75 200 – 142 T . La rupture d’une liaison C — H entraîne par déshydrogénation la formation d’une oléfine (de même nombre d’atomes de carbone que l’hydrocarbure saturé de départ) et d’hydrogène : avec
C7H16 → C7H14 + H2 o
avec ∆G T J mol = 125 400 – 142 T . Il s’agit de transformations fortement endothermiques, s’effectuant avec augmentation du nombre de molécules. En vertu du principe de Le Chatelier, le craquage ainsi que la déshydrogénation des hydrocarbures saturés sont donc favorisés, sur le plan thermodynamique, à haute température et basse pression. Mais, par ailleurs, la comparaison des énergies des liaisons C — C et C — H qui sont respectivement de 345 kJ/mol et 413 kJ/mol permet d’affirmer que l’acte primaire de la pyrolyse des hydrocarbures saturés réside dans la rupture d’une liaison C — C, puisque ce processus nécessite une énergie nettement inférieure à celle mise en jeu dans la coupure d’une liaison C — H.
2.2 Schéma réactionnel simplifié Pour plus de détails, on se reportera à la référence bibliographique [2].
Figure 1 – Stabilité thermodynamique des hydrocarbures : diagramme d’énergie libre
Il en ressort notamment que les hydrocarbures sont à toute température instables par rapport à leurs éléments constitutifs, à l’exception toutefois du méthane dans le domaine des températures basses et moyennes (moins de 200 oC). L’acétylène, dont la synthèse à partir de ses éléments ou des hydrocarbures saturés nécessite de toute manière une énergie considérable (ce qui explique son coût de fabrication prohibitif), ne devient stable par rapport aux paraffines les plus simples qu’à des températures largement supérieures à 1 000 oC. La situation apparaît plus favorable avec les hydrocarbures insaturés tels que l’éthylène, stable par rapport à l’éthane au-dessus de 750 oC, ou le benzène qui se révèle, sur le plan thermodynamique, favorisé par rapport à l’hexane normal dès 350 ou 400 oC. Le recours à des températures élevées dans la synthèse des hydrocarbures oléfiniques à partir des paraffines (ou alcanes) ou des naphtènes (ou cyclanes) constitue aussi, sur le plan cinétique, un moyen d’activation de la réaction chimique dont la vitesse augmente exponentiellement, conformément à la loi d’Arrhenius, avec la température.
La réaction fondamentale qui gouverne le craquage des fractions lourdes (figure 2) consiste en la scission d’un hydrocarbure aliphatique saturé en une paraffine et une oléfine [réaction ➀] : c’est le craquage primaire. Les entités ainsi formées conduisent, par des réactions de craquage secondaire [réactions ➁ et ➂] en divers points de leur chaîne hydrocarbonée, à des produits légers variés, riches en oléfines, dont la composition et le rendement dépendent des conditions opératoires retenues. Simple dans son principe, la transformation chimique des paraffines selon cette voie apparaît en réalité beaucoup plus complexe, car de nombreux autres processus interfèrent avec les craquages primaires et secondaires. Ainsi, les réactions réalisant la déshydrogénation plus poussée des oléfines directement issues du craquage sont à terme les plus gênantes, car elles fournissent des composés fortement insaturés comme les dérivés acétyléniques [réaction ➃], qui constituent des impuretés gênantes dans l’utilisation des coupes C2 ou C3 oléfiniques, ou encore les dioléfines [réaction ➃] qui possèdent, lorsque les doubles liaisons qu’elles renferment sont en positions conjuguées dans la molécule, une réactivité chimique prononcée. Or, ces dernières réagissent dans une direction opposée au craquage, puisqu’elles donnent naissance à des produits lourds par réaction de Diels et Alder ou cycloaddition, c’est-à-dire attaque d’une oléfine par une dioléfine conjuguée avec formation d’une structure cyclique comprenant six atomes de carbone [réaction ➄]. Les composés cycliques insaturés ainsi formés sont alors susceptibles de fournir, par déshydrogénation ultérieure poussée [réaction ➅] des hydrocarbures aromatiques variés et notamment le benzène. La transformation d’hydrocarbures saturés en oléfines de masse moléculaire moindre s’accompagne donc d’une aromatisation marquée de la fraction lourde des effluents de réaction. Ces produits constituent de plus les précurseurs naturels de substances polyaromatiques condensées désignées, selon leur état pâteux ou solide, sous les vocables généraux de goudrons et de coke, vers lesquelles ils évoluent inéluctablement par une succession appropriée de réactions de cycloaddition et de déshydrogénation [réaction ➆].
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Figure 2 – Schéma réactionnel simplifié de la pyrolyse des alcanes
2.3 Caractéristiques cinétiques Se reporter aux références bibliographiques [2] [3].
La figure 3 indique, pour chaque réaction, le niveau thermique requis (température minimale de la réaction) pour atteindre un degré d’avancement élevé à des temps de de l’ordre de la seconde. Alors que la vitesse de la réaction de craquage devient importante au-dessus de 700 oC, les déshydrogénations n’interviennent de manière notable qu’à partir de 800 ou 850 oC. On peut remarquer par ailleurs que les processus de formation des hydrocarbures polyaromatiques et du coke, qui ne se déroulent de manière rapide qu’à des températures supérieures à 900 ou 1 000 oC, constituent de toute manière les étapes les plus lentes du schéma réactionnel de la pyrolyse. Il apparaît donc que l’adoption de temps de élevés ou l’élévation des températures de réaction favorisent d’autant la filière conduisant aux dérivés aromatiques lourds, et ce, aux dépens de la sélectivité de la production d’oléfines légères par craquage. La polymérisation des composés insaturés aliphatiques (oléfines, dioléfines et dérivés acétyléniques) est, en raison de leur réactivité intrinsèque élevée, très rapide dès les basses températures, mais ces réactions demeurent, dans les conditions opératoires de la pyrolyse (haute température et basse pression), particulièrement défavorisées du point de vue thermodynamique. Par ailleurs, en ce qui concerne les étapes de craquage proprement dites, la réactivité des hydrocarbures augmente , dans chaque famille, avec le nombre d’atomes de carbone (figure 4). On peut s’interroger, pour terminer, sur la nature des formes intermédiaires réactionnelles créées par activation thermique dans la pyrolyse des hydrocarbures saturés. Le caractère radicalaire des processus concernés a été mis en évidence par Rice et ses collaborateurs [4] [5] [6].
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Figure 3 – Pyrolyse des hydrocarbures : vitesse relative des différentes étapes composantes du schéma réactionnel
Dans le cas déjà complexe de la pyrolyse de l’éthane, les différentes étapes élémentaires sont : — l’amorçage : CH 3 CH 3 → CH 3 + CH 3 ●
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— la propagation : CH 3 + CH 3 CH 3 → CH 4 + CH 3 CH 2 CH 3 CH2 → CH 2 CH 2 + H ●
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H + CH 3 CH 3 → H 2 + CH 3 CH 2 ●
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atomes ou radicaux dans des étapes dites de rupture qui mènent à la formation de composés plus légers ou plus lourds que le réactif de départ, lesquels subiront à leur tour le phénomène de pyrolyse. À côté des produits primaires (éthylène, hydrogène et méthane) apparaîtront donc des produits secondaires dont la présence souligne à suffisance la très grande complexité des effluents réactionnels obtenus par pyrolyse des hydrocarbures saturés. En raison de leur caractère radicalaire, les réactions de pyrolyse présentent une susceptibilité marquée à la géométrie du réacteur, les parois favorisant notamment la recombinaison des atomes et radicaux légers intermédiaires. Les caractéristiques thermodynamiques et cinétiques de la pyrolyse imposent, sur le plan des conditions opératoires industrielles, un certain nombre de contraintes que l’on peut résumer ainsi : — apport considérable d’énergie thermique à un niveau de température très élevé (environ 800 oC), dans le but de porter la charge à la température de réaction requise et de compenser efficacement l’endothermicité des processus chimiques impliqués ; — limitation de la pression partielle des hydrocarbures dans le réacteur, de manière à favoriser la production de molécules légères insaturées par craquage et déshydrogénation, et à éviter les réactions parasites de condensation qui les transforment en produits aromatiques plus lourds ; — réalisation de temps de séjour très courts, afin d’interdire dans la mesure du possible le développement des processus de condensation plus lents, qui contribuent à diminuer le rendement de la pyrolyse en oléfines recherchées ; — mise en œuvre d’une trempe efficace des effluents du réacteur pour en figer la composition et bloquer ainsi, par réduction drastique des vitesses de réaction, toute évolution ultérieure de ceux-ci au profit des hydrocarbures saturés plus stables à basse température. La technique adoptée pour répondre à ces différents impératifs consiste à faire er dans les tubes chauffés d’un four un mélange d’hydrocarbures et de vapeur d’eau. Portés à haute température, les hydrocarbures sont pyrolysés et les produits résultants sont séparés après une trempe brutale. Dans ce qui suit, nous examinerons de manière plus détaillée les particularités et l’influence des variables opératoires au niveau de la section réactionnelle. Figure 4 – Influence de la structure chimique des hydrocarbures sur la réactivité relative du craquage thermique
— les ruptures : H + H → H2 ●
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H + CH 3 → CH 4 ●
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3. Étude des variables opératoires de la section de pyrolyse
H + C2 H5 → C2 H6 ●
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CH 3 + CH 3 → C 2 H 6 ●
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CH 3 + C 2 H 5 → C 3 H 8 ●
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L’acte chimique d’amorçage s’accompagne, dans la première étape de propagation, de la formation d’une molécule de méthane et d’un radical éthyle. Ce dernier peut se stabiliser en éthylène, produit recherché, par perte d’un atome d’hydrogène, lequel réagit immédiatement avec l’éthane dans la troisième étape de propagation pour fournir de l’hydrogène moléculaire et régénérer le radical éthyle consommé dans la deuxième étape. Une fois en régime, les réactions de propagation qui s’effectuent avec conservation des valences libres générées dans le processus d’initiation pourraient, en théorie, réaliser la transformation, via l’atome d’hydrogène et le radical éthyle, de la totalité de l’éthane engagé. Il s’établit toutefois une fuite qui réduit la teneur du mélange réactionnel en entités radicalaires et qui doit être combattue par la répétition plus ou moins fréquente du processus d’amorçage par craquage de la liaison C — C de l’éthane. Cette fuite est provoquée par la recombinaison des
Dans un réacteur mettant en œuvre une réaction thermique en phase gazeuse, les principales variables opératoires sont : — la température, qui fixe le niveau d’activation du système (§ 3.1) ; — le temps de séjour laissé au mélange réactionnel pour évoluer dans les conditions retenues (§ 3.2) ; — la pression et la teneur en réactifs de la charge, traduites dans le cas présent par la pression partielle des hydrocarbures (§ 3.3).
3.1 Température de réaction Dans un tube de four, il n’est pas possible de porter instantanément la charge à la température de réaction. La température évolue donc le long du tube : à l’entrée du four, elle croît rapidement puis, lorsque les réactions endothermiques commencent, elle monte plus lentement jusqu’à la sortie du four.
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Sur la figure 5, on a porté la température du tube entre l’entrée et la sortie, en fonction non pas directement de la longueur du tube, mais du nombre d’épingles (portions de tube verticales comprises entre deux points hauts de fixation, cf. figure 12). La modification de pente enregistrée vers 700 oC marque le début des réactions de craquage ; la première partie du tube de pyrolyse n’a donc pour objet que de porter la charge hydrocarbonée au niveau thermique minimal requis par les caractéristiques cinétiques de la transformation. Dans un tel réacteur, caractérisé par l’existence d’un gradient thermique important, seul le profil de température varie avec chaque type de four et selon les conditions opératoires adoptées. Toutefois, sur le plan industriel, on retient généralement comme significative du fonctionnement d’un four la température de sortie des effluents. Les températures de pyrolyse varient de 720 à 850 oC en fonction de la nature de la charge à traiter. C’est ainsi que la pyrolyse de l’éthane se pratique entre 800 et 850 oC, alors que celle des hydrocarbures saturés lourds (contenus par exemple dans un gazole ) est conduite, en raison de leur réactivité intrinsèque plus élevée, à un niveau thermique inférieur de 100 oC. Il est important de noter dès maintenant que la température de la paroi métallique du tube est bien supérieure à celle de l’effuent gazeux qui le traverse. Ainsi, pour une température de sortie du four de 884 oC, la température de peau (c’est-à-dire de paroi ) varie, selon les endroits du tube, entre 995 et 1 040 oC.
3.2 Temps de séjour En raison du gradient thermique, important le long d’un tube de four de pyrolyse, la notion de temps de séjour n’est guère aisée à cerner avec exactitude comme dans le cas d’un réacteur isotherme. On est donc souvent amené à définir un temps équivalent θ qui n’est autre que le temps de séjour requis pour réaliser, dans un réacteur isotherme travaillant à la température de sortie du four, une conversion de la charge identique à celle observée dans le tube de four à température variable. L’importance du temps de séjour est plus grande pour les charges lourdes que pour les charges légères. C’est ainsi que, dans le vapocraquage de l’éthane, du propane et, à un degré moindre, du butane, on note peu de différence dans les rendements en produits pour des temps de séjour allant de 0, 2 à 1, 2 s. En revanche, pour les charges liquides, on opère avec des temps de de 0, 2 à 0,3 s. En théorie, des temps de séjour plus courts encore devraient améliorer la sélectivité en éthylène et propylène, mais d’autres impératifs (limites de résistance des matériaux, coûts des fours, etc.) font que la limite inférieure est pratiquement de 0,2 s. Cette limite a été récemment abaissée dans le procédé Millisecond de Kellog. Elle est alors comprise entre 0,08 et 0,1 s. Ce procédé est surtout adapté aux charges lourdes.
à la vapeur d’eau par exemple, si elle diminue la vitesse de l’ensemble des réactions impliquées, contribue à améliorer sensiblement la sélectivité de la pyrolyse en faveur des oléfines légères recherchées. Outre ce rôle proprement cinétique, la dilution de la charge hydrocarbonée par la vapeur d’eau exerce un certain nombre d’autres effets bénéfiques : — apport d’énergie thermique lors de l’introduction de la vapeur d’eau dans la charge, d’où diminution dans la section réactionnelle de la quantité de chaleur à fournir par mètre de tube ; — contribution éventuelle à l’élimination partielle des dépôts de coke dans les tubes de four par réaction avec la vapeur d’eau : C + H 2 O ! CO + H 2 Compte tenu du niveau thermique très élevé (1 000 oC) exigé tant par la thermodynamique que par la cinétique dans la conduite de la réaction du gaz à l’eau, cette dernière ne joue toutefois qu’un rôle mineur dans le décrassage des tubes de pyrolyse. L’utilisation de la vapeur d’eau entraîne aussi certains inconvénients qui imposent une valeur limite à sa teneur dans la charge. Il faut en effet chauffer la vapeur d’eau à la température de réaction ; sa présence augmente le volume réactionnel requis et, par suite, les investissements au niveau des fours. Enfin, sa séparation des effluents hydrocarbonés nécessite des surfaces de condensation très importantes et demande une plus grande quantité d’eau de refroidissement. La quantité de vapeur d’eau utilisée, normalement exprimée en tonne de vapeur par tonne de charge, dépend de la masse moléculaire des hydrocarbures traités. De l’ordre de 0,25 à 0,40 pour l’éthane, elle atteint 0,50 à 1,00 pour les coupes pétrolières dont la tendance à donner des sous-produits lourds est beaucoup plus marquée. Pour une charge donnée, la composition des effluents réactionnels issus de la pyrolyse est bien entendu liée aux variables précédemment étudiées : température, temps de séjour, pression et taux de dilution par la vapeur d’eau. Au niveau de la réalisation industrielle, la recherche de valeurs optimales pour l’ensemble de ces variables peut imposer des impératifs contradictoires et la solution retenue sera généralement le résultat d’un compromis dans le choix du dessin du four d’une part, et des conditions opératoires d’autre part. De toute manière, il reste alors à relier l’influence globale de ces facteurs sur les performances de la section réactionnelle à l’aide d’une grandeur représentative dont la détermination expérimentale apparaît commode et dont la valeur indique conventionnellement la plus ou moins grande sévérité du traitement (§ 3.4).
3.3 Pression partielle des hydrocarbures et rôle de la vapeur d’eau Les réactions de pyrolyse conduisant aux oléfines légères (craquage et déshydrogénation) sont plus avancées à basse pression, domaine où les réactions de condensation sont fortement défavorisées. C’est pourquoi les tubes de four, compte tenu des pertes de charge inhérentes à la circulation du mélange réactionnel, opèrent à des pressions de sortie voisines de la pression atmosphérique. Mais, par ailleurs, la vitesse des réactions secondaires de condensation est beaucoup plus fortement influencée par la teneur en hydrocarbures du mélange réactionnel que les vitesses des réactions primaires de craquage et de déshydrogénation qui sont sensiblement, en cinétique formelle, d’un ordre 1 par rapport au réactif. Une diminution de la pression partielle en hydrocarbures par dilution
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Figure 5 – Pyrolyse de naphta : profil de température dans un tube (pour une température moyenne de sortie de 815 oC)
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On distingue à cet égard les unités industrielles selon qu’elles fonctionnent à basse, moyenne, haute ou très haute sévérité.
3.4 Analyse de la notion de sévérité La définition de la sévérité varie selon les constructeurs et elle peut être différente selon la nature des hydrocarbures traités. Ainsi, dans le cas du vapocraquage d’éthane ou de propane, il est commode de traduire la sévérité des conditions opératoires du traitement en termes de taux de conversion de la charge, noté x f et exprimé en pour-cent molaire. Mais lorsque l’on traite des coupes pétrolières liquides de composition très complexe et couvrant une large gamme de températures de distillation, il apparaît beaucoup plus délicat de définir le taux de conversion de la charge. On utilise alors généralement, pour repérer la sévérité des conditions opératoires, le degré de gazéification de la charge, mesuré par le rendement massique en produits légers à trois atomes de carbone ou moins (coupe C3– ). On conçoit en effet que les traitements conduits à haute ou très haute sévérité, qui réalisent une pyrolyse poussée et fournissent des quantités importantes de produits légers, doivent correspondre aux conditions opératoires les plus dures : gradient thermique optimal, température de sortie du four élevée et temps de séjour notable. À cette appréciation globale, les détenteurs de procédés se sont efforcés de substituer une analyse plus fine de la sévérité de marche d’un four de pyrolyse fonctionnant à partir d’une charge complexe. Divers travaux ont été entrepris à cet égard dont on trouvera une revue exhaustive dans les ouvrages spécialisés [1] [8]. Parmi les grandeurs ainsi dégagées et sensées représenter la sévérité des conditions opératoires, on peut citer : — le M (Molecular Collision Parameter ), fondé sur des considérations dérivées de la théorie cinétique des gaz et développé par Wall et Witt de la Selas Corporation [9] ; — le KSF (Kinetic Severity Function ) proposé par Zdonik et ses collaborateurs de la société Stone et Webster Engineering [10]. L’indice KSF de sévérité est défini comme une fonction logarithmique du taux de conversion xf d’un hydrocarbure témoin présent dans la charge, par exemple le n-pentane, choisi par Zdonik. Ce composé, toujours présent dans les naphtas (qui constituent la charge liquide classique des unités de vapocraquage), offre l’avantage de ne pas pouvoir se former dans la pyrolyse des autres composants par réaction secondaire. Le simple dosage du n-pentane à l’entrée et à la sortie du four fournit la valeur du taux de conversion xf et permet ainsi le calcul du KSF à l’aide de la formule : 1 KSF = In -------------1 – xf Ainsi par exemple, si, dans un four fonctionnant au naphta, le taux de conversion du n-pentane contenu dans la charge est de 0,75, 1 KSF = In --------------------- = In 4 = 1,39 1 – 0,75 L’indice KSF de sévérité présente l’intérêt de permettre une évaluation approchée de la conversion par craquage thermique des autres hydrocarbures de la charge. Ce calcul suppose toutefois que les différents hydrocarbures réagissent de manière indépendante, ce qui, dans le cas d’un schéma réactionnel radicalaire, ne constitue bien entendu qu’une approximation très grossière. Dans la pratique industrielle, on utilise rarement le KSF, on qualifie la sévérité de basse, moyenne ou haute, selon le rendement en éthylène (figure 6). Il convient, en outre, de souligner que la sévérité du vapocraquage agit non seulement sur le taux de conversion de la charge et le rendement global en produits C3– mais aussi sur la distribution des
Figure 6 – Pyrolyse de naphta : évolution typique de la composition des effluents en fonction de la sévérité de l’opération mesurée par l’indice KSF [11]
divers composés obtenus, ainsi que l’illustre la figure 6, d’après [11], dans le cas de la pyrolyse d’une coupe pétrolière liquide (naphta). ■ À basse et moyenne sévérités, ce sont les réactions primaires de craquage et de déshydrogénation qui se manifestent principalement et qui provoquent une augmentation rapide des rendements en méthane, éthylène, propylène et hydrocarbures à quatre atomes de carbone (coupe C4). Parallèlement, on enregistrera une diminution marquée des hydrocarbures à cinq atomes de carbone ou plus (coupe C 5 + ), qui traduit une conversion plus poussée des constituants de la charge en produits légers. ■ Pour les très hautes sévérités, les rendements en méthane et en éthylène plafonnent, alors que les rendements en propylène et en coupe C4 ent par un maximum puis diminuent. Il en résulte que le rapport des rendements en éthylène et en propylène augmente avec la sévérité, qui favorise donc la formation d’éthylène. Le rendement en coupe C 5+ e par un minimum puis, aux sévérités très élevées, tend à s’accroître. Cette évolution inverse des rendements en coupe C3 – C4 et en essence C 5 + dénote l’intervention des réactions secondaires de condensation, qui réalisent la conversion partielle de produits légers insaturés en composés plus lourds aromatiques. Le tableau 1 illustre l’influence de la sévérité sur la composition des essences de pyrolyse du naphta.
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(0)
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Tableau 1 – Vapocraquage de naphta : évolution de la composition (% masse) des essences de pyrolyse en fonction de la sévérité exprimée en pour-cent d’éthylène (avec recyclage d’éthane) Basse sévérité : Haute sévérité : 24,4 28,5
Très haute sévérité : 33,4
Charge Essence Charge Essence Charge Essence C5 ....................................... Benzène ............................ Autres C6 .......................... Toluène ............................. Autres C7 .......................... Xylènes.............................. Éthylbenzène + styrène .. Autres C8 .......................... C9 ....................................... Total................
............. 20,9 6,1 24,5 ............ 10,4 4,7 18,9 ............ 7,0 0,75 3,0 0,7 2,8 ............ 3,6 ............ 8,9 24,9 100,0
Pourcentage d’aromatiques .................. ............
49,2
............ 7,2 ............ 4,4 ............ 1,4 1,2 ............ ............ 22,6
13,8 31,8 7,5 19,4 4,5 6,2 5,3 2,0 9,5 100,0
............
62,7
............. 4,0 7,5 46,0 ............ 2,0 3,2 19,6 ............ 1,0 1,5 9,2 1,2 7,4 ............ 1,0 ............ 9,8 16,3 100,0 ............
82,2
3.5 Taux de conversion C’est le pourcentage en masse de charge transformée en produits C3– . Il s’etablissait dans les années quatre-vingt aux environs de 60 % et a eu tendance à augmenter depuis. Cela permet en effet de diminuer la taille de l’unité, en fonction de la demande du marché, mais au détriment du rendement ultime. Le vapocraquage des gazoles se fait toujours au maximum de sévérité possible pour une durée de cycle donnée (temps compris entre deux décokages, cf. 5.3).
4. Influence de la nature de la charge sur les performances de l’unité de vapocraquage
Tableau 2 – Influence de la nature de la charge sur les rendements (1) du vapocraquage Charges Produits obtenus Éthane Propane Butane H2 à 95 % (vol.)........... 8,8 2,3 CH4 .............................. 6,3 27,5 C2 H4 ............................ 77,8 42,0 C3H6............................. 2,8 16,8 C4 H6 ............................ 1,9 3,0 0,7 1,3 Autres C4 .................... Essence : o dont C5 –200 C (3) ... 1,7 6,6 Benzène C6 H6 ........... 0,9 2,5 0,1 0,5 Toluène C7 H8 ............. C8 aromatiques.......... ............ ............. — Non aromatiques. 0,7 3,6 Fuel .............................. ............ 0,5
Naphta moyen
Gazole Gazole atm. sous (2) vide
1,6 22,0 40,0 17,3 3,5 6,8
1,5 17,2 33,6 15,6 4,5 4,2
0,9 11,2 26,0 16,1 4,5 4,8
0,8 8,8 20,5 14,0 5,3 6,3
7,1 3,0 0,8 0,4 2,9 1,7
18,7 6,7 3,4 1,8 6,8 4,7
18,4 6,0 2,9 2,2 7,3 18,1
19,3 3,7 2,9 1,9 10,8 25,0
(1) Les valeurs indiquées en % masse sont obtenues à très haute sévérité, après recyclage aux fours de l’éthane ou (et) du propane non transformé ou formé dans la pyrolyse. (2) Gazole atmosphérique distillant à pression atmosphérique entre 250 et 380 oC environ, par opposition au gazole sous vide, obtenu par distillation sous vide du résidu de la distillation atmosphérique précédente (le gazole sous vide distille entre 380 et 525 oC sous une pression de 1,013 × 105 Pa). (3) Fraction hydrocarbonée dont la distillation s’effectue entre la température d’ébullition du pentane (36 oC) et 200 oC (sous 1,013 × 105 Pa).
Compte tenu de l’importance que présentent l’éthane, le naphta et le gazole comme charges de vapocraquage, nous commenterons ci-après de manière plus détaillée les résultats les concernant.
4.1 Vapocraquage de l’éthane Aux États-Unis, de nombreux gaz naturels contiennent de l’éthane qui est séparé et utilisé pour la production d’éthylène avec des rendements élevés (cf. tableau 2) ; cependant la sélectivité en éthylène diminue lorsque le taux de conversion de l’éthane augmente. En pratique, on opère vers 65 % de conversion, ce qui conduit, après recyclage de l’éthane non transformé, à un rendement de 80 % environ.
Le lecteur se reportera aux références bibliographiques [1] [2] [12].
Les charges utilisées en pyrolyse sont assez variées et vont des hydrocarbures saturés légers comme l’éthane, le propane ou encore des mélanges éthane-propane jusqu’aux coupes pétrolières plus ou moins lourdes telles que le naphta pétrochimique et les gazoles légers ou lourds. Les États-Unis, pays riche en gaz naturels associant au méthane l’éthane et le propane, utilisent encore majoritairement les hydrocarbures légers pour la fabrication de l’éthylène ; au contraire, en Europe, ce sont traditionnellement les coupes pétrolières qui assurent l’alimentation des vapocraqueurs (cf. tableau B en [Doc. J 5 460]). Le tableau 2 fournit les rendements en produits de pyrolyse pour différentes charges traitées à très haute sévérité, avec recyclage, à l’entrée de la section réactionnelle, de l’éthane non transformé ou produit. On note que le rendement en éthylène diminue à mesure que la charge devient plus lourde et que le rapport des rendements en éthylène et en propylène (rapport C2 /C3) diminue régulièrement de l’éthane aux gazoles, alors que le rendement en essence de vapocraquage (coupe C5 – 200 oC) croît parallèlement. (0)
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4.2 Vapocraquage de naphta Rappelons que le terme naphta désigne une coupe pétrolière dont les constituants les plus légers ont cinq atomes de carbone et dont le point d’ébullition final peut aller jusqu’à 200 oC environ. On distingue, selon leurs températures de distillation, les naphtas courts dont le point final d’ébullition est compris entre 100 et 140 oC et les naphtas longs dont le point final d’ébullition peut atteindre 150 à 200 oC. Les naphtas constituent la charge principale en Europe et au Japon. Le vapocraquage des naphtas fournit une très grande variété de produits depuis l’hydrogène jusqu’à des fractions liquides lourdes très aromatiques.
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Le tableau 3 donne des exemples de rendements obtenus à diverses sévérités, avec ou sans recyclage de l’éthane formé vers des fours particuliers. Les corrélations liant les variables opératoires aux rendements des principaux produits ne sont valables que pour un type de four déterminé. Cependant, si les valeurs absolues de ces corrélations ne sont pas comparables d’une installation à l’autre, le sens des variations demeure. Sous ces réserves, on peut examiner brièvement l’influence des variables opératoires déjà présentées sur le vapocraquage des naphtas. (0)
Tableau 3 – Vapocraquage de naphta : rendements (% masse) en produits de pyrolyse en fonction de la sévérité Sévérité ...............
Moyenne
Haute
Très haute
Recyclage C2H6 ...
sans
H2 ......................... C2H4 .....................
14,9 18,3
24,4
23,5
28,5
C2H6 .....................
7,5
...........
6,2
..........
19,2 19,5 3,1 3,1
17,5
17,5
0,8
0,8
CH4 .......................
avec 15,5
sans
avec
sans
avec
0,8
0,9
14,1
15,2
17,8 30,0
18,1 33,4
4,2
3,2
3,2
17,5 4,0
Autres C4 .............
9,1
9,6
7,2
7,2
5,7
5,7
Essence ...............
24,9
24,9
22,6
22,6
16,1
16,3
Lourds .................
3,0
3,0
4,1
4,1
4,7
4,7
C3H6 ..................... C3H8 ..................... C4H6 .....................
comme l’illustre la figure 7 . Actuellement, pour atteindre les meilleurs rendements en éthylène, on opère à haute sévérité, c’est-à-dire vers 850 oC, et les temps de séjour sont compris entre 0,2 et 0,4 s. On est toutefois limité dans le recours aux très hautes sévérités par la formation prohibitive de coke qui conduirait alors inéluctablement à une augmentation de la fréquence des opérations de décokage (cf.§ 5.3). On constate enfin que, pour une même sévérité, le rendement en éthylène décroît à mesure que la pression partielle en hydrocarbures augmente (figure 8). On ajuste cette pression partielle, en optimisant ainsi le rendement en éthylène (figure 9), par dilution du mélange réactionnel à la vapeur d’eau. En fait, pour des raisons économiques, on se limite généralement à une valeur de l’ordre de 0,5 à 0,6 t de vapeur d’eau par tonne de naphta. Les rendements en produits de pyrolyse demeurent encore fonction de la composition chimique du naphta utilisé. La stabilité thermique des hydrocarbures croît en effet dans l’ordre suivant : paraffines, naphtènes, hydrocarbures aromatiques et elle décroît lorsque la longueur de chaîne augmente (cf. figure 4). On observe donc en général que les rendements en éthylène ainsi qu’en propylène sont d’autant plus élevés que le naphta de départ est riche en paraffines.
17,8 4,0
Pour un four donné on peut isoler l’influence de la température de pyrolyse en maintenant constants le temps de séjour et la teneur en vapeur d’eau. À mesure que la température de sortie du four augmente (tableau 4), le rendement en éthylène croît alors que les rendements en propylène et en essence de vapocraquage (coupe C 5 – 200 oC) diminuent [13]. (0)
Figure 7 – Pyrolyse de naphta : influence de la température et du temps de séjour sur le rendement massique en éthylène
Tableau 4 – Vapocraquage de naphta (1) : influence de la température de sortie du four sur les rendements (2) en produits de pyrolyse Température de sortie du four .
815 oC
835 oC
855 oC
H2 ................................................ CH4 .............................................. C2H4 ............................................ C3H6 ............................................ C4H6 ............................................ C6H6 ............................................ C5 – 200 oC (3) ............................ Autres produits ..........................
0,66 13,82 24,71 17,34 4,18 4,89 22,64 11,76
0,74 15,65 27,06 16,28 4,17 5,90 20,89 9,31
0,81 17,40 29,17 14,44 3,99 7,08 20,01 7,10
(1) Caractéristiques du naphta : — intervalle de distillation 35-160 oC ; — composition chimique (en % volume) : paraffines... 80, naphtènes... 15, aromatiques... 5 ; — taux de dilution par la vapeur d’eau : 0,60. (2) Rendements exprimés en % masse par rapport à la charge. (3) Fraction de distillation de températures d’ébullition comprises entre celle du pentane (36 oC) et 200 oC (sous 1,013 × 105 Pa).
À température très élevée, le temps de séjour devient le facteur le plus important. En ce qui concerne le rendement en éthylène, à chaque température de sortie du four correspond un optimum
Figure 8 – Pyrolyse de naphta : influence sur le rendement massique en éthylène de la pression partielle en hydrocarbures à la sortie du tube de pyrolyse
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VAPOCRAQUAGE DES HYDROCARBURES
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Figure 9 – Pyrolyse de naphta : influence sur le rendement massique du rapport massique H2O/naphta (taux de dilution)
4.3 Vapocraquage de gazoles Le vapocraquage de gazoles, encore peu pratiqué actuellement, a cependant été utilisé aux États-Unis entre 1930 et 1940 pour la production d’éthylène et d’hydrocarbures aromatiques. La première unité en à traiter une charge lourde (gazole sous vide) a été celle d’Esso à Port-Jérôme (Seine-Maritime) vers 1950. Dans les deux dernières colonnes du tableau 2 sont donnés les rendements en produits de pyrolyse obtenus à partir de gazole de distillation atmosphérique ou sous vide des bruts. La production de l’éthylène s’effectue avec un rendement de l’ordre de 20 à 26 % en masse, mais s’accompagne, pour l’industriel, de la disponibilité de produits lourds (ou résidu) en quantité comparable, qui, ayant une température d’ébullition supérieure à 200 oC, sont, de par leur nature aromatique prononcée, réfractaires au craquage et ne peuvent donc pas être recyclés dans les fours de pyrolyse. Leur valorisation doit alors être recherchée : — dans la fourniture d’énergie au complexe pétrochimique centré sur le vapocraquage ; — dans l’envoi au pool fuel (*) de la raffinerie voisine pour la fabrication des combustibles lourds. (*) Le terme pool fuel désigne l’ensemble des effluents de toutes les unités qui contribuent à l’obtention du produit commercial, ce mélange étant caractérisé par ses propriétés physico-chimiques propres.
Le caractère hautement aromatique de ce résidu le rend souvent incompatible avec les fuels de distillation directe, et leur mélange se traduit alors par des dépôts d’asphaltènes et autres produits aromatiques condensés. On peut aussi utiliser le résidu lourd de craquage comme charge pour la fabrication de coke pour électrodes ou de carbon black, mais la qualité du produit n’est pas toujours bien adaptée à ces usages. À partir des données théoriques et expérimentales vues aux paragraphes 2, 3 et 4, nous pouvons aborder la mise en œuvre industrielle des opérations de pyrolyse, en insistant plus particulièrement sur les problèmes technologiques ardus qu’il a fallu résoudre dans la conception des vapocraqueurs modernes. À ce propos, nous envisagerons principalement les solutions adoptées dans le vapocraquage de naphta, qui prédomine dans la prétrochimie européenne.
La figure 10 présente un schéma très simplifié de l’ensemble de l’installation qui se compose d’un certain nombre de fours, de chaudières de trempe et d’un train de fractionnement très complexe. La charge hydrocarbonée entre dans la section chaude de l’unité par la zone de convection A du four où elle est préchauffée, puis elle est mélangée à la vapeur d’eau également préchauffée dans cette même zone ; les hydrocarbures et l’eau traversent alors la zone de radiation proprement dite du four B où s’effectue la montée rapide en température et les réactions de pyrolyse. À la sortie du four, les effluents sont, afin d’éviter toute réaction ultérieure, figés dans leurs possibilités cinétiques d’évolution par une trempe brutale conduite généralement en deux temps : une première trempe indirecte à l’eau, suivie d’une trempe directe utilisant le résidu lourd sous-produit de la pyrolyse. Les effluents sont alors transférés vers une tour de fractionnement primaire F qui sépare en fond un résidu lourd et, par soutirages, une fraction de l’essence de vapocraquage et de l’eau, tandis que les produits légers de pyrolyse sortent en tête sous forme gazeuse. Après compression, lavage à la soude (destiné à éliminer H2S et les gaz acides) et séchage, ces effluents légers entrent alors dans la section froide de l’unité qui peut être conçue de diverses manières, mais qui assure notamment la séparation : — de l’hydrogène plus ou moins concentré ; — de l’éthylène à 99,9 % (en masse) ; — du propylène à 95 % qui peut, en totalité ou en partie, être porté à 99,5 % (en masse) ; — d’une coupe C4 contenant 25 à 50 % (en masse) de butadiène ; — de la fraction complémentaire de l’essence de vapocraquage riche en hydrocarbures aromatiques. Nous erons donc en revue successivement ces différents appareillages.
5.1 Fours de pyrolyse On cherche à réaliser dans les fours une montée en température rapide de la charge, une température de sortie de four élevée et un temps de séjour très court. La conception des tubes de pyrolyse et des fours proprement dits revêt, pour la résolution de ces problèmes, une importance décisive.
5.1.1 Dimensionnement des tubes de pyrolyse Les fabricants de tubes de pyrolyse (cf. [Doc J 5 460]) utilisent pour le dimensionnement de ceux-ci des programmes informatiques qui leur sont propres et qu’ils ne publient pas. Le principe de calcul est donné ci-après. 5.1.1.1 Équations de base Elles sont au nombre de sept, d’après [14]. ■ La quantité d’énergie thermique Q qu’il faut transférer par unité de temps au mélange réactionnel pour assurer sa montée en température et compenser l’endothermicité des réactions de pyrolyse : Q = M R ∆T + M HC ∆H xf avec
MR
5. Mise en œuvre industrielle en four tubulaire Dans ce qui suit, la charge du vapocraquage considérée est le naphta ou le gazole.
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∆T ∆H
xf
(1)
débit massique de mélange réactionnel (= M HC + M H2 O , HC désignant les hydrocarbures), capacité thermique massique du mélange réactionnel, augmentation de température entre l’entrée et la sortie du tube en zone de radiation, enthalpie massique des réactions endothermiques pour une conversion totale du n-pentane contenu dans l’unité de masse de charge hydrocarbonée, (%) taux de conversion du n-pentane.
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Figure 10 – Schéma de principe de la section chaude d’une unité de vapocraquage de naphta
Sous cette forme globale, il s’agit bien entendu d’une expression approchée de la quantité de chaleur requise, qui suppose notamment que et ∆H varient peu avec la température et le taux de conversion. M HC D’où : (2) Q = M R c p ∆T + ------------ ∆ H x f = M R q MR M HC avec q = c p ∆ T + ------------ ∆ H x f . MR ■ La densité de flux thermique ϕ à travers la paroi du tube :
ϕ = K (Tm – T )
■ La surface d’échange nécessaire, compte tenu des densités de flux thermique réalisables pour satisfaire les besoins thermiques Q du système : cette surface est directement reliée au nombre de tubes et à leurs dimensions géométriques (longueur et diamètre). En introduisant ϕ la valeur moyenne de ϕ entre l’entrée et la sortie du tube de pyrolyse en zone de radiation, on peut écrire en première approximation :
avec
n
θ
0
E A exp – ---------RT
dt
(5)
avec
●
E énergie d’activation, A constante d’action, R constante molaire des gaz, t temps. Le temps de séjour θ : πnr 2 θ = ------------MR
L
0
ρ R dL
(6)
ρR
masse volumique du mélange réactionnel, variable le long du tube. Si ρ R est la valeur moyenne de la masse volumique du mélange réactionnel, l’expression (6) devient :
avec
θ = πnr 2 L ρ R M R
(7)
Remarque : aux cinq équations de base (1), (3), (4), (5) et (6), il convient d’ajouter deux équations complémentaires exprimant d’une part la perte de charge et d’autre part l’accumulation du coke sur la paroi interne du tube de pyrolyse, qui modifie notamment le coefficient global de transmission thermique K.
5.1.1.2 Influence, sur le nombre et la géométrie des tubes de pyrolyse, des contraintes thermiques et cinétiques
Q = MR q = 2 πnrL ϕ MR q ------------- = 2 πnrL ϕ
1 In -------------- = KSF = 1 – xf
(3)
où le coefficient global de transmission thermique K dépend notamment de l’hydrodynamique de l’écoulement à l’intérieur du tube, tandis que la température de peau de la paroi Tm est limitée par des contraintes métallurgiques et que la température du mélange réactionnel T varie le long du tube (cf. figure 5). Les densités de flux thermiques ϕ les plus élevées que permet actuellement la technologie de ces unités sont de l’ordre de 92 kW/m 2 (330 MJ · m –2 · h –1).
ou encore :
● La sévérité de l’opération selon l’équation cinétique classique exprimant le KSF :
(4)
nombre de tubes de pyrolyse,
r rayon intérieur d’un tube, L longueur des tubes dans la zone de radiation, le produit 2 πnrL n’étant autre que la surface d’échange recherchée.
On peut écrire à partir des équations (4) et (7) : M R q ϕ = 2 π nrL
et
M R θ ρ R = π nr 2 L
leur rapport membre à membre qui donne :
θ = rq ρ R 2 ϕ
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(8)
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VAPOCRAQUAGE DES HYDROCARBURES
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Il en résulte que, pour des caractéristiques thermiques ( q et ϕ ) comparables, le temps de séjour réalisé est proportionnel au rayon interne du tube de pyrolyse choisi. Les transferts thermiques sont alors ajustés au niveau requis, en jouant notamment sur le nombre de tubes et leur longueur. Comme on pouvait s’y attendre (cf.§ 4.2), la diminution du diamètre des tubes de pyrolyse, qui provoque une réduction du temps de séjour, se traduit dans les conditions industrielles du vapocraquage de naphta (figure 11, d’après [13]) par une amélioration du rendement en éthylène. Parallèlement, on observe, dans la zone habituelle des températures de sortie du four, une diminution du rendement en propylène et, par suite, une augmentation du rapport des rendements éthylène/propylène. On se trouve toutefois limité du côté des faibles diamètres par la nécessité de réduire les pertes de charge, de maintenir l’érosion produite par les gaz à l’intérieur des tubes dans une fourchette raisonnable et de ne pas grever trop lourdement les investissements qui s’accroissent avec le nombre de tubes utilisés. Par ailleurs, un faible temps de séjour réclame bien entendu des flux de transfert de chaleur aussi élevés que possible. La disposition des tubes, leur métallurgie, la répartition des brûleurs, l’aménagement du four lui-même, sont calculés en vue de répondre à cet objectif. La principale limitation aux flux de transfert de chaleur élevés réside dans la température maximale de peau que le tube est susceptible de er. À titre d’exemple, le tableau 5 présente l’influence de la température de peau sur la géométrie et les conditions de fonctionnement d’un tube de pyrolyse de diamètre donné et travaillant à sévérité constante. L’opération est conduite à débit massique de charge fixé pour une pression de sortie du tube et un taux de dilution constants dans des tubes de diamètre 0,105 m. L’augmentation de la température de peau des tubes est compensée par une diminution de leur longueur et, par suite, du temps de , de manière à opérer à sévérité constante au voisinage du rendement maximal en éthylène.
Tableau 5 – Vapocraquage de naphta : caractéristiques des tubes de pyrolyse Température maximale de peau .... oC Longueur du tube .............................m Perte de charge ............................ MPa Densité de flux thermique moyenne .............................kW/m2 Temps minimal de séjour ................. s
925 55 0,115
980 40 0,090
1 040 35 0,070
53 0,46
69 0,35
88 0,27
En pratique, on emploie pour le vapocraquage de naphta des tubes de 0,065 à 0,120 m de diamètre, à l’intérieur desquels les gaz circulent à une vitesse de l’ordre de 300 m/s ; la perte de charge enregistrée entre l’entrée et la sortie du four peut atteindre dans ces conditions 0,4 à 0,7 MPa. La nature de la surface intérieure du tube exerce une influence non négligeable sur le phénomène de pyrolyse. Le fer et le nickel catalysent en effet les réactions de déshydrogénation et favorisent de ce fait la formation de produits secondaires lourds et de coke. Cette action catalytique peut être atténuée par une sulfuration superficielle de l’acier. En outre, le pouvoir oxydant de la vapeur d’eau vis-à-vis des aciers alliés contribue aussi à réduire l’importance de ces déshydrogénations parasites. Il est également recommandé d’usiner très soigneusement la surface interne des tubes de pyrolyse, afin d’éviter l’accrochage de particules de coke sur les aspérités et la carburation du métal à l’origine de ruptures possibles [15].
5.1.2 Conception et agencement des fours Jusqu’en 1960, les fours étaient conçus pour opérer à temps de séjour élevé (de l’ordre de 0,8 à 1,0 s) et à des sévérités relativement faibles. Les tubes d’un diamètre interne de 0,090 m étaient disposés horizontalement.
Figure 11 – Vapocraquage de naphta : influence de la géométrie des tubes de pyrolyse sur les rendements en oléfines
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La seconde génération de fours est apparue fin 1960 avec des tubes verticaux, atténuant les problèmes de fluage et de déformation. Ces fours furent développés à l’origine pour permettre des températures de sortie plus élevées et des temps de séjour plus courts (0,4 à 0,5 s), mais leur diamètre intérieur restait voisin des précédents. Depuis, on a observé, en raison des arguments présentés à ce sujet, une tendance à diminuer le diamètre des tubes et, tout en conservant leur position verticale dans le four, différents dispositifs ont été proposés, qui sont schématisés sur la figure 12. Les tubes de pyrolyse, livrés en épingles dont la longueur des branches atteint 8 à 10 m, peuvent présenter un profil uniforme ou conique. Les serpentins sont suspendus dans leur partie supérieure à une tige articulée pourvue d’un contrepoids ou à un système à ressorts. Ils sont munis dans la partie inférieure de guides à même de se déplacer dans des fentes aménagées dans le réfractaire de la sole du four. De ce fait, les s ne sont pas directement exposés à la chaleur radiante et les tubes sont dans une position où la contrainte est minimale et où le fluage ne provoque pas de déformation importante ; la dilatation est rendue possible et les chocs thermiques sont mieux és, ce qui améliore la durée de vie des tubes. Un four comporte, selon leur longueur et leur diamètre, entre 4 et 16 tubes disposés en une seule ou deux rangées parallèles. Pour augmenter la surface interne des tubes, le constructeur Lumnus a inventé les riffle tubes dont la section, au lieu d’être cylindrique, se présente comme une rosace. Les aciers des tubes peuvent er jusqu’à 1 100 oC (Manorite 36 XS ). Le chauffage est assuré par des brûleurs à tulipe (en anglais : flat burners ), qui évitent la flamme directe sur le tube et permettent la radiation par chauffage du réfractaire. Celui-ci est constitué par des briques d’alumine et de silice pouvant er des températures de l’ordre de 1 700 à 1 800 oC. Les brûleurs sont généralement situés de part et d’autre des serpentins dans les parois latérales du four et utilisent les sous-produits du vapocraquage, essentiellement le méthane. Les fours comportent deux cellules accolées, ce qui présente l’avantage d’une plus faible déperdition de chaleur grâce à la paroi commune. En règle générale, la charge est préchauffée à 600 oC environ dans la zone de convection, grâce à l’énergie thermique des gaz chauds sortant du four ; elle est ensuite mélangée à la vapeur d’eau de dilution, puis entre dans la zone de radiation où, en 0,3 à 0,4 s, elle est portée à plus de 800 oC. Le rendement énergétique d’un four est de l’ordre de 95 % et les quantités de chaleur fournies dans les zones de convection et de radiation sont respectivement de 47 et 53 %. À l’intérieur de la zone de radiation, le profil de température du mélange eau-hydrocarbures est réglé en faisant varier l’intensité du chauffage des rangées de brûleurs. Dans l’état actuel de la technologie, la capacité de production d’un four de pyrolyse à deux cellules est de l’ordre de 100 000 t/an d’éthylène. Donc, un vapocraqueur de 900 000 t/an comporte une dizaine de fours de pyrolyse du naphta et un ou deux fours servant à la pyrolyse de l’éthane recyclé. Les fours conditionnent la bonne marche de l’ensemble de l’installation. Cependant, leurs conditions optimales de fonctionnement et la souplesse du procédé vis-à-vis des paramètres opératoires ne peuvent le plus souvent être évaluées qu’à l’issue d’une expérimentation en vraie grandeur sur four pilote. Les entreprises commercialisant des vapocraqueurs sont en général des compagnies d’ingénierie avec leur propre technique ou bien des spécialistes de fours (cf. [Doc. J 5 460]).
5.2 Trempe Les produits sortant de la zone de radiation du four doivent être refroidis le plus rapidement possible. Cette opération a notamment pour but d’éviter que la composition de l’effluent évolue par formation de produits lourds de polymérisation et par augmentation
Figure 12 – Tubes de pyrolyse : exemples de réalisations
de la teneur en essences. Il est important que la ligne de transfert entre le four et la chaudière de trempe soit la plus courte possible pour éviter un séjour supplémentaire des effluents à température élevée. La chaleur du four est d’abord récupérée par refroidissement indirect dans des chaudières de trempe, puis par trempe directe grâce à un système à recyclage utilisant une coupe hydrocarbonée lourde dite huile de trempe (cf. figure 10). Dans le cas du naphta, l’essentiel de la trempe est pratiqué dans des chaudières qui fournissent par échange entre les effluents et l’eau de la vapeur haute pression. Celle-ci est utilisée ensuite pour entraîner les compresseurs des installations de traitement des effluents gazeux. La température des gaz est ainsi abaissée jusqu’à 400 ou 450 oC et 50 % de l’énergie thermique fournie par les fours est récupérée à ce niveau. Dans le vapocraquage du naphta lourd ou des gazoles, on réduit la quantité de chaleur absorbée par la chaudière de trempe en diminuant la surface des échangeurs. Dans le cas extrême du gazole sous vide, il est impératif de supprimer totalement la chaudière de trempe pour ne réaliser que la trempe directe, car plus l’effluent renferme de fractions lourdes, plus il a tendance à provoquer le bouchage des tubes des échangeurs de chaudières, d’où de fréquents arrêts pour décokage (§ 5.3). Ces chaudières de trempe indirecte sont en réalité des échangeurs en ligne (Transfer Line Heat Exchangers : TLX ), disposés en général verticalement à la sortie des tubes de pyrolyse. Le faisceau tubulaire, à l’intérieur duquel circulent les gaz de pyrolyse, est constitué de tubes à double enveloppe ou d’un ensemble de rangées de tubes et de cloisons destinés à assurer la tenue mécanique de l’ensemble aux hautes pressions. La figure 13 fournit, à titre d’exemple, une vue isométrique simplifiée d’une cellule de vapocraqueur à tubes verticaux dans la zone de radiation et horizontaux dans celle de convection ; on y trouve également positionnés les brûleurs de parois, les chaudières de trempe, le ballon de vapeur et la couronne d’injection de la coupe lourde réalisant la trempe directe complémentaire.
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Pour les tubes de faible diamètre qui s’encrassent plus rapidement, l’augmentation de la perte de charge constitue le critère de cokage ; alors que pour les tubes de diamètre plus grand, moins sensibles aux dépôts de coke, c’est en réalité la température de peau du tube dans la zone de radiation qui témoigne du salissement. La durée de cycle entre deux décokages (t c), exprimée en jours, est alors donnée par l’équation : ( Tm ) c – ( Tm ) p t c = --------------------------------------∆T température de peau maximale issible sur tube coké, (Tm )p température de peau sur tube propre, ∆T augmentation journalière de température de peau du tube due au cokage. Le décokage est en général réalisé dans les tubes de pyrolyse et les chaudières de trempe par brûlage lent du coke en présence d’un mélange de vapeur d’eau et d’air à des températures de 600 à 800 oC. L’opération débute en présence d’un mélange très pauvre en air (1 %) que l’on enrichit progressivement jusqu’à 15 %. On peut aussi utiliser la vapeur d’eau seule, mais il faut alors opérer à des températures plus élevées (900 à 950 oC) afin d’activer la réaction du gaz à l’eau. avec
(Tm )c
À titre indicatif, à 950 oC, la durée de décokage à l’aide de vapeur seule est de 30 h. Elle peut être ramenée à 10 h en ajoutant 10 % d’air, et à 5 h avec 20 % d’air. Un décokage plus poussé de l’échangeur de trempe peut être effectué mécaniquement à l’aide de jets d’eau haute pression (30 à 70 MPa). Si le coke formé est très dur, on peut mettre en œuvre un sablage à l’eau.
5.4 Fractionnement primaire Figure 13 – Vue isométrique d’une cellule de four de vapocraquage
5.3 Cokage et durée de cycle Malgré toutes les précautions prises pour limiter la formation de coke dans les tubes du four et dans la chaudière de trempe, il est impossible de l’éviter totalement. On doit donc interrompe périodiquement le fonctionnement du four pour en éliminer le coke et la durée qui s’écoule entre deux décokages successifs est la durée d’un cycle. Cette durée varie selon les installations et la nature de la charge, mais peut être en moyenne estimée à quelques semaines. Ainsi, dans le cas d’un vapocraqueur comportant cinq fours, il y a toujours un four en décokage et la production n’est donc assurée que par quatre fours. Placé dans les meilleures conditions, un four fonctionnant à partir de naphta peut travailler 90 jours sans décokage, mais la durée du cycle est toujours inférieure, à cause de l’inévitable encrassement de la chaudière de trempe. Cette durée est très variable et peut aller de 15 jours à 6 mois en fonction du temps de séjour et de la sévérité. Les dépôts progressifs de coke dans les tubes de pyrolyse se traduisent par une élévation de leur température de peau, liée à l’inefficacité croissante du transfert de chaleur, ainsi que par une augmentation de la perte de charge provoquée par la réduction de la section libre du tube.
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À la sortie de la trempe, les effluents sont rassemblés et envoyés dans une colonne de séparation primaire dont le produit de fond sert au refroidissement complémentaire du gaz. Cette colonne sépare les gaz (envoyés ensuite à la section de compression), une partie de l’essence et les fractions lourdes. La vapeur de dilution est condensée, purifiée et réutilisée en circuit fermé. Le mélange gazeux sortant de la section précédente dite section chaude du vapocraqueur, contient un grand nombre de constituants qui doivent être séparés et purifiés. En effet, si le produit de base de la pyrolyse est l’éthylène, la récupération des autres produits est de plus en plus recherchée. Pendant la période où l’énergie et la matière première fournies par le pétrole étaient bon marché, une bonne part des coupes C3 et C4 résiduaires issues de la pyrolyse était soit brûlée sur l’unité, soit vendue comme gaz liquéfié, tandis que l’hydrogène résiduaire était brûlé avec le méthane. Avec le renchérissement du pétrole brut, il apparaît souhaitable d’utiliser au mieux les produits par la purification de l’hydrogène, par l’utilisation du propylène et du butadiène pour de nouvelles applications, ou encore par le recyclage des fractions C3 et C4 non utilisées. Finalement, si la recherche du rendement maximal en éthylène a conduit à une technologie très avancée en ce qui concerne les fours de pyrolyse, il a fallu aussi développer et perfectionner les techniques de séparation.
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5.5 Train de séparation et de purification aval
Tableau 6 – Spécifications requises pour l’éthylène et le propylène en sortie de vapocraqueur
5.5.1 Séparations Les séparations ultérieures sont réalisées par distillation à basse température dans la section froide de l’installation après compression, purification, séchage et condensation des effluents gazeux légers. Cette section comprend aussi des traitements intermédiaires de purification chimique de l’éthylène et du propylène qui contiennent des impuretés acétyléniques formées par déshydrogénation parasite lors de la pyrolyse (cf. figure 2). Or ces composés se révèlent particulièrement néfastes dans l’utilisation ultérieure des oléfines. Ces dérivés acétyléniques sont éliminés par hydrogénation sélective sur des catalyseurs métalliques. On aboutit donc à un ensemble d’opérations très complexes qui permettent de fournir séparément, aux spécifications voulues, les différents produits : éthylène, propylène, coupe C4 , coupe C5+ , etc. [1] [16].
5.5.2 Compression, désulfuration et séchage La distillation des effluents, qui se traitent à ce stade sous forme gazeuse, nécessite au préalable leur condensation en phase liquide. Compte tenu de la grande volatilité de certains constituants du mélange d’hydrocarbures traité (les températures d’ébullition sous pression atmosphérique du méthane, de l’éthane et de l’éthylène étant respectivement – 161,6 oC, – 88,9 oC et – 103,7 oC), une telle opération, conduite à pression normale, exigerait le recours à des températures particulièrement basses. Pour limiter les difficultés technologiques rencontrées en cryogénie, la condensation est donc pratiquée sous pression. Les gaz sont comprimés en plusieurs étages (4 ou 5), avec refroidissements intermédiaires pour éviter un échauffement qui induirait des polymérisations indésirables. Entre chaque étage de compression, on collecte les fractions liquides ou liquéfiées dont on élimine par entraînement à la vapeur les composés les plus légers qui sont recyclés. À ce niveau, un des grands progrès dans la technologie du vapocraquage a été apporté par l’utilisation des compresseurs centrifuges qui ont supplanté les compresseurs alternatifs ; leurs principaux avantages résident dans la réduction des investissements et des frais d’entretien ainsi que dans leur faible encombrement. Ils atteignent d’ailleurs aujourd’hui des puissances de 20 MW et plus. Avant le dernier étage de compression, on procède à la désulfuration des gaz. Le soufre contenu dans la charge se retrouve en effet sous forme de H2S, COS et mercaptans légers. Ces dérivés, ainsi que le dioxyde de carbone, sont enlevés par lavage à la soude, parfois précédé d’un lavage aux éthanolamines. Les gaz sont alors séchés sur alumine ou tamis moléculaires jusqu’à une teneur résiduelle en eau inférieure à 5 × 10–6 en volume, pour éviter la formation de cristaux de glace lors des processus de refroidissement subséquents. Le schéma complet des différents appareillages des sections chaude et froide d’une unité de vapocraquage industriel et les consommations moyennes en utilités sont indiqués dans l’article Éthylène, propylène, butadiène [J 6 020-1 383] du présent traité.
5.6 Qualité des produits Les exigences de pureté requises dans certains procédés en aval du vapocraquage, en particulier les polymérisations, amènent à des spécifications de plus en plus draconiennes. À titre d’exemple, pour les deux principaux produits, l’éthylène et le propylène, les spécifications requises sont données dans le tableau 6.
Éthylène ................................................................... > 99,95 % vol. CH4 , C2H6 , N2 ......................................................... < 500 ppm vol. Autres....................................................................... < 10 ppm vol. Acétylène ................................................................. < 1 ppm vol. H2 .............................................................................. < 3 ppm vol. CO2 ........................................................................... < 2 ppm vol. CO............................................................................. < 0,5 ppm vol. O2 ............................................................................. < 2 ppm vol. H2S ........................................................................... < 1 ppm masse Soufre total .............................................................. < 1 ppm masse Eau ........................................................................... < 3 ppm masse NH3 ........................................................................... néant Total alcools et cétones (exprimé en méthanol) ........................................... < 3 ppm Propylène................................................................. > 99,8 % masse Autres hydrocarbures ............................................. < 0,2 % masse Méthylacétylène et propadiène ............................. < 10 ppm masse H2 .............................................................................. < 5 ppm masse CO2 ........................................................................... < 5 ppm masse CO............................................................................. < 1 ppm masse O2 ............................................................................. < 2 ppm masse N2 ............................................................................. < 10 ppm masse Soufre total .............................................................. < 1 ppm masse ppm : partie par million, soit 10 –6
6. Évolution technologique et contexte économique Les évolutions récentes majeures concernent l’amélioration des rendements et l’accroissement de la taille des unités : ce dernier paramètre va dans le sens d’une meilleure rentabilité des installations, mais il n’est pas exempt d’effets pervers sur lesquels on reviendra.
6.1 Évolution technologique Des progrès en métallurgie ont débouché sur une nouvelle génération de tubes, ce qui a permis d’augmenter leur diamètre à la sortie des fours, avec un certain nombre d’avantages, entre autres : — diminution de la perte de charge et donc de la pression partielle des hydrocarbures ; — réduction du nombre de tubes à la sortie des fours et de celui des chaudières de trempe ; — augmentation du temps de séjour sans perte de sélectivité ; — doublement de la capacité unitaire des fours. En outre, les vapocraqueurs, comme les unités nouvelles de raffinage et de pétrochimie, bénéficient des progrès en informatisation, automatisation et simulation. Des outils de plus en plus perfectionnés permettent plusieurs niveaux d’optimisation : au niveau local (fours, séparations), au niveau global et à celui de l’intégration avec les unités en amont ou en aval.
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VAPOCRAQUAGE DES HYDROCARBURES
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6.2 Contexte économique Le coût de production de l’éthylène, produit essentiel du vapocraquage, est fonction principalement : — du coût de la matière première (cf. figure A en [Doc. J 5 460]) ; — du montant des investissements mis en œuvre (cf. tableau C en [Doc. J 5 460]) ; — de la valorisation des coproduits. Si l’on considère la situation européenne et celle du Sud-Est asiatique, où le naphta est la charge utilisée majoritairement, la valorisation de tous les produits du vapocraquage est primordiale. Le butadiène en est un exemple. Sa demande ayant fortement chuté ces dernières années (cf. tableau A en [Doc. J 5 460]), il est devenu nécessaire d’en recycler les excédents. Or le butadiène est une charge médiocre pour le vapocraquage, une hydrogénation préalable est souhaitable, ce qui engendre des coûts supplémentaires. La valorisation des essences de vapocraquage peut aussi poser problème. Le pétrochimiste doit en trouver des débouchés, soit chez un raffineur, soit directement. Mais la constitution d’un carburant aux spécifications requises implique d’indispensables traitements annexes. En Europe, beaucoup de vapocraqueurs sont intégrés à des sites de raffinage, ce qui facilite les échanges. La taille des vapocraqueurs est aussi un facteur très important du coût de production de l’éthylène. La taille moyenne des unités de vapocraquage en Europe n’a cessé de croître, depuis une capacité de production de 50 kt / an d’éthylène en 1960 jusqu’à 700 kt / an actuellement. Pour bénéficier des économies potentielles d’échelle, il faut pouvoir écouler la production sur le marché : en cas de sur-
capacité, conduisant à une sous-utilisation des équipements, elles sont rapidement absorbées. Le coût de production de l’éthylène d’une unité de 600 kt/an fonctionnant à 80 % de sa capacité (donc ne produisant que 480 kt) est équivalent à celui d’une unité de 400 kt/an de capacité. La surcapacité éventuelle ne concerne pas seulement l’éthylène, mais aussi tous les autres produits, dont le propylène : ce dernier représente aujourd’hui 40 % de la valeur des coproduits d’un vapocraqueur de naphta. Enfin la logistique joue un rôle essentiel dans l’économie de la production, en amont pour les approvisionnements comme en aval pour le stockage et le transport de l’éthylène et du propylène. Dans de nombreux cas, l’éthylène est utilisé de façon captive par la société productrice, ses filiales ou d’autres sociétés voisines. Autour du vapocraqueur se construit en général un complexe très diversifié comme celui dont le schéma de production est présenté sur la figure 14. Très souvent, les producteurs d’éthylène ont créé un véritable « pool » en reliant les différents vapocraqueurs et leurs utilisateurs par un réseau de pipelines et en aménageant des stockages souterrains importants. De tels réseaux existent aux États-Unis, en Europe et en : dans la région Midi-RhôneAlpes, il y a trois réseaux d’éthylène, un stockage souterrain à Viriat et un réseau de propylène. La production d’éthylène continue à croître dans le monde, aussi bien aux États-UNis qu’en Europe, mais les nouvelles réalisations se concentrent surtout dans les pays où la matière première est bon marché (Moyen-Orient) ou dans la région Asie-Pacifique où l’on enregistre depuis 1990 une explosion de la demande.
Figure 14 – Exemple d’un complexe pétrochimique centré sur le vapocraquage
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Vapocraquage des hydrocarbures
P O U R
Claude RAIMBAULT
E N
par
Ingénieur ENSPM Expert à la Direction Stratégie-économie-programme à l’IFP Professeur à l’ENSPM
S A V O I R
Gilles LEFEBVRE
et
Ancien Ingénieur Principal à l’IFP Professeur honoraire à l’ENSPM ENSPM : École Nationale Supérieure du Pétrole et des Moteurs IFP : Institut Français du Pétrole
Aspects économiques (0)
Tableau A – Structure de la demande en hydrocarbures de base (en pour-cent de la demande en éthylène) États-Unis 1978 Éthylène ............................................................ Propylène ......................................................... Butadiène ......................................................... Benzène ............................................................
Europe de l’Ouest
1985
100 48 15 42
1993
100 48,5 11,5 40
100 52 9 34
1978
1985
100 51,5 11 42
100 55 9,5 39
Japon 1993 100 61 9 37
1978
1985
1993
100 65 16,5 46,5
100 63,5 16,5 43,5
100 73,5 14 56,5
(0)
(0)
Tableau B – Répartition géographique des charges de vapocraquage en 1993 (en pour-cent masse) Europe de l’Ouest
Amérique du Nord
Japon
Monde
Naphta ................................. Gazoles ................................ Hydrocarbures légers (1)....
70 9 21
17 7 76
97 .............. 3
50 6,5 43,5
Total .....................................
100
100
100
100
Doc. J 5 460
9 - 1995
(1) Issus du gaz naturel et des gaz de raffinerie.
Tableau C – Coûts d’investissement (capital fixe) d’unités de vapocraquage sur différentes charges (1) Charge .......................................
Éthane
Naphta
Capacité (t/an) ...........................
600
450
450
Investissements (M$) ...............
520
600
660
(1) D’après documents IFP-US Gulf Coast : chiffres 1993 fondés sur les coûts de construction autour du Golfe du Mexique.
Gazole
Figure A – Coûts de production de l’éthylène en 1994 dans différentes zones géographiques
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Doc. J 5 460 − 1
P L U S
P O U R E N
VAPOCRAQUAGE DES HYDROCARBURES
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Constructeurs. Fournisseurs Vapocraqueurs
Japon
N’importe quelle société d’ingénierie est susceptible de proposer une unité de vapocraquage.
Mitsubishi
Italie
Fours de pyrolyse
KTI
Foster Wheeler (sous licence Stone et Webster, Lumnus, Kellog)
KTI (Kinetics Technology International)
Pays-Bas
Heurtey Petrochem (sous licence Stone et Webster, Lumnus, Kellog)
Doc. J 5 460 − 2
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